Société

Droit de cité : Bourque à la présidence!

Pierre Bourque jalouse Boris Elstine. Il aimerait bien lui ressembler, l’haleine éthylique et les boursouflures en moins.

En effet, notre bon maire veut loger et déloger les membres du gouvernement municipal au gré de ses alliances, de ses amitiés, de ses inimitiés, de ses sautes d’humeur, et de sa tolérance à géométrie variable face à la dissension chez ses conseillers un brin pantins.

Bref, il veut jouer à une espèce de jeu de shuffle board avec les membres du comité exécutif. Le président du comité s’oppose à un règlement? Tu sautes, mon vieux. Un membre n’aime pas l’argumentaire du maire dans un dossier? Zip! Ça lui apprendra à faire des remontrances au maire.

Bref, quand les marionnettes deviennent plus «difficiles à conduire», comme ils disent boulevard Cavendish, le maire n’aurait qu’à les changer pour de plus malléables.

Afin d’avoir les coudées franches pour virer qui bon lui semble, Pierre Bourque est descendu à Québec pour mendier un amendement à la Charte de la Ville de Montréal, auprès du gouvernement provincial qui le traite au mieux comme un bouffon, au pire comme un enfant à charge. Le même gouvernement qui lui refuse à peu près tout, du pacte fiscal jusqu’à la fusion municipale, et qui l’accuse de profond déficit démocratique. Autrement dit, ce ne sont pas ses amis.

Et pourtant_ Pierre Bourque a vu ses voeux exaucés. (Il faut mentionner que Sainte-Anne-de-Beaupré est juste à côté de Québec, ceci expliquant probablement l’ensemble de son oeuvre.)

Le gouvernement Bouchard a donc déposé un projet de loi dans lequel la Charte de la Ville est modifiée afin que le maire puisse disposer à sa guise des membres du comité exécutif. C’est d’autant plus étonnant que la dernière fois que Bourque avait demandé des changements à la Charte, le gouvernement du Québec avait presque dit qu’on ne l’y reprendrait plus. (Une première fois, Bourque demanda l’abolition du poste stratégique de directeur général; puis, deux tempêtes de neige plus tard, il réclama la re-création du même poste. Un jeu de fous, je vous dis.)
Alors, ze question: quel morceau de la Ville a-t-il bien pu troquer pour obtenir son nanane de Québec ?
Les membres du comité exécutif sont traditionnellement – et quand on fait appel à la tradition, c’est que ça fait longtemps: 1921 pour être précis – désignés pour quatre ans par le conseil municipal. Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, c’est le maire qui les choisit d’abord, pour les faire entériner par la suite avec sa majorité.
À première vue, la demande du maire a l’air raisonnable. Mais ce n’est pas le cas. La machine municipale fonctionne avec un moteur à trois temps: le conseil, le maire et le comité exécutif. Les trois doivent être indépendants les uns des autres. S’il y a contact, c’est le court-circuit.

Pour une raison simple: le maire ne sera pas toujours majoritaire au conseil, et la Ville doit continuer de rouler qmalgré tout au cas où. Le comité exécutif doit être à l’abri des controverses politiques pour que les ordures continuent d’être ramassées en cas de crise politique.

C’est ce qu’un juge avait écrit dans une injonction, interdisant au maire Bourque de congédier deux membres du comité en janvier 1997.

Dans les archives
En janvier 1997, à l’hôtel de ville, on avait tourné un remake des Guignols, ces marionnettes qui se frappent à la tête à coups de bâtons de base-ball jusqu’à ce que démission s’ensuive. Dans les rôles-titres: le maire Pierre Bourque et les conseillers Sammy Forcillo et Pierre Goyer, alors membres du comité exécutif; et, comme artiste invitée, un juge de la Cour supérieure, son Honneur Danielle Grenier.

Hélas, un scénario bâclé, un réalisation à la va-comme-je-te-pousse-en-bas-de-l’estrade et le très faible jeu des comédiens, à la limite de l’amateurisme, avaient transformé cette truculente comédie en un opéra savon grotesque.

Pourtant, une heure avant que la séance extraordinaire du conseil municipal de ce 16 janvier 1997 ne débute, la fébrilité était évidente. À quinze heures sonnantes, devant une assistance «paquetée» par l’opposition, le maire a affronté les partisans de Forcillo et de Goyer. Ils devaient être renvoyés du comité exécutif pour simple blessure à l’amour-propre du maire, sur ordre de Sieur Bourque.

C’est alors qu’un train nommé Injonction, en provenance du palais de justice, avait frappé Bourque: il n’avait pas le droit de «démissionner» des membres du comité exécutif, c’était écrit dans la Charte.

Le maire tomba en bas de sa chaise (façon de parler). L’assemblée se leva, les faux-frères demandèrent pardon et l’opposition ronronna de bonheur après s’être empiffrée à ce buffet all you can eat d’enfantillages.

Vers dix-sept heures, Pierre Bourque présentait aux journalistes sa gueule de perpétuel persécuté. «Tout… tout fonctionne b-bien à à Montréal. crise, c’est dans la tête des gens.»

C’était une réplique à conserver pour les générations futures.

Et pour bien faire comprendre les raisons pour lesquelles il ne faut pas jouer les apprentis-sorciers avec les institutions démocratiques.