Société

La «révolution du contenu» : Combien vaut une idée?

Au cours des prochaines années, les fournisseurs de contenu vont jouer un rôle primordial. Mais qui sont ces fameux fournisseurs de contenu? Les magazines, les maisons d’édition, les compagnies de disques, les réseaux de télévision, les studios de cinéma, etc.

Depuis une semaine, il s’est écrit des zillions d’articles sur la fusion AOL-Time Warner (et il s’en écrira sans doute quelques-uns sur l’achat de Trustar par TVA). Parmi toutes ces réflexions et ces analyses, une idée revient inlassablement: au cours des prochaines années, les fournisseurs de contenu vont jouer un rôle primordial.

Qui sont ces fameux fournisseurs de contenu? Les magazines, les maisons d’édition, les compagnies de disques, les réseaux de télévision, les studios de cinéma, etc. N’oublions pas ceci: le montant de trois cent cinquante milliards de dollars attribué à la transaction AOL-Time Warner repose AUSSI sur la valeur des contenus que cette énorme tuyauterie véhiculera.

Ce qui suscite la question suivante: quelle sera la place des créateurs dans ce nouveau contexte? Quel avenir pour les écrivains, scénaristes, cinéastes, romanciers, illustrateurs, musiciens et idéateurs de toutes sortes appelés à alimenter cette énorme machine?

Doit-on s’attendre à voir apparaître des maquiladoras de la création, où des centaines de créateurs devront suer sang et eau pour pondre des idées qui serviront à enrichir une poignée de producteurs?

À moins que chaque créateur ne devienne son propre producteur et puisse rouler, lui aussi, en BMW?

Combien vaut une idée? «Pas grand-chose», répondent la plupart des avocats spécialisés en droit d’auteur contactés pour cet article.

«Rien du tout, répond Me Benoît Clermont, avocat spécialisé en droit d’auteur chez Ogilvy Renaud. C’est difficile de reconnaître la valeur d’une idée. L’intérêt, c’est la plus-value que cette idée va rapporter, la forme qu’on va lui donner.»

«Tout est dans le traitement, affirme Valérie Dandurand, directrice adjointe à la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC, anciennement la SARDEQ). Un concept de quiz vaut habituellement davantage qu’un magazine. La valeur d’une idée originale peut se négocier, mais il y a encore des zones grises à ce sujet.»

«Une idée seule, ça ne vaut rien», affirme pour sa part Benoît Dutrizac. Auteur, scénariste, animateur et romancier, il sait de quoi il parle. «Une chose est sûre, en télévision, il faut s’impliquer dans le projet de l’émission et participer à sa production si l’on veut retirer quelque chose pour son idée.»

Il y a quelques années, Dutrizac a vendu pour environ cinq cents dollars le concept de Max et les malades chroniques au producteur de télévison Vincent Gabrieli. L’émission est devenue Un été en ville et, après quelques réunions de production, on a fait comprendre à son concepteur que sa présence n’était plus requise. «Depuis, j’ai pris un agent, dit Dutrizac, et je ne me fais plus fourrer.»

«On ne valorise pas tellement les idées au Québec, remarque Me Clermont. En télévision, on recherche tellement des valeurs sûres que des idées de remakes valent davantage qu’une idée originale.»

Un exemple? Le Survenant, de Germaine Guèvremont, qui sera refait pour le petit écran, rapportera davantage que bien des idées originales. En d’autres mots, des producteurs vont s’enrichir avec l’idée de quelqu’un qui est mort.

Si on grimpe un étage plus haut dans la grande pyramide des communications, on arrive chez les propriétaires de canaux de télévision. Là-bas, les idées peuvent être recyclées à l’infini. À preuve, ces lignes consacrées à la compagnie Astral (propriétaire de plusieurs canaux spécialisés) et publiées dans la revue Commerce sous la plume de la journaliste Ariane Krol: «La première préoccupation d’Astral, ce sont les économies d’échelle. Quand on gère déjà sept canaux, en ajouter trois ne coûte pas beaucoup plus cher. Certaines émissions pourront servir plusieurs fois, par exemple des documentaires à Canal D, Canal Vie et Canal Z.»

Dans ce contexte, on comprend vite que ce ne sont pas les créateurs qui tiennent le gros bout du bâton.

«La reconnaissance des idées originales pourrait changer, croit Me Benoît Clermont. Au cours des dernières années, on a vu apparaître plusieurs associations et syndicats de défense de créateurs. Ceux qui ont des idées se défendent mal, c’est vrai. Mais peu à peu, ils apprennent à faire reconnaître leurs droits. D’ici quelques années, on devrait atteindre un certain équilibre.»

C’est à souhaiter.

Une grève payante pour les cadres
La grève des techniciens de Radio-Canada ne fait pas que des malheureux. Selon des sources bien informées, les cadres qui remplacent les grévistes sont largement compensés pour leurs services puisqu’ils sont payés quarante-huit dollars pour chaque heure de remplacement. Quand on sait que la grève dure depuis bientôt un mois, la facture risque d’être salée…

Coup d’oeil

Les Sopranos
Ceci n’est pas une infopublicité pour vous convaincre de vous abonner à Super Écran ou à The Movie Network. Malheureusement, c’est seulement sur ces deux chaînes payantes qu’on peut voir la meilleure série de l’heure.

Produite par la chaîne américaine HBO, Les Sopranos raconte l’histoire d’un petit chef de mafia du New Jersey qui se tape une grosse dépression. Au fil des rencontres avec sa psy, on apprend à connaître l’entourage de cet homme éminement sympathique: sa famille de sang (épouse BCBG, ados chialeux, mère tortionnaire) et sa famille professionnelle (une galerie de petits mafiosi aux personnalités très colorées). On a beau être en l’an 2000, la mafia demeure encore le meilleur filon pour parler des choses de la vie.

La série Les Sopranos est drôle, sensible, superbement écrite et réalisée avec brio. Et la musique est tout simplement géniale. À voir en français dès vendredi, 20 heures, sur Super Écran; ou en version originale (c’est la deuxième saison), les lundis à 21 h sur The Movie Network.