Société

Droit de cité : Louise attaque 2

Si mon amour pour Louise Harel était une Bourse, elle clôturerait à la hausse cette semaine. Un renchérissement de plusieurs points, après le terrible krach de l’automne dernier (Louise attaque I), quand la ministre des Affaires municipales et de la Métropole avait gaffé avec ses élucubrations sur les fusions.

Tout ce débordement de passion parce que madame Harel a mis le pied à terre, afin de «raffermir» la démocratie montréalaise, comme elle dit. Elle a convaincu le maire Pierre Bourque de créer un comité de révision de la Charte de la Ville, histoire que les citoyens aient enfin une chance de faire valoir leurs doléances.

Parler de démocratie sous le régime de Pierre Bourque, c’est comme espérer la vie sur Mars: on en parle, mais personne ne l’a jamais vue, et la preuve de sa présence reste à démontrer. Et si, par hasard, un scientifique de haute estime osait insister sur son existence, ça ne saurait être qu’une molécule microscopique, unicellulaire, primitive, et morte de surcroît.

La seule démocratie qui existe à Montréal présentement est celle du mortier. Une démocratie qui s’exprime à coups de briques et de truelles. Les citoyens du quartier Ahuntsic l’ont découvert la semaine dernière, quand l’unique instance de la Ville qui est censée accorder au peuple une voix sur les décisions dans le développement de la ville s’est penchée sur le cas du Loblaws – projet que les résidants avaient rejeté.

La Commission de développement urbain (CDU) est supposée prendre acte de l’opinion de la communauté sur différents projets. Elle avise la population des projets qui lui sont soumis; tient une assemblée où tout un chacun a le droit de se faire entendre, y compris le promoteur; puis prend une décision qu’elle soumet au conseil.

Mais dans une ville où le maire a déjà dit: «Ce n’est pas une bande de mécontents qui va nous empêcher de développer cette ville», la consultation est une plaie, un empêcheur de construire en rond et de récolter de jolies taxes.

Pas question pour la Ville de Montréal, donc, de se rendre aux arguments des hérétiques du patrimoine, de la vie de quartier et de l’environnement.

Et cela, les citoyens du quartier Ahuntsic l’ont découvert la semaine dernière. Parce qu’ils ont osé rouspéter, les citoyens se sont fait traiter comme des fagots. Ç’a été le cas aussi dans l’affaire de la Redpath.

En effet, la CDU a la fâcheuse habitude de se prendre pour un tribunal d’Inquisition. Elle part du principe que tout développement est bon, et que c’est aux citoyens de faire la preuve du contraire. Ainsi, les résidants d’Ahuntsic se sont fait demander par les membres de la CDU s’ils avaient complété des études d’impact pour étayer leur thèse contre la présence du Loblaws. Sans commentaire. On les vilipende, on leur coupe la parole et on les passe dans le tordeur comme de vulgaires conseillers d’opposition d’arrière-banc, jusqu’à temps qu’ils disent, de guerre lasse: «Ah! pis d’la marde…»

Et encore, cela ne suffit pas. C’est que les membres de la CDU croient fermement à la majorité silencieuse. Celle qui se tait, par manque d’intérêt, par calcul stratégique ou bêtement par paresse. Or, au pays de la clarté, la majorité, c’est sacré, à tous les niveaux. Y compris à la CDU. Un conseiller qui y siège nous l’a confirmé: cent citoyens qui se plaignent contre un projet, ce n’est pas encore la majorité. Comme Montréal compte un million d’habitants, il faudrait au moins 501 000 opposants pour renverser la vapeur.

La (bonne) main invisible
La Ville de Montréal nous avait promis une main de fer dans un gant d’acier trempé, serti de studs. Mais voilà, cela fera bientôt deux ans, et aucun responsable policier dans le scandale des vignettes n’a été mis en pénitence. La toute-puissante police, avec son insécable confrérie, a encore eu le dernier mot.

Toronto vit elle aussi son scandale des vignettes. Mais là-bas, les policiers sont plus ambitieux: ce ne sont pas des privilèges de stationnement qu’on cherche, mais le renversement de gouvernements moins sympathiques à l’autorité policière. Avec son opération True Blue, qui vise à financer des campagnes publiques contre les politiciens qui oseraient s’en prendre à la confrérie, le Syndicat des policiers de Toronto donne un autocollant à toute personne faisant don de cent dollars ou plus, afin, bien entendu, que les policiers puissent «reconnaître les amis de la police». Avec de telles pratiques, les Torontois sont à deux beignes de l’État policier.

Voilà pourquoi on s’impatiente dans le scandale des vignettes à Montréal. Si on ajoute l’affaire Lizotte – affaire dont il a été tenu à l’écart pendant des semaines, sans que ça ne l’émeuve -, le chef Michel Sarazin doit agir. Sinon, le racket de protection de Toronto risque de donner de mauvaises idées.