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Casinos virtuels

Roulette russe

Depuis un an déjà, un jeune homme de trente-deux ans, de Québec, fait rouler le premier casino sur Internet du Québec. Et pour déjouer la loi canadienne sur les loteries, René Deschênes a choisi d’implanter son casino virtuel à Nassau, aux Bahamas. En fait, il a choisi de brancher le serveur du casino aux Bahamas, car tout le reste des activités de son entreprise, Virtual Enterprise, se déroulent en plein coeur de la Vieille Capitale. Sur le site de Virtual Island Casino www.virtualislandcasino.com, on peut d’ailleurs trouver un numéro de téléphone sans frais, et c’est une bonne vieille réceptionniste d’ici qui répond, confortablement assise dans son bureau à Québec…

René Deschêne a eu le tour de trouver une brèche dans le monopole juridique de Loto-Québec et de son impressionnante machine à imprimer des billets verts. Et, faute de législation adéquate, rien ne laisse croire que René Deschênes se verra contraint d’arrêter ses activités avant longtemps. Tout semble au contraire lui sourire, puisqu’il vient de vendre 51 % des actions de Virtual Enterprise à un holding financier du Texas, ce qui devrait permettre l’inscription de son entreprise à la Bourse de New ork le printemps prochain. Pas mal pour un gars qui dit avoir travaillé en publicité-marketing pour une compagnie de textile il a à peine deux ans…

"J’ai eu l’idée sur le bord de la piscine, me dit René Deschênes, en riant, depuis ses bureaux de Québec. Quand j’en ai parlé à mes avocats et à mes amis, on m’a dit que j’étais un petit comique! On me disait aussi que je n’avais pas le droit de lancer un casino au Québec et que je devrais déménager le serveur. C’est ce que j’ai fait!" Après des recherches à travers le monde par téléphone, René Deschênes et ses actionnaires aboutissent aux Bahamas.

Au nom de la loi
Monsieur Deschênes trouve tout simplement "stupides" les lois québécoises sur les jeux de hasard: "Je ne comprenais tout simplement pas. D’un côté, tu peux te brancher sur Internet à la maison, et jouer à un casino virtuel basé aux États-Unis ou ailleurs; d’un autre côté, je n’ai pas le droit d’avoir un serveur avec un casino ici. Vous ne trouvez pas ça bête?"

Bête ou pas, la récréation est peut-être terminée pour monsieur Deschênes. Les responsables de Loto-Québec, qui n’apprécient guère qu’un jeune blanc-bec vienne jouer dans leurs plates-bandes, ont ainsi déjà contacté le ministère de la Justice du Canada pour faire état de la situation impliquant monsieur Deschênes. "Nous n’avons pas encore entrepris de démarches légales, mais nous avons fait savoir au ministère de la Justice qu’il faudrait que la situation soit éclaircie et intégrée dans le code criminel canadien, explique Jean-Pierre Ro, responsable des communications pour Loto-Québec. Ce phénomène concerne aussi toutes les autres provinces canadiennes."

Mais cela ne semble pas tourmenter monsieur Deschênes outre mesure. "Imaginons qu’ils passent une loi? Qu’est-ce qu’ils vont pouvoir faire? Ça fait des années que les gouvernements dénoncent la pédophilie sur le Net, et pourtant on en trouve encore plein sur le Net! Mon entreprise au complet repose sur une disquette grosse comme rien, et nous avons des back-ups sur trois continents. Même s’ils me fermaient à Nassau, je m’en irais à Saint-Kitts. Et s’ils me fermaient là, je m’en irais à Gibraltar! Il a aura toujours une république de bananes qui sera intéressée à m’avoir pour que j’ crée de l’emploi."

Loto-Québec.com?
En attendant de voir quelle sera la réponse du ministère de la Justice, Jean-Pierre Ro affirme qu’un groupe à la vice-présidence de Loto-Québec observe avec attention le phénomène du jeu par Internet dans l’éventualité d’offrir, à long terme, certains produits sur le Net. "Il a environ quatre cents casinos en ligne à travers le monde actuellement et nous suivons ce qui se fait dans les autres pas. Aux États-Unis, un projet de loi visant à interdire le jeu en ligne a été déposé au Sénat; la Finlande a adopté une autre attitude en offrant ses produits sur Internet mais uniquement à ses propres citoens. Par ailleurs, l’Australie a choisi d’ouvrir le phénomène à l’échelle planétaire. Où vont s’inscrire le Québec et le Canada dans tout ça? Eh bien, c’est ce qu’on verra."

Les casinos virtuels, c’est avant tout une affaire de gros sous. Avec des revenus estimés à près de huit cents millions de dollars cette année, ces casinos prévoient des revenus d’environ huit milliards d’ici deux ans! On est bien loin des cinquante milliards de revenus des casinos et des loteries à travers le monde, mais vous pouvez parier sur le fait que Loto-Québec ne laissera pas le train passer.

Même si les gens de Loto-Québec peuvent encore respirer tranquilles, Jean-Pierre Ro admet que le casino de René Deschênes "est directement dans notre marché. Il faut cependant se rappeler qu’il a une certaine prudence à observer (avec les casinos virtuels). Ce sont des entreprises éphémères, localisées on ne sait trop où. Est-ce qu’on va avoir la certitude d’être paé? Comment fait-on pour savoir de son salon si on a une chance raisonnable de gagner"?

"Les gens de Loto-Québec ne cessent de répéter qu’il ne faut pas faire confiance à nos casinos, réplique René Deschênes. Ils disent aussi que nous sommes implantés ailleurs parce que nous avons des choses à cacher. Mais on n’a rien à cacher! On est simplement allés là où c’était légal! D’ailleurs, les gens qui veulent voir le fonctionnement d’un casino n’ont qu’à venir nous voir, nous sommes très ouverts. Le mois passé, nous avons remboursé, cash, les joueurs, à un taux de 65 % de l’argent misé, soit un taux plus élevé que Loto-Québec!"

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