Société

Médias : Le financement de la télévision / Cash City

Depuis quelques semaines, le milieu de la production télé est sous les projecteurs. Et le public découvre des intrigues plus croustillantes que n’importe quel épisode de Réseaux. Point de départ de toute cette affaire: les déclarations-chocs de la scénariste-productrice Fabienne Larouche, qui reproche entre autres aux producteurs indépendants de s’en mettre plein les poches. Depuis, des journalistes ont déterré des histoires juteuses: la compagnie Cinar utiliserait des prête-noms et certains producteurs auraient créé des compagnies de distribution bidon, tout ça dans le but de récolter des plus grosses subventions gouvernementales.
La question est la suivante: peut-on survivre dans ce milieu sans être malhonnête?

«Non», répond Louise Lamarre, professeure au département de cinéma de l’Université Concordia, où elle enseigne, entre autres, un cours sur les budgets. Lamarre sait de quoi elle parle. En 1991, elle cosignait, avec Jules Lamarre, un rapport sur la production cinématographique indépendante pour le compte de l’Institut québécois du cinéma (aujourd’hui la SODEQ). Les dessous de la production, elle connaît.

La crise qui sévit présentement dans le milieu de la production privée l’a fait réagir. Mais, contrairement à la tendance populaire, Louise Lamarre ne blâme pas seulement les producteurs. Elle affirme que ce ne sont pas eux qu’il faut dénoncer, mais le système aberrant qui les OBLIGE à gonfler leurs budgets pour survivre.

«Le problème majeur, dit-elle, c’est que le gouvernement finance les productions, pas les entreprises. Résultat: les producteurs doivent se financer à même leur budget de production pour assurer la survie de leur compagnie.» Concrètement, cela signifie qu’un producteur enflera le budget de sa série pour amasser un petit pécule qui lui permettra de faire rouler sa boîte de production. On exagère la location du système d’éclairage, on majore quelques salaires, on économise sur les costumes, on ajoute des milliers de dollars ici et là et hop! le tour est joué: on a réussi à mettre assez d’argent de côté pour payer la secrétaire, la réceptionniste et la location de notre bureau.

«La question qu’il faut se poser est la suivante, poursuit Louise Lamarre: est-ce qu’on veut financer des entreprises ou des productions? Personnellement, je crois que les deux sont nécessaires. À l’heure actuelle, il n’existe pas de milieu du cinéma ou de la télé comme tel. Ce n’est qu’un immense département gouvernemental. Il faudrait se donner des outils pour mettre sur pied une véritable industrie capable de fonctionner de façon indépendante.»

L’image du producteur qui roule sur l’or, qui s’est fait construire un domaine à Charlevoix, ou qui s’est acheté un appartement à Paris ne correspondrait pas à la réalité, toujours selon Louise Lamarre.

«Les producteurs sont des gens qui roulent à crédit, affirme-t-elle. Je ne parle pas des quatre ou cinq gros qui s’en sont mis plein les poches, mais de la majorité, de ceux qui ont hypothéqué leur maison deux fois et qui sont constamment sur la brèche. Le système actuel les oblige à tricher et les institutions le savent. Tout ce monde-là se tient les coudes bien serrés et constitue une caste impossible à pénétrer.»

Louise Lamarre est d’accord avec Fabienne Larouche sur une chose: le système actuel ne favorise nullement les créateurs. «Le gros bout du bâton, il est entre les mains des télédiffuseurs, dit-elle. Sans promesse de diffusion, un projet ne verra pas le jour. Les télédiffuseurs ont donc le pouvoir de décider de ce qui sera ou non créé au Québec.» Dans un tel contexte, on comprend pourquoi le réseau de contacts est si important.

Autre anomalie de ce système: la production indépendante y est totalement découragée.
Faites l’exercice. Tournez un documentaire avec votre propre argent et essayez d’obtenir une petite subvention pour la postproduction. Impossible. Maintenant, proposez une idée à un producteur. Si votre idée l’intéresse, il convaincra un télédiffuseur de s’engager (une lettre suffit). Le producteur décrochera alors un montant d’argent pour le développement, montant qui permettra d’écrire un synopsis. Malheur! À la lecture du synopsis, le télédiffuseur n’est plus intéressé. Le projet tombe à l’eau mais personne n’est obligé de rembourser la subvention au développement. En d’autres mots, le gouvernement a préféré investir dans un projet qui ne se réalisera pas plutôt que dans un film qui était déjà tourné.

Va-t-on se mettre à plaindre les «pôôôvres» producteurs maintenant? Pas du tout. En fait, on se demande ce qu’ils attendent pour faire le ménage de leur porcherie. La santé de notre télévision en dépend.

Le Mur des lamentations

Petit mot sur le Gala de l’ADISQ.

Le public achète des disques et des billets de spectacles. Il subventionne, par ses impôts, l’industrie du disque et du spectacle. Il subventionne Radio-Canada qui diffuse le Gala de l’ADISQ. Il paye cinquante sous l’appel pour voter pour l’interprète de l’année en nomination au Gala de l’ADISQ. Et quand il s’assoit tranquillement devant son téléviseur pour regarder un gala censé le divertir, qu’est-ce qu’il entend? Luc Plamondon, couvert de prix, qui se plaint de ne pas avoir remporté celui de la SOCAN. Yvon Deschamps, Félix à la main, qui se plaint d’avoir un simple d’esprit dans sa catégorie. Pierre Rodrigue, président de l’ADISQ, qui se plaint du sort réservé aux humoristes. Ce n’est plus un gala, c’est le Mur des lamentations. Et c’est vraiment désagréable.

Zapping

• Festival Hitchcock

Pour souligner le centenaire de la naissance d’Alfred Hitchcock, Télé-Québec présente H comme… Hitchcock (dimanche 7 novembre à 21 h), un portrait du maître du suspense qui a profondément marqué l’histoire du cinéma. Ce documentaire américain, dans lequel on verra des extraits de films personnels inédits, donne le coup d’envoi à une mini-rétrospective Hitchcock qui durera tout le mois de novembre. Au programme: Psychose (lundi 8 novembre, 20 h); Les Oiseaux (mardi 9 novembre, 20 h); Pas de printemps pour Marnie (samedi 13 novembre, 21 h 30); Fenêtre sur cour (lundi 15 novembre, 20 h); Frénésie (mardi 16 novembre, 20 h); Sueurs froides (samedi 20 novembre, 21 h); Mais qui a tué Harry? (lundi 22 novembre, 20 h); Le Rideau déchiré (mardi 23 novembre, 20 h); La Corde (samedi 27 novembre, 21 h). Télé-Québec.