La Coupe Cannabis Québec : Le pot aux roses
Société

La Coupe Cannabis Québec : Le pot aux roses

Dans un lieu secret à l’abri des regards indiscrets et des forces policières, des amateurs de chanvre ont été conviés, dimanche dernier, à la Coupe Cannabis Québec. Une foire du pot qui représente une première au pays. Un coup fumant.

«Le pot qui se trouve ici, man, c’est la crème de la crème», lance fébrilement Mario, un des 150 adeptes de la marijuana réunis dimanche dernier, dans un local tenu secret, pour la première édition de la Coupe Cannabis Québec.

Organisé par des producteurs de pot, le Bloc-Pot et le Club Compassion, l’événement se situe entre la dégustation de vins et fromages et le buffet chinois. Huit cultivateurs ont présenté le fruit (ou plutôt la feuille) de leurs labeurs, à des amateurs qui se sont transformés, pour l’occasion, en juges. Le but? Festoyer et couronner des produits made in Québec.

«L’objectif de la Coupe Cannabis Québec est de réunir des gens ayant la même passion, le cannabis, et de faire connaître le pot québécois, affirme Hugo Saint-Onge, porte-parole de l’événement et membre du Bloc-Pot. Le plus souvent, nous consommons seuls ou en petits groupes d’amis. Mais là, c’est un véritable attroupement avec, en plus, de la bonne musique reggae.» Crèmes pour le corps, huiles à massage, parfums: différents produits dérivés du chanvre sont exposés dans le cadre de ce mini-festival. Les participants peuvent également goûter à des mets concoctés à partir de la farine de chanvre et même participer à des concours, comme «Roulez votre plus beau». Mais l’attraction première demeure l’inhalation du petit joint.

Catégorie A
La fumée qui enveloppe la salle camoufle, certes, quelques visages, mais non l’objet même de l’événement: consommer du pot. Chaque invité a déboursé cent dollars le billet, une somme qui s’est vite envolée en fumée. Et pour cause. À leur entrée, les participants se font offrir un gramme de chacun des huit produits en compétition, quatre biologiques (culture extérieure) et quatre hydroponiques (culture intérieure). Ils aspirent quelques puffs de la drogue douce et la jugent selon une grille d’analyse qui comporte quatre critères: l’apparence, l’odeur, le goût et les effets. «C’est comme lorsque l’on juge le vin, indique Hugo Saint-Onge. Pour le pot, nous examinons si la cocotte s’émiette bien, si son arôme est agréable, si son goût est épicé, si le produit procure un bon high.»

Pour attribuer une note sur un total de quarante points à chaque sorte de cannabis, quelques interrogations sont suggérées à l’intérieur d’un document d’information: «Est-ce que tu es gelé? À quel degré d’intensité? Est-ce un stone relaxant, sociable ou paranoïaque?» Autant de questions qui, à l’instar de la substance inhalée, en inspirent plusieurs, dont Mario. Fervent amateur de marijuana, Mario dépose un premier verdict, après quelques puffs judicieusement consommées: «Celui-là, je lui donne 9/10 pour les effets, note-t-il en goûtant le Free Tibet, un pot qui a remporté le premier prix dans la catégorie hydroponique. Il est vraiment "buzzant".»

Le Free Tibet, c’est «la petite merveille» qui a poussé dans l’appartement de Bouddha, producteur de chanvre à Montréal depuis quinze ans. «J’ai obtenu ce résultat en faisant une hybridation de trois types de cannabis: du Skunk, du Northern Lights et du M-39», explique ce généticien cannabique avant d’ajouter que sa performance est digne du Bulletin des agriculteurs (!). Mais Bouddha est loin d’être un «gros dealer». «Je ne vis pas de ça, admet-il. Je suis un artisan, un petit cultivateur qui comble les besoins de son entourage. Mais l’avantage d’un événement comme celui-là, c’est de se faire voir par des gens qu’on ne connaît pas et de montrer un produit sur lequel on a travaillé très fort.»

Les yeux (un peu vitreux) et les commentaires (un peu confus) de plusieurs participants ne mentent pas: les produits offerts semblent envoûter les vrais amateurs. Selon Alexandre Bessette, «expert» en cannabis invité pour l’occasion, les producteurs de pot québécois n’ont pas à rougir devant ceux de l’Ontario ou des États-Unis. «Le pot qui se fait ici est de très bonne qualité, souligne-t-il. Il y a une tendance pour la culture à l’intérieur, et les produits qui en résultent sont vraiment excellents, surtout à Montréal.»

Joindre l’utile à l’agréable
Pour le Bloc-Pot, l’événement représente l’occasion rêvée pour pratiquer quelques tractations politiques en coulisse. Comme toute bonne tournée de politiciens, le parti provincial cherche à recruter de nouveaux sympathisants pour joindre les rangs de l’association qui compte mille membres à ce jour. «Nous sommes également ici pour faire campagne en faveur de la légalisation de la marijuana, précise Hugo Saint-Onge. Notre objectif est de rallier le plus de gens à notre cause et d’obtenir du gouvernement au moins une dépénalisation.»

Les profits engendrés par l’événement iront dans les coffres du parti, mais aussi dans ceux du Club Compassion, le premier organisme permettant à des personnes souffrantes de consommer du pot à des fins thérapeutiques. «Nous voulons rencontrer les producteurs pour qu’ils puissent éventuellement nous fournir du cannabis», souligne Caroline Doyer, cofondatrice du Club.

D’ailleurs, la foule, pour le moins détendue, cache un client du Club Compassion. Atteint de dystonie qui lui cause des malaises à la nuque et dans le haut du dos, Robert arbore fièrement un collier de feuilles de pot, mais aussi un large sourire de satisfaction dû au soulagement que lui procure la marijuana. Il représente sûrement l’un des plus grands consommateurs présents à la Coupe Cannabis, puisqu’il a droit à une once de drogue douce par semaine. Et comment trouve-t-il l’ambiance du haut de son extase? «D’habitude, je suis tout seul chez nous, mais là c’est vraiment intéressant parce que je rencontre beaucoup de gens, indique-t-il. Et surtout, j’en fume du crisse de bon!»
Si l’événement s’avère une première au Canada, il constitue une tradition ailleurs dans le monde. La Coupe Cannabis possède d’ailleurs sa capitale, Amsterdam, où pas moins de deux mille personnes provenant de partout à travers le monde ont pris part aux festivités l’année dernière. «Depuis dix ou quinze ans, des Cannabis Cups se déroulent aux États-Unis et en Europe, affirme Hugo Saint-Onge. D’année en année, ces compétitions prennent de l’ampleur. Et nous désirons que le même phénomène se produise ici.»