On déplore souvent qu’il n’y ait pas de relève en télévision. On confie presque toujours les séries lourdes aux réalisateurs très connus, et les jeunes ramassent les miettes, des émissions à petits budgets ou des projets moins importants. Sauf exception, les producteurs préfèrent miser sur de grosses pointures comme Beaudin et Mihalka, en se disant qu’on ne peut pas risquer un budget de plusieurs millions de dollars (de l’argent public, faut-il le préciser) sur le premier venu.
Fabienne Larouche a décidé de faire les choses autrement en confiant la réalisation de sa nouvelle série à deux nouveaux visages, François Gingras et Érik Canuel. Âgés respectivement de trente-sept et trente-neuf ans (en réalisation télé, c’est jeune), ils ont chacun signé cinq épisodes de Fortier, le thriller psychologique écrit et produit par l’auteure de Virginie.
Fortier risque de surprendre par son ton, sa facture, ainsi que par son personnage principal, une anti-héroïne comme on en voit rarement à la télé. Pas glamour pour deux sous, maladroite et à la limite de la nerd, le rôle qu’incarne Sophie Lorain n’a rien de la pitoune conventionnelle. Entourée d’une équipe d’enquêteurs cyniques qui évoquent parfois des personnages «à la Tarantino», cette docteure en psychologie va tenter de comprendre les motivations qui poussent des individus tordus (le genre de criminels qu’on enferme dans la section spéciale de l’Institut Pinel) à commettre des crimes tous plus sordides les uns que les autres.
L’atmosphère de Fortier n’est pas sans rappeler certaines productions britanniques comme Prime Suspect (Suspect numéro un) ou Cracker (Fitz), des séries qui ont d’ailleurs inspiré les réalisateurs, tous deux issus du milieu de la publicité (Canuel a quelques réalisations à son actif, dont des épisodes de la série américaine The Hunger).
Au total, dix épisodes ont coûté huit millions de dollars. La moyenne, pour ce genre de productions, est d’environ un million de dollars par épisode. «Chaque sou est à l’écran», insiste Fabienne Larouche la productrice, qui a souvent tiré à boulets rouges sur les producteurs, les accusant de mal faire leur travail et de s’en mettre plein les poches.
Quant à Fabienne Larouche la scénariste, elle surprendra en proposant un univers très différent de tout ce qu’elle a écrit jusqu’à maintenant. Bref, une très bonne série, superbement photographiée, qui débute le jeudi 3 février à 21 h, sur TVA.
Chartrand et Simonne
Beaucoup plus classique que Fortier, Chartrand et Simonne raconte l’histoire de Simonne la féministe et Michel le syndicaliste, un couple qui a profondément marqué l’histoire du Québec par son engagement et son humanisme profond. Leur fils Alain, qui avait déjà réalisé des documentaires sur ses parents, signe une très belle série. Le contenu est dense et quasi pédagogique tellement cette période de l’histoire est importante et intéressante.
Dans les rôles principaux, Geneviève Rioux et Luc Picard sont extrêmement justes. Les textes, parfois très littéraires, sont basés sur la correspondance et les journaux intimes du couple, ce qui rend la série encore plus riche.
Les discours de Michel Chartrand aux travailleurs des mines d’Asbestos ont l’effet d’un véritable coup de fouet, de quoi réveiller le col blanc le plus amorphe d’entre nous. Est-ce pour cette raison que Radio-Canada a refusé de s’embarquer pour la suite de la série, qui aurait couvert les années 60 à aujourd’hui? À la société d’État, on dit vouloir donner la parole à d’autres témoins de l’histoire. Parions que les idées de gauche des Monet-Chartrand et leur point de vue sur la Crise d’octobre et la dérive ultralibérale des années 80 et 90 ont fait peur aux patrons de Radio-Canada. Après tout, c’est bien sympathique de recevoir Michel Chartrand dans le cadre d’un talk-show, mais c’est beaucoup plus dérangeant de replacer ses propos dans un contexte approprié. L’impact est encore plus grand.
Dès le mercredi 2 février à 20 h, sur les ondes de Radio-Canada.
Combien vaut une idée (la suite)
On en parlait la semaine dernière, la concentration des médias et la multiplication des canaux font craindre le pire pour les créateurs qui ne savent pas toujours défendre leurs intérêts. Autre effet néfaste de cette nouvelle réalité: les minuscules budgets alloués aux émissions de discussion qu’on appelle dans le jargon de la télévision les «shows de chaises».
Disons-le, ces shows de chaises (comme l’émission de Louise Deschâtelets sur les ondes de TQS) ne coûtent pratiquement rien à produire. Un décor minimal (quand on ne tourne pas carrément à l’extérieur), une petite équipe, une poignée d’invités qui discutent d’un sujet donné et hop! le tour est joué. Le truc? Les producteurs ne payent pas (ou alors très peu) les commentateurs (profs d’université, journalistes, «ologues» de toutes sortes) invités à se prononcer sur un sujet donné.
Les producteurs de ces émissions se disent sans doute que ces gens doivent être trop heureux de montrer leur binette au petit écran pour penser exiger un cachet. Pourtant, ces individus se déplacent, consacrent du temps et offrent une expertise qui vaut bien quelque chose puisque l’émission sera ensuite vendue à un réseau de télévision. On paye bien Éric Lapointe pour qu’il interprète son dernier succès, pourquoi ne pas payer un historien qui viendrait présenter un point de vue original sur la Révolution tranquille? Une idée vaut bien une chanson.
L’avenir de Marc Labrèche
Tout le monde le sait, La fin du monde est à sept heures, l’une des émissions les plus marquantes de la télé québécoise, quittera l’antenne au printemps prochain. Patrick Masbourian anime une quotidienne au Canal Z (La Revenge des nerdz, du lundi au jeudi, à 19 h), Jean-René Dufort et Paul Houde font de la radio, Isabelle Maréchal anime Les Copines d’abord et Bruno Blanchet a sans doute plein de projets. Reste Marc Labrèche, le pilier de l’émission. Que deviendra-t-il? Je ne suis pas son agente mais j’ai une suggestion: pourquoi ne pas lui confier l’animation du talk-show de fin de soirée sur les ondes de TVA? Une idée, comme ça…
Coup d’oeil
La Grande Illusion
Aux antipodes du Box-office d’Anne-Marie Losique, La Grande Illusion se veut un magazine de réflexion sur le cinéma. Chaque émission est construite autour d’un thème et donne la parole aux créateurs et artisans d’ici et d’ailleurs (seul paradoxe: l’émission est produite par un producteur de cinéma, Roger Frappier. On n’est jamais mieux servi que par soi-même…).
Cette semaine, on parle de baise, et les points de vue exprimés sont presque exclusivement féminins. Tour à tour, trois femmes très différentes mais toutes intéressantes (Carole Laure, Patricia Rozéma et Catherine Breillat) s’expriment sur le sujet alors que les acteurs Guy Nadon et Pascale Monpetit abordent brièvement les aspects plus techniques du tournage d’une scène érotique. À voir, dimanche 30 janvier, 19 h. Télé-Québec.