Société

Producteurs de télé : Scènes de ménage

Flash-back: 26 septembre 1999, Théâtre Saint-Denis, gala des Prix Gémeaux. Au beau milieu des froufrous et des tuxedos, l’industrie de la télévision se félicite, se congratule et se remet des trophées, mais, pendant qu’on badine devant les caméras de télévision, on rit jaune en coulisses. Les déclarations-choc de Fabienne Larouche («Les producteurs sont des morons, le système est pourri, l’argent ne va pas à l’écran…») ont soulevé une couche de poussière qui semble ne plus vouloir retomber. Le sourire crispé de l’auditoire pendant la mémorable chanson du duo Labrèche-Brathwaite («On est des bitches…») en disait long sur le malaise qui règne dans ce milieu.

Dans la semaine qui a suivi, plusieurs personnes se sont portées à la défense des producteurs. De Guy A. Lepage («Moi, je l’aime mon producteur…») au directeur des programmes de Télé-Québec Mario Clément («On n’a pas le droit de dire de sottises pareilles»), en passant par Rock Demers qui, au nom de l’Association des producteurs, a déclaré que les budgets de production étaient vérifiés, et que les prêts accordés aux producteurs étaient remboursés; on a assisté à un bel effort de «damage control».

De leur côté, les principales institutions concernées (Téléfilm, la SODEC) ont osé jouer à la vierge offensée, affirmant que toutes les règles étaient respectées. Chacun dans son coin souhaitait silencieusement que l’histoire meure de sa belle mort…

Or, voilà, il se trouve que des journalistes ont fait leur travail. On pense à Laurent Soumis au Journal de Montréal, à Sophie Langlois et Pierre Tourangeau à Radio-Canada, qui ont, chacun de son côté, levé le voile sur des pratiques pas toujours catholiques: emploi de prête-noms, création de fausses compagnies de distribution à l’extérieur du Québec dans le but de frauder le système, détournement de fonds, et ce, souvent au vu et au su des institutions concernées. Laid. Très, très laid.

En visite en Californie la semaine dernière, le premier ministre Bouchard a affirmé que l’industrie de la télé continuerait de recevoir des subventions gouvernementales. Tant mieux, car sans l’aide de l’État, la télévision québécoise est condamnée à mort. Sauf qu’avant d’accorder des millions de dollars qui proviennent des poches des contribuables, il y a un méchant ménage à faire. En d’autres mots, le travail journalistique est loin d’être terminé.

Les médias anglophones ont commencé à s’intéresser à l’affaire: The Gazette, The Globe and Mail et The National Post enquêtent. Tant mieux, car Sophie Langlois doit commencer à se sentir un peu seule. Dimanche dernier, cinq minutes après la diffusion d’un de ses reportages, la journaliste a reçu des menaces dans sa boîte vocale. Le ton était assez sérieux pour que madame Langlois remette l’affaire entre les mains de la police.

Qu’est-ce que la direction de l’information de Radio-Canada attend pour prêter main-forte à sa journaliste en assignant une petite équipe au dossier des producteurs? On se le demande. Pour l’instant, Sophie Langlois ne peut compter que sur l’aide de la recherchiste assignée au module des affaires économiques. C’est insuffisant. Serait-ce que ce scandale est «too close to home» comme disent les Anglos?

Une chose est certaine, il reste encore beaucoup de «caca» à déterrer. On a identifié la maison de production Cinar parmi les tricheurs, mais tout le monde sait qu’elle n’est pas la seule. Un exemple? Il y a deux semaines, une réunion inhabituelle s’est tenue dans les bureaux d’une maison de production à la réputation fort respectable. Autour de la table, on avait réuni une poignée d’employés de la boîte ayant tous servi de prête-noms au cours des dernières années. Il paraît que même la femme du boss était du nombre. Le patron de la maison de production, un être au-dessus de tout soupçon, il va sans dire, se voulait rassurant. «Ne vous en faites pas, aurait-il dit en substance, vos noms vont disparaître des génériques et personne ne pourra vous retracer.»
C’est ce qu’on va voir…

La plogue est dans la télé
La présence de Simon Durivage à l’animation du Poing J (un bon coup médiatique pour TVA) a soulevé un débat au sein de la communauté journalistique. Certains journalistes s’inquiètent en effet de la confusion des genres qui règne dans les médias québécois. Ces mêmes journalistes ont dû coller au plafond lundi soir dernier. Sur les ondes de RDI, à la place du bulletin d’information de 21 heures, les téléspectateurs ont pu voir une superbe info-pub autour du lancement de la télésérie sur Maurice Richard qui sera présentée à Radio-Canada à la mi-novembre. À côté de cela, les traditionnels making of ressemblent à de timides exercices d’étudiants en relations publiques.

Habile, le producteur de la série, Robert-Guy Scully, avait organisé une soirée-hommage en l’honneur du Rocket. On n’avait rien négligé: tout le gratin de la société québécoise (politiciens, gens d’affaires, vedettes du petit et du grand écran) était réuni pour l’occasion. Scully a ainsi pu bénéficier d’une couverture mur à mur du réseau de l’information, ainsi que de la participation de deux journalistes crédibles, Michel Viens et Marie-Josée Turcotte. Vêtus d’une tenue de gala, les deux animateurs de la soirée ont interviewé les comédiens Roy Dupuis et Macha Grenon, qui tiennent les rôles principaux dans la série. Tout ça sur le réseau de l’information.

«Bon visionnage!» a lancé Robert-Guy Scully avant de présenter le premier épisode de la série à ce public trié sur le volet. Il était 21 h 18 quand RDI a finalement présenté son bulletin d’informations. Sans commentaires.

Zapping

Barbie, la Vénus de vinyle
Barbie a 40 ans, toutes ses dents, et des seins moins agressifs que dans les années 80. Pourtant, elle irrite encore certaines féministes qui voient en elle un mauvais exemple pour les petites filles en quête de modèles féminins positifs. Dès les premières minutes de ce documentaire, on voit tout de suite à quelle enseigne loge la réalisatrice Nicole Giguère qui signe ici un film à la facture un peu platte. Reste que le sujet est intéressant et que les «croyances» de la cinéaste n’ont pas complètement étouffé les propos dissidents. À voir, jeudi 28 octobre, à 20 h. Télé-Québec.

Les femmes au pays des droits de l’homme
L’animateur Michel Field (qui a longtemps animé Le Cercle de minuit) est désormais aux commandes de cet excellent magazine qui se penche cette semaine sur le droit des femmes, un sujet très chaud en France par les temps qui courent. Ces droits sont-ils en régression? Lundi 1er novembre, 19 h 30. TV5

Bowie à MusiquePlus
L’artiste du mois de novembre à MusiquePlus: David Bowie en personne, qui a accepté de se produire pendant 90 minutes devant un auditoire restreint de 200 personnes. Si vous voulez être au nombre des chanceux qui assisteront à l’événement, écoutez Interfax tous les jours à 17 h 30.