Société

Extrait de la lettre de Joël Pinon : Gros bon sang

Extrait de la lettre de Joël Pinon aux comissaires de la Comission des droits de la personne.

Un acte politique est nécessaire pour venir à bout du pouvoir absolu d’Héma-Québec puisque cette institution ne respecte pas son mandat, c’est-à-dire, en plus de collecter et de distribuer du sang, celui de renseigner et d’éduquer la population. Laisser entendre à la population que tout ce qui est gai peut être porteur de maladie est socialement inacceptable. Héma-Québec nie en gros le préambule de la Charte québécoise en ce qui a trait aux comportements entre institutions et citoyens. D’ailleurs, l’avenir prouvera que mon acharnement à obtenir le respect des prérogatives des donneurs et des receveurs découle des grandes lignes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte québécoise. Face à une telle ignominie et à un tel abus de pouvoir, ma lutte est obligatoire. J’attends que l’institution subventionnée énonce clairement que le fait que le sida touche autant d’homosexuels que d’hétérosexuels et que les nouvelles découvertes médicales réduisent le temps de détection du virus. Ne pas reconnaître ces faits dénote une homophobie sans fondement.

Ainsi, les gais pourront, en donnant du sang selon les mêmes contraintes que l’ensemble de la population, contribuer à l’effort social et collectif. Tous les humains sont de la même race et rien ne saurait bloquer l’accession des gais à leurs droits sociaux. Le vieil adage juif s’applique ici à merveille: «Si tu n’as sauvé qu’une seule vie humaine, tu as sauvé l’humanité.»

[…] En déclarant mon homosexualité, je veux combattre ce qui est véhiculé par la société et par Héma-Québec à savoir: gai égale sida, égale impur à la consommation humaine, égale mours légères, etc.

Je demande à la Commission des droits de sévir, d’obliger l’institution à rencontrer les prérogatives des gens dans le besoin ainsi qu’à respecter l’individu gai, ce qu’elle n’a pas fait avec moi. Je demande des excuses et une rectification. C’est une abomination qu’en 1999, un tel interdit absurde m’oblige à entamer une lutte aussi puérile pour le respect de mon intégrité.

Je demande purement et simplement l’abrogation de la question numéro 16 du protocole d’Héma-Québec qui est pour moi discriminatoire, vexante, amorale, asociale et inhumaine. […] Cette question n’a aucun fondement moral ou légal et elle doit être abrogée immédiatement dans sa formule actuelle. Je déplore l’ignominie de cette institution qui se fout carrément des receveurs qui pourraient avoir le vie sauve grâce au sang d’un gai.

[…] Je préconise un changement radical de mentalité; que l’on cesse de prétendre que gai égale sida, que gai égale mours corrompues et qu’on arrête d’insulter les gais en les écartant tous alors que beaucoup mènent des vies plus saines que bien des gens qui peuvent être donneurs de catégorie A simplement parce qu’ils se déclarent hétéros.

[…] Je préconise une charte des obligations qui imposera aux citoyens le devoir de venir, dans la mesure du possible, en aide à leurs semblables, l’édification d’un code nouveau mû par une conscience collective nouvelle. Un code d’éthique assez scrupuleux pour, par exemple, protéger les humains contre des institutions irrespectueuses des besoins impératifs de sang du receveur et du don volontaire.

L’insulte suprême à mon égard n’est pas tant de brimer mon droit que de nier mon désir de rendre service. Le règlement, c’est le règlement, m’a-t-on répondu à Héma-Québec. L’institution préfère qu’une personne meure plutôt que de lui transfuser le sang d’un gai. […] Laissez mourir un être humain quand quelqu’un, quelque part, peut lui sauver la vie, je le répéterai à satiété, c’est asocial, amoral et inhumain.

Héma-Québec joue au Témoin de Jéhovah.

Doit-on garder le statu quo en ce qui a trait à la question numéro 16 du protocole d’Héma-Québec? Ou continuera-t-on à accuser les gais en considération du scandale du sang contaminé?

En séparant les humains en deux catégories, Héma-Québec pèche par omission. […] Pourquoi les gais ne pourraient-ils pas contribuer à sauve des vies? Commissaires, la société change et vous ne pouvez le nier! Un verdict réinsérant les gais serait un signe de reconnaissance. Ce serait affirmer que les homosexuels sont des humains à part entière, que nous ne serons plus mis sur le banc des accusés sans jugement. Ce serait dire que nous sommes en droit d’exiger de vivre notre vie dans le respect de nos prérogatives et de nos libertés.