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Avenue Dufferin : Matière à réfection
D’ici la fin de 2001, si la tendance se maintient, l’avenue Dufferin devrait se métamorphoser. Mais, avant le début des travaux au printemps de l’année prochaine, la Ville invitera les citoyens à se prononcer sur le projet d’embellissement. Assisterons-nous à une véritable consultation ou à une simple opération de relations publiques?
Baptiste Ricard-Châtelain
Photo : Josiane Ouellet
En mars, deux jours seront consacrés aux audiences publiques sur le réaménagement de l’avenue Dufferin entre la falaise et le boulevard René-Lévesque. Les représentants des résidants du quartier Saint-Jean-Baptiste pourraient bien ne pas s’y présenter tellement ils jugent l’exercice infécond et futile.
Le coordonnateur du comité populaire Saint-Jean-Baptiste, Jean-Denis Marois, ne mâche pas ses mots. Selon lui, les dés sont pipés. La Ville a déjà tout décidé et ne prendra pas vraiment en compte ce que les citoyens ont à dire. Il prend personnellement à partie le maire de Québec, Jean-Paul L’Allier, qui a affirmé que les audiences publiques serviraient à expliquer la seule option retenue et que celle-ci pourrait certes être bonifiée, mais pas modifiée. «Je ne mobiliserai pas des bénévoles pour faire un mémoire qui va ramasser la poussière sur les tablettes.»
«Ça donne quoi de faire une consultation publique si on ne peut revenir en arrière? On va faire quoi? On va être consulté sur la couleur des fleurs… Sur les trucs de fond, on n’est pas consulté, mais sur les insignifiances, on l’est.» Selon M. Marois, le maire se comporte en empereur et fait de la «petite politique de fin de régime».
N’allez cependant pas croire que le comité populaire est contre le dessein de la Ville. Au contraire. Ce qui titille le sens critique de ses membres, c’est l’arbitraire qu’ils perçoivent dans la façon de piloter la consultation. Pour quelle raison, par exemple, le conseil de quartier n’a pas recueilli les doléances, les revendications des résidants du secteur? «C’est une artère régionale importante. Pourquoi ça se fait derrière des portes closes?»
Le conseiller du Vieux-Québec et porte-parole du conseil exécutif dans le dossier, André Marier, rétorque que des audiences publiques ont déjà été tenues en 1994, en même temps que pour le boulevard René-Lévesque. L’option unique présentée maintenant serait le fruit des commentaires reçus à l’époque, bien qu’il reconnaisse qu’aucun consensus véritable n’était ressori de cette consultation. «On ne consulte pas pour la frime», promet-il d’un ton convaincu, invitant les citoyens à présenter des mémoires.
Mais, malgré l’appel à la participation lancé par M. Marier, force est de constater que le projet soumis est presque final. Architecte paysagiste au Centre de développement économique et urbain responsable du réaménagement de l’avenue Dufferin, André Plante admet que les autorités disposent de peu de latitude pour modifier les plans. «[Le projet] est assez arrêté dans sa forme… Il y a des choix mais c’est rendu très serré.» Des 37 hypothèses présentées en 1994, l’actuelle serait la seule viable.
M. Plante affirme néanmoins que «le but visé n’est pas d’imposer… Si on peut raffiner, on va tout prendre». Ce qui pourra être amendé en fonction des mémoires? La possibilité de tourner à gauche, de créer un sens unique ou non dans les artères modifiées, etc. Pour les grandes lignes directrices du plan, pas question donc de changer quoi que ce soit.
M. Marier est d’ailleurs très clair. Si des citoyens veulent qu’il y ait plus de trois voies réservées à la circulation automobile dans chaque sens, par exemple, «ne perdez pas votre temps». Ce type de composantes du projet est figé.
La conseillère du faubourg Saint-Jean-Baptiste et deuxième porte-parole de l’exécutif dans le dossier, Lynda Cloutier, ne s’émeut pas du tout des craintes exprimées par le comité populaire. «Il ne croit en aucun processus», déplore-t-elle afin de justifier son point de vue. À contre-courant de ses pairs, elle déclare même que si la controverse est trop importante, la Ville pourrait stopper le projet.
Vous avez dit 12 millions $?
Quant au coût estimé du réaménagement, soit 12 millions $, Mme Cloutier assure qu’il est raisonnable et que l’on ne devrait pas se réveiller avec une note plus salée à la fin des travaux. De plus, elle indique que le financement, qui sera acquitté à parts égales par la Ville, la Commission de la capitale nationale (CCNQ) et le ministère des Transports, est mantenant confirmé. «Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, on ne sait jamais ce qui va arriver», ajoute-t-elle, prudente.
Dans les faits, aucune entente finale de financement n’a été signée. «C’est un chiffre sérieux. On essaie de s’y tenir», fait valoir le président de la CCNQ, Pierre Boucher. Il concède toutefois que ce «n’est pas encore un engagement juridique coulé dans le béton». Pour avoir une idée du coût réel des travaux, il faudra attendre la fin de l’année, lorsque le processus d’appel d’offres sera enclenché.
Le ministère des Transports n’a d’ailleurs pas encore approuvé le financement. L’attachée de presse du ministre délégué Jacques Baril, Natasha Messier, explique qu’une entente de principe a été conclue, mais que le montant à verser reste à déterminer. On préfère différer la décision tant que le montant réel n’est pas connu.
Des frais supplémentaires
Outre les 12 millions prévus pour les travaux, les contribuables de Québec doivent s’attendre à devoir débourser un peu plus. Dans le projet présenté à la population le 2 février, on remarque que la Ville prévoit que les immeubles sis sur l’avenue Dufferin procéderont à la réfection de leur façade. Des terrains seront également libérés et la construction de plusieurs immeubles est envisagée. Ces travaux pourraient être subventionnés par la municipalité bien que l’on n’ait pas encore étudié cette hypothèse.
Toutefois, on est loin de la coupe aux lèvres. Vérification faite auprès des deux plus importants édifices du secteur, le Hilton ne disposerait pas des ressources nécessaires et Place Québec juge qu’il est prématuré de s’engager à investir._
Le réaménagement de l’avenue Dufferin créera une conjoncture intéressante pour la poursuite du développement du secteur. Mais les travaux subséquents ne se feront que sous la férule d’un nouveau maire si M. L’Allier quitte son poste aux prochaines élections, comme annoncé. Quels sont les projets des candidats potentiels?
Le conseiller de Lairet et responsable du dévloppement économique, Claude Larose, est l’un des candidats pressentis pour la mairie. Pour lui, la prochaine étape sera la construction d’un lien piéton vers la Basse-Ville à partir de l’extrémité nord de Dufferin. Toute la zone située sous les bretelles d’autoroute serait réaménagée pour assurer la fluidité de la circulation piétonnière. Cela devrait cependant être lié au démantèlement des bretelles inutiles qui entrent dans la falaise. Il jauge également la possibilité de faire un stationnement pour autocars de touristes dans le tunnel situé sous Dufferin.
Son possible adversaire, le conseiller de Neufchâtel et promaire Claude Cantin, voudrait également que les bretelles autoroutières soient démantelées et que des travaux de réfection soient effectués sur l’autoroute. Il serait, de plus, favorable à la conversion de l’église Saint-Vincent-de-Paul et de l’immeuble adjacent en hôtel. Selon lui, la ville manque de chambres de haut calibre.
Nous en saurons plus d’ici le 4 novembre 2001, date de l’élection.