Les punks itinérants, c’est la partie la plus visible de la marginalité de toute une génération. En effet, s’ils ne traînent pas tous dans la rue, les jeunes n’en demeurent pas moins exclus des lieux de décisions. Assez vieux pour s’exprimer, trop jeunes pour qu’on les écoute. La verte jeunesse tire plus que jamais sur le gris.
Désillusionnés, des étudiants décrochent (33,8 % des jeunes quittent l’école secondaire avant d’avoir obtenu leur diplôme). Mais à quoi s’accrochaient-ils, au juste? À un système d’éducation en mal de fonds qui ne garantit plus d’emplois. Et essaie-t-on seulement de repêcher les décrocheurs? On leur offre des programmes gouvernementaux une fois qu’ils s’inscrivent à l’aide sociale… Comme le démontre la photographie, on jette un voile sur le problème et on le balaie sous le tapis.
Certes, la plupart des jeunes restent à l’école, mais ils triment dur pour payer leurs études. Il suffit de voir la liste impressionnante d’étudiants qui occupent des Mcjobs pour le constater. À la sortie, les emplois se font plutôt rares; le taux de chômage élevé chez les 15-24 ans (17,2 % en 1998) en témoigne. Alors, où s’en va cette jeunesse? Au centre d’emploi, prendre un numéro.
Bien sûr, certains jeunes dénichent l’emploi tant convoité. Mais ce n’est pas sans l’avoir quêté, comme le punk le ferait pour un vingt-cinq sous. Et, une fois sur le marché du travail, ils s’aperçoivent vite que les baby-boomers ne leur accordent que peu de place.
Entre les génies (ceux qui trônent dans le Top 50 de la relève) et les junkies (ceux qui font la même chose, mais dans la rue), la majeure partie de la jeunesse reste pourtant muette. C’est qu’elle s’en tire plutôt bien en tentant de renverser les barrières de l’exclusion. Elle fonce. Elle bûche. Elle rêve, encore.
C’est probablement de success stories que le premier ministre Lucien Bouchard voudra entendre parler dans le cadre du Sommet du Québec et de la jeunesse en février 2000, dont le thème accrocheur pourrait être: «Il faut bien que jeunesse se passe.» Car si le gouvernement prétend permettre aux jeunes de raconter leurs déboires, les gestes concrets (s’il y en a) résulteront en des programmes décidés et gérés par une génération plus âgée, plus expérimentée. Un coup de squeegee sur le pouvoir de la jeunesse…