Entrevue avec Pierre FalardeauCinéaste : À propos de la nouvelle loi sur le tabac
Société

Entrevue avec Pierre FalardeauCinéaste : À propos de la nouvelle loi sur le tabac

Réalisateur et essayiste au style mordant, PIERRE FALARDEAU est également un fumeur invétéré. L’Hexagone a lancé cette semaine Pierre Falardeau persiste et filme!, un recueil d’entretiens avec ce cinéaste engagé.

Dans environ six mois, en vertu du projet de loi 414, il sera interdit de fumer dans la plupart des lieux publics et des milieux de travail. Selon vous, une telle loi brime-t-elle les libertés individuelles?

«Je ne sais pas si c’est brimer les libertés individuelles, mais je trouve que tout ça relève d’une espèce de puritanisme américain qui vient surtout des mangeux de salade de la côte Ouest, de ces gens qui veulent mourir en santé. Le débat autour de la cigarette est une véritable fixation, un abcès sur lequel on s’acharne et qui permet de passer à côté de tout un tas d’autres problèmes.

Il y a une couple de jours, Le Point a passé un reportage sur des jeunes de la Floride qui ont été grassement payés pour faire des publicités anti-tabac. Le gouvernement leur a donné des millions! Ces jeunes-là se sont investis là-dedans à fond de train; ils étaient talentueux et il y avait du cash à faire. En regardant ça je me disais: ils mettent des millions pour lutter contre le tabac, mais quand est-ce qu’ils vont mettre des millions pour faire des campagnes contre le grand capital aux États-Unis?

En ce moment, tout le monde est contre les gens qui fument. O.K., mais qu’est-ce qu’on fait du mercure, du plomb, de tous les produits chimiques qui circulent et de toute la bouffe pourrie qu’on nous fait manger? Le tabac est sûrement un problème, mais, en même temps, faites-nous pas chier! Leur gros argument, c’est de dire que ça coûte des millions à la santé; je veux bien, mais à ce moment-là bannissez aussi l’alcool! Et puis le développement de l’asthme et des allergies au cours des vingt dernières années, ce n’est pas juste à cause du tabac, il y a plein de saloperies qui circulent dans l’air.»

Que l’Organisation mondiale de la santé, les Nations unies et même la Banque mondiale déclarent la guerre au tabac vous semble donc une nouvelle forme de chasse aux sorcières?

«Oui, c’est ça le puritanisme américain de la côte Ouest dont je parlais tout à l’heure. Il y a une espèce d’hypocrisie là-dedans. Comme Pierre Bourgault l’a déjà dit, on nous empêche de fumer dans l’avion; avec ses huit moteurs et ses pots d’échappement le gros Boeing 747 dégage du fuel à la planche, mais c’est quand même le fumeur qui pollue avec sa cigarette!

Si on parle de pollution et de tout ce qui affecte la santé, moi, j’embarquerais dans une campagne contre la publicité, contre le cinéma d’Hollywood ou contre la propagande fédéraliste à Radio-Canada. Ça, c’est encore plus grave que les poumons, ça attaque l’âme et le cerveau! Mais là tout est axé sur les petits poumons roses…

Il y a donc de l’hypocrisie, mais aussi tous les bons sentiments d’une société un peu conne, qui cherche toujours à solutionner les problèmes de la vie avec la loi. La vie en entier se trouve soumise à la loi. Ils vont finir par voter des lois pour nous interdire de mourir ou d’avoir du fun! Ce sont des lois fuckées comme – là, je vais me faire de nouveaux amis – la loi sur les armes à feu. Je trouve que c’est une loi débile! Les gens pensent qu’il n’y aura plus de violence parce qu’il y aura moins d’armes. Il y a une espèce de pensée magique derrière tout ça.

Et puis, si je veux crever à cause du tabac, c’est mon droit. Qui est-ce que ça énerve? L’autre gars à côté est peut-être alcoolique… Je ne dis pas que c’est bien, si je pouvais me passer de fumer, je le ferais; j’espère d’ailleurs que mes enfants ne fumeront pas. Il y a des gens qui boivent, d’autres qui prennent des médicaments; on est des adultes…»

Vous êtes donc de ceux qui réclament le droit de mourir du cancer du poumon si ça leur chante?
«Je ne réclame pas vraiment ce droit, mais on va mourir de toute façon. Que ce soit du cancer du côlon à cause des produits chimiques qu’il y a dans la viande ou à cause de la cigarette, on va mourir quand même. À un moment donné, tu ne manges plus rien parce que ça fait du cholestérol, tu baises avec des capotes et tu penses avec des capotes. Il y a quelque chose d’anti-vie là-dedans. Je ne suis pas du tout contre l’utilisation des condoms, mais on va finir par penser avec des capotes sur la tête!»

Allez-vous défier la loi?
«Je vais essayer de continuer à vivre. C’est pas sûr que je vais mener une lutte à mort contre ça… À l’époque, ils ont passé des lois contre le jeu, contre l’alcool et même contre les mauvaises pensées! La vie continue quand même; s’ils pensent régler la vie à coups de règlements, ils vont l’avoir dans le cul! Ils essaient d’empêcher la dope, mais il y en a pareil…»