Société

Images d’une fin de siècle : Modulation de fréquences

par Eric Parazelli

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Oublier l’espace. Oublier le quotidien. Oublier demain. Oublier que l’on angoisse. Se perdre dans les rythmes synthétiques. Se laisser guider par la musique. Synchroniser son rythme cardiaque avec les BPM. Faire le vide, laisser monter la vague. Cette vague impression du bonheur d’être soi-même, de se libérer de ses tensions. Le martèlement de la cadence, les boucles de son répétées à l’infini hachurent le temps, finissent par le dompter. L’espace d’une nuit, toucher à «l’ici, maintenant». Celui qu’on ne nous laisse plus vivre dehors, à l’extérieur de ces murs rassurants.

Ici, les gens se regardent dans les yeux, se sourient, se touchent et réapprennent à s’apprivoiser. Et, à travers certaines pupilles dilatées, parfois les nôtres, on aperçoit cette lueur chimique, à la fois traître et invitante, qui nous rappelle que tout n’est qu’illusion, que perception intoxiquée… Que reste-il vraiment de ces impressions paradisiaques une fois le buzz terminé? Le lundi matin, est-ce que tous ces gens se résignent à réduire à l’état d’utopies leurs intenses expériences du week-end?

En septembre dernier, le magazine américain Urb consacrait sa couverture à cette question: Are we too high? Sommes-nous trop stones? Ecstasy, GHB, speed, cocaïne, héro, mais aussi Prozac, Ritalin, Valium, alcool, marijuana… Une liste exponentielle de moyens, pour les jeunes comme pour les vieux, de contrôler ses états d’âme de façon instantanée, avec tous les risques à plus ou moins long terme que cela comporte. En fait, la vraie question, c’est: «Pourquoi sommes-nous si stones?» Et lorsqu’on fait l’inventaire des raisons, qu’elles soient sociales, personnelles ou spirituelles, on se dit qu’il y a plusieurs blessures à soigner, et qu’une remise en question de notre humanité s’impose. Beaucoup de pain sur la planche pour le troisième millénaire… Sommes-nous prêts à relever le défi? Avons-nous vraiment le choix? Et si, simplement, on commençait par se regarder dans les yeux…