

Images d’une fin de siècle : Encore une, René?
par François Desmeules
François Desmeules
Photo : Pascal Teste
Dès l’inauguration de la statue de René Lévesque devant le parlement de Québec, des voix officielles s’élèvent: «Monument trop petit, mal situé, peu visible, au ras du sol… Il faut le surélever.»
Faute de piédestal, Ti-Poil mérite bien une cigarette.
C’est, du moins, ce que pense un travailleur qui, chaque soir, en rentrant chez lui, glisse une cigarette allumée entre les lèvres de la statue de bronze en guise d’hommage à l’homme et de pied de nez à la rectitude politique qui a fait disparaître l’éternelle Dunhill jaunissant les doigts du premier ministre.
Immense représentant d’une génération de politiciens colorés et intègres, aussi têtus que convaincus, qui ne gouvernaient pas strictement à coups de sondages, René Lévesque se souciait moins des images que des idées. Réticent aux stratégies, aux machines et même aux systèmes des partis, il aura frappé l’imaginaire québécois par sa pugnacité et son franc-parler. Du Centre Paul-Sauvé jusqu’à la basilique de Québec, des millions de nationalistes ont partagé le chagrin des échecs et les déchirements du compromis; le pays n’est pas prévu pour l’an 2000.
À l’heure des législations antitabac et des poursuites contre les fabricants, la plus grande figure politique du Québec moderne se serait-elle conformée à la loi ou serait-elle allée, plus vraisemblablement, fumer en cachette dans les toilettes du parlement?