Société

sondage : Le social

Les jeunes disent qu’ils ne sont pas endettés, qu’ils considèrent que leur vie est plus facile que celle de leurs parents, qu’ils croient en Dieu… Disons que, selon notre sondage, ils broient moins de noir qu’on ne le pense! François Rebello et Éric Grenier commentent ces résultats étonnants.

Contrairement à la perception répandue, les jeunes ne se situent pas dans la mouvance PLQ en ce qui concerne leurs opinions politiques. L’amélioration des services publics passe avant les baisses d’impôts, même pour les plus riches. La diminution des taxes arrive loin derrière la pauvreté et le chômage dans la liste de leurs préocupations. Avec leurs baisses d’impôts, Bernard Landry et Paul Martin sont à côtés de la track!
Le Sommet de la jeunesse sera-t-il le moment d’une réorientation budgétaire? Les groupes de jeunes qui voudront s’y attaquer auront la jeunesse derrière eux. Une chose est sûre: le fait que même les jeunes les plus riches ne priorisent pas les baisses d’impôts va à l’encontre du cliché voulant que les élites quittent le Québec parce que les taxes y sont trop élevées. Quant à la dette, on voit que le sentiment d’urgence vis-à-vis de la pauvreté fait oublier le fardeau qu’elle représente à long terme. Cela dit, le sondage démontre que plus on est jeune, plus on veut que les gouvernements commencent à la réduire (17 % pour les 15-19 ans, contre 12 % pour les 20-24 et 7 % pour les 25-29).
Cela dit, si les jeunes sont politiquement de gauche, ils ne sont pas prêts à faire la révolution. Seulement 17 % des jeunes s’impliquent ou souhaitent s’impliquer pour une cause qui leur tient à coeur. Notre pieuse jeunesse compte sur les autres pour régler les problèmes sociaux! Ils vouent d’ailleurs un grand respect aux groupes qui défendent une cause sociale. Les jeunes les considèrent comme plus crédibles que les gens d’affaires, les syndicats, les politiciens et les médias. Nous sommes à l’ère de ce que les Américains appellent les single issue pressure groups – des groupes de pression qui consacrent leur énergie à faire avancer un seul dossier.
Finalement, le syndicat. Les jeunes sont-ils anti-syndicaux? Quand on leur demande de coter l’importance d’avoir un emploi syndiqué, ils donnent une note de 5,4/10.Il y en a donc plus de la majorité qui considèrent comme relativement important le fait d’être syndiqué. Source de réflexion pour le mouvement syndical: si la cote d’importance de la syndicalisation accordée par les jeunes de 15-19 ans est de 7,2, elle baisse à 4,5 pour les 25-34 ans. Plus les jeunes ont eu l’occasion de côtoyer les syndicats de près, moins ils considèrent comme important de se syndiquer! Serait-ce que les problèmes de perception des syndicats seraient moins causés par une couverture négative des médias que par des expériences vécues? Peut-être que plusieurs jeunes travailleurs ont été victimes ou témoins de traitements inéquitables du type clauses «orphelin»…(F.R.)

L’éducation
Qu’est-ce proposent les cobayes des polyvalentes pour améliorer l’éducation? Ils pensent que le nombre d’élèves par classe est trop élevé. Ils considèrent aussi que l’on devrait accroître l’aide aux élèves. Heureusement, le ministre de l’Éducation François Legault a annoncé l’ajout de 135 millions de dollars pour concrétiser ces deux mesures au niveau primaire. Il reste maintenant à en faire autant dans les écoles secondaires, les cégeps et les universités.
Comme troisième priorité, les jeunes choisissent d’évaluer les enseignants. Actuellement, seuls les professeurs d’universités sont évalués. Les jeunes souhaitent que cette pratique soit implantée à tous les niveaux. Les syndicats d’enseignants s’opposent à une telle évaluation en invoquant l’arbitraire du jugement des étudiants. Pourtant, l’expérience universitaire montre que l’évaluation des professeurs par les étudiants sert souvent à protéger un professeur compétent contre l’arbitraire de la direction.
Les jeunes ne croient pas à l’implication des parents. Exit les conseils d’établissement qui viennent d’être mis sur pied pour donner plus de pouvoir aux parents. Ce pessimisme des parents potentiels n’est rien pour conforter la proposition du chantier sur l’éducation du Somme de la jeunesse qui prévoit réduire le décrochage en confiant aux conseils d’établissement la responsabilité d’établir un plan de réussite.
Y a-t-il un maillon faible dans notre système d’éducation? Les jeunes ne le pensent pas. Contrairement à l’idée reçue, le cégep passe la barre. La note d’appréciation est plutôt moyenne et uniforme pour les trois niveaux d’enseignement; l’université étant légèrement plus appréciée que l’école secondaire et le cégep.
Autre constat intéressant, une proportion importante des jeunes travaillent dans un domaine qui n’est pas relié à leurs études. C’est particulièrement le cas de ceux ayant une scolarité de niveau secondaire. Cette réalité témoigne du fait que la formation professionnelle offerte au secondaire est peu en lien avec le marché du travail. Davantage encore, le fait que plusieurs accèdent au marché du travail sans avoir passé par une formation professionnelle révèle ce que l’on oublie trop souvent: la formation générale est non seulement essentielle à la vie de citoyen, mais elle constitue souvent la clef principale pour l’emploi.
Près d’un jeune sur deux travaille ou a travaillé durant la période scolaire. Le quart de ceux ayant travaillé affirment que leurs études en ont souffert. Ce constat va dans le sens des études qui démontrent que le travail durant l’année scolaire n’est pas systématiquement nuisible; c’est lorsque les jeunes travaillent durant un grand nombre d’heures (plus de quinze heures par semaine) que la qualité des études est menacée.(F.R.)

L’argent et le travail
Les jeunes sont plus hédonistes que matérialistes – c’est ce que révèle la question portant sur les aspirations professionnelles. Avant la sécurité et l’argent, arrive le souhait d’avoir un emploi qui leur plaise. L’utilité du travail réalisé ne semble pas non plus les empêcher de dormir…
L’argent n’est pas la première condition pour fonder une famille. Pour ces jeunes, dont plusieurs ont subi la frivolié sentimentale de leurs parents, le fait d’avoir une relation de couple stable constitue le principal facteur susceptible de leur ouvrir la voie vers la parentalité.
Heureusement que l’argent n’est pas essentiel à leur bonheur, car très peu d’entre eux en possèdent beaucoup. La moitié des 15-19 ans vivent avec moins de cent dollars par mois dans les poches. 30 % des 25-29 ans vivent avec moins de cinq cents dollars par mois (l’équivalent de l’aide sociale). Ce niveau élevé de pauvreté va dans le sens des études de Statistique Canada qui démontrent que les jeunes de 18-24 ans sont 20 % plus pauvres que ceux du début des années 80. Pendant la même période, les 45-54 ont pourtant gagné 20 % de pouvoir d’achat. Les crises économiques ont eu un impact différencié sur les générations.
Malgré leur faible revenu, les jeunes ne s’endettent pas trop pour des produits de consommation. En fait, la majeure partie de l’endettement des jeunes est relié aux études ou à une hypothèque sur une maison. Près du tiers des jeunes âgés de 19 ans et plus se disent peu endettés ou pas endettés du tout… Plus de la moitié des étudiants (65 %) trouvent que leur situation est plus facile ou beaucoup plus facile que celle de leurs parents. Cependant, cet optimisme par rapport à leur situation chute considérablement quand on arrive sur le marché du travail, atteignant même 45 % pour les jeunes travailleurs du secteur des services.(F.R.)

La religion
Le Québec jeune a la foi.
Dimanche dernier, à l’église Saint-Pierre-Claver, sur le boulevard Saint-Joseph, au coeur du Plateau-Mont-Royal, c’était jour de messe. Comme tous les dimanches que Dieu apporte.
N’eût été de l’hiver qui sévissait à l’extérieur, forçant les fidèles à se couvrir la tête, la foule de quelques dizaines de pèlerins aurait constitué une grande surface de nuances de gris. C’est que les affaires ne vont pas très bien pour Dieu, ces temps-ci, au Québec. Si l’on ne se fiait qu’à cet échantillnnage, on serait même porté à croire que la business est au bord de la banqueroute.
Mais que Dieu se rassure: Il a encore de l’avenir sur cette terre de Caïn. Trois jeunes Québécois sur quatre croient toujours en Lui, en l’an 2000. Tout se passe comme si, en sortant la religion des écoles, on l’avait aussi sortie de l’église. Et, malgré le rôle ingrat qui leur a souvent été attribué par les messagers de Dieu, les femmes détiennent le championnat de la foi: 80 %, contre «seulement» 68 % des hommes. Et plus on vieillit, plus on y croit: 21 points de pourcentage séparent les plus vieux (30-34 ans) des plus jeunes (15-19 ans). Autre écart important, entre francophones et anglophones celui-là: 86 % des non-francophones croient en Dieu, contre 71 % des francophones.
Et l’écart linguistique se maintient entre les croyants eux-mêmes: si seulement 43,5 % des francophones croyants considèrent que leurs croyances jouent un rôle important dans leur vie, chez les non-francophones, c’est presque les deux tiers (62,5 %).
Mais dans l’ensemble, plus d’un croyant sur deux (57 % chez les jeunes francophones) juge que ses croyances importent peu dans sa vie. Cela tient peut-être du pari cartésien: on y croit, juste au cas où… (É.G.)

La drogue
Quand notre sondeur a interrogé les jeunes Québécois sur la légalisation des drogues douces à des fins récréatives, 52 % s’y sont opposés. Si, si, vous avez bien lu. Les jeunes Québécois sont contre la légalisation de la drogue, du moins en faible majorité. Il s’agit là d’une des données les plus étonnantes du sondage.
Toutefois, le niveau de tolérance varie grandement. Par exemple, lui fume, elle pas. En effet, les filles sont plus réfractaires que les gars: six sur dix sont contre la légalisation, alors qu’une majorité de gars l’approuvent. Les anglophones se distinguent aussi, avec un taux de désapprobation de plus de 71 %!
Bref, les campagnes de sensibilisation contre la drogue ont peut-être e finalement un certain effet.(É.G.)

La souveraineté
Beaucoup de militants souverainistes, Bernard Landry en tête, ont étayé une thèse électoralo-démographique selon laquelle les vieux, fortement fédéralistes, ont la joyeuse tendance à mourir plus, et plus vite. Et que la jeune génération qui pousse (dans le sens de la mauvaise herbe) est très majoritairement souverainiste. Il galvanisait ainsi ses militants en leur laissant entrevoir pour très bientôt le Grand Soir de la Souveraineté, que les jeunes leur apporteront sur un plateau d’argent.
Minute, papillon! Contrairement à l’une des plus grandes idées reçues à propos du débat sur la question nationale, les jeunes Québécois sont loin d’être acquis à la souveraineté. En fait, les deux camps, fédéraliste et souverainiste, sont nez à nez. 47 % répondraient Oui à la question de 95, contre 46 %, Non. Ce qui est néanmoins supérieur à l’ensemble de la population où, ces jours-ci, l’option souverainiste barbote autour de 38 %.
Si l’on ajoute la variable «Drouilly» (du nom de son auteur, prof de socio à l’UQAM), selon laquelle les gens ont tendance à voter plus souvent Oui dans les sondages que dans l’urne, on peut affirmer «avantage fédéralisme»; du moins, pour le moment.
Les militants des deux camps devront toutefois faire plus que se lever tôt s’ils veulent convaincre les jeunes d’embarquer dans leur projet. Pourquoi? Parce que la question ne les intéresse pas. Rectificatif: ils s’en sacrent. À la question «Selon vous, quel est le plus grave problème que vit la société québécoise aujourd’hui?», à peine 6 % de nos 602 répondants en font leur première préoccupation. Et ça tombe à 2,5 % chez les francophones. En fait, il n’y a que les anglophones pour s’en inquiéter: 27 % croient que c’est le plus grand problème vécu par les Québécois, ce qui en fait leur première préoccupation.
Quant à la confiance allouée aux politiciens et à l’État en général pour régler les crises de la société les jeunes ressemblent à leurs aînés à cet égard: la méfiance est à son paroxysme. Ainsi, seulement 4 % des jeunes font confiance aux partis politiques, et 10 % au gouvernement. Des résultats lilliputiens. (É.G.)