Société

Images d’une fin de siècle : Le sexe éclaté

Michel Dorais, auteur de Éloge de la diversité sexuelle

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Plus visibles et revendicateurs que jamais, gais, lesbiennes, bisexuels, transgenrés, travestis, transsexuels et autres queers ont marqué l’évolution des moeurs, des droits et des libertés en ce dernier tiers de siècle. Résultat: pour beaucoup de gens, l’expression de la diversité sexuelle a cessé de rimer avec marginalité, perversité ou anormalité.

Par exemple, il y a à peine une trentaine d’années, l’homosexualité entre adultes consentants était encore à la fois un crime, un péché et une maladie mentale. C’est aujourd’hui une attirance comme une autre. Ou presque. Au Québec, les couples composés de partenaires de même sexe sont en train de rejoindre les couples homme-femme dans les avantages légaux et sociaux réservés aux conjoints. Comme le dit la chanson: «Aimer les filles ou les garçons, c’est aimer de toute façon…»

En fait, les mouvements actuels de libération concernant le sexe, le genre ou l’érotisme semblent animés par deux principes à première vue contradictoires mais néanmoins complémentaires: affirmer une différence (être femme, gai, bi, etc.) tout en refusant de se laisser emprisonner par l’identité à laquelle cela donne corps. Car l’identité ne saurait être la destinée. Elle peut être un repère, un outil de solidarité ou de conscientisation, voire un levier politique; elle demeure cependant contingente, parfois labile, souvent plurielle.

«Refusez les étiquettes – ou portez-les toutes!» clame le mouvement queer. Il a bien raison. Notre façon de classer les êtres humains de façon bipolaire selon leur sexe, leur genre et leur érotisme apparaît simpliste. En rejetant les catégories binaires et en mettant l’accent sur le caractère volontiers flou, dissonant et inventif de la sexualité et de l’identité, les queers appellent en somme une autre révolution sexuelle. Ils renouent ainsi avec la première vague du mouvement gai, qui entendait avant tout faire éclater les rôles préfabriqués en montrant par exemple que l’homosexualité, comme l’hétérosexualité, appartient à tout le monde (on pourrait dire la même chose du masculin et du féminin).