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Les flics et les manifs : Vers l’État policier?
Le 24 novembre, quatre-vingts policiers ont écrasé deux manifs rassemblant surtout des jeunes. D’après les manifestants, l’intolérance policière étouffe la liberté d’expression. Tellement que des étudiants se demandent si manifester n’est pas devenu un sport dangereux…
Tommy Chouinard
Photo : Benoît Aquin
Durant la soirée du 24 novembre, cent quarante personnes, surtout des jeunes, ont participé à la manifestation des Citoyens opposés à la brutalité policière (COBP). Pour l’occasion, certains ont revêtu cagoule et habit militaire, alors que d’autres se sont satisfaits de leur tenue de civil. En fait, il s’agissait d’un rassemblement fourre-tout qui a réuni tous ceux qui ont une dent, pour une raison ou une autre, contre «la société et l’État policier», étudiants comme jeunes marginaux. Leur protestation visait une cible précise: les policiers et leur intolérance grandissante envers les manifestations étudiantes.
À travers les rues du centre-ville, les sympathisants du COBP, collectif créé en 1995 pour dénoncer les abus policiers, ont crié haut et fort leur indignation. «Cochons», «chiens», «b œufs», «poulets» – une bonne partie du règne animal s’est traduite en autant d’insultes à l’égard des policiers. Toutefois, malgré l’électricité dans l’air, il ne s’est produit que des flammèches. La police a procédé à une seule arrestation au cours de l’événement qui a nécessité l’intervention d’une centaine de policiers de l’escouade anti-émeute. Selon les forces de l’ordre, des projectiles ont été lancés dans des vitrines, des policiers ont reçu des bouteilles et un cocktail Molotov aurait été projeté vers un véhicule de police. De la «petite bière» en comparaison avec des manifestations passées, selon des participants du rassemblement.
Le message du collectif s’est quand même bien fait entendre. «Nous voulions dénoncer les récents agissements de la police à l’égard des manifestations étudiantes, notamment l’arrestation de 270 élèves du secondaire en septembre dernier parce qu’ils protestaient contre la suspension de leurs activités parascolaires, affirme Bernard Cooper, représentant du COBP. Mais nous désirions également soutenir les étudiants de l’UQAM qui avaient été arrêtés plus tôt par les policiers.»
Drame à l’UQAM
Trois heures avant le rassemblement du COBP et dans une totale consternation, les policiers ont en effet passé les menottes à soixante-six étudiants de l’UQAM. Ils faisaient partie des cent cinquante participants d’une manifestation qui s’est déroulée sur les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine (entre autres), afin de dénoncer l’intrusion des entreprises privées dans le temple du savoir, dont Coca-Cola et sa très controversée entente d’exclusivité avec l’Université du peuple. Selon la police de la CUM, les étudiants interceptés sont accusés d’attroupement illégal et d’avoir troublé la paix. «C’était une manifestation pacifique, rétorque Mathieu Leclerc, président de l’Association des étudiants du module de science politique de l’UQAM. Nous ne faisions que distribuer des tracts dans la rue. Il n’y a pas eu de gestes de violence.»
Malgré tout, les policiers ont cru bon d’intervenir pour contrôler la foule. «Nous avons vu débarquer, de je ne sais trop où, quatre-vingts policiers avec des casques, des matraques et des boucliers, poursuit-il. C’était un véritable déploiement militaire. Nous ne comprenions plus rien. Si la police nous avait parlé, elle aurait su que la manif prenait fin. Mais elle est intervenue sans prévenir. C’est clair que la police est allée trop loin.» La confusion était telle que même des passants ont été entassés dans les paniers à salade.
Pour quelques étudiants qui en ont vu d’autres, cette intervention semble pour le moins inédite. «J’ai participé à des manifs pas mal plus hot dans le passé et jamais les policiers n’ont réagi de la sorte, souligne François Limoges, un des porte-parole de la manifestation.
Normalement, les policiers nous demandent de nous disperser. Mais là, ils ne nous ont pas informés, les moyens utilisés étaient démesurés et ils ont effectué des arrestations sans raison valable.» Considérant qu’ils ont été victimes d’une bavure policière, les étudiants réclament des comptes à la SPCUM et demandent le retrait des chefs d’accusation.
Débat sur les dégâts
Les événements du 24 novembre ne manquent pas de soulever non seulement l’ire de plusieurs, mais aussi des interrogations: les manifestations de jeunes font-elles l’objet d’une intolérance de la part des forces policières? «C’est clair que oui, lance François Limoges.