
L’Autrichien Jörg Haider, chef du Parti  Liberté (FPOe), est venu nous chanter la mélodie du bonheur la  semaine dernière, le temps d’une visite-éclair au Ritz.  Gouvernements comme quidams se sont empressés de dénoncer (avec  raison) la présence de ce cryptonazi en terre canadienne.
  N’entendrions-nous que les bêtises venant de l’extérieur?  Toujours est-il qu’au fil des ans, plusieurs politiciens  canadiens ont eux aussi tenu des propos offensants envers les  immigrants, sans que cela ne soulève un tel tollé. Certes, ils  n’ont pas pris la défense des Waffen SS, comme Haider, ni  atténué l’horreur des camps, mais ils ont remis le droit de  vote des immigrants en question, et demandé une réduction des  quotas d’admission des réfugiés.
  Bref, comparons ce que Haider a dit à propos de l’immigration,  et ce que certains de nos politiciens ont affirmé. Il ne s’agit  pas de banaliser les propos du chef du FPOe, mais simplement de  montrer que l’intolérance n’est pas seulement l’apanage des  autres…
  L’exemple venu d’ailleurs
Voici, pour l’essentiel, les propos qui ont fait de  Jörg Haider l’homme le plus détesté d’Europe.
  · En 1991, lors d’une assemblée de vétérans de la Deuxième  Guerre mondiale, Haider a déclaré: «Nos soldats ne sont pas des  criminels, la majorité étaient des victimes.» Et toujours au  sujet des Waffen SS, il a dit qu’ils étaient «décents» et  qu’ils «gardaient le cap de leurs convictions malgré les vents  contraires».
  · En 1990: «Le IIIe Reich a eu une politique d’emploi efficace,  ce que Vienne n’a même jamais été capable d’accomplir.» Pour  cette comparaison, Haider a été forcé de démissionner du poste  de gouverneur de la province de Carinthie.
  · Pendant la campagne électorale de 1999, Haider affirmait:  «L’Autriche n’a pas besoin d’étrangers, mais d’une politique  familiale raisonnable.» Le programme de son parti prône une  réduction substantielle de l’immigration – voire de son  abolition, si nécessaire.
  · Haider a déjà appelé les cams de concentration des «camps de  punitions».
  · Haider a affirmé que l’accession à la citoyenneté  autrichienne pour les immigrants turcs devrait être  ardue.
  La bêtise locale
Bon, ça vous a donné des haut-le-coeur? Voici  l’exemple venu d’ici, maintenant.
  · En février 1995, le député bloquiste Philippe Paré a créé une  certaine commotion en déclarant que seuls les Québécois de  souche devraient voter lors d’un référendum sur l’avenir du  Québec. Ces propos ont été condamnés par celui qui était alors  chef du Bloc québécois, Lucien Bouchard.
  · Dans le même registre, l’ex-ministre libéral Doug Young a  déjà conseillé aux souverainistes «d’origine étrangère» de  déménager dans un autre pays s’ils n’apprécient pas vivre au  Canada. Il visait le député bloquiste d’origine chilienne  Osvaldo Nunez et tous ceux qui «promeuvent la destruction de  notre pays, après y avoir été accueillis à bras ouverts, avec  générosité». Et Jean Chrétien d’ajouter: «Il n’est pas normal  que des immigrants prônent la sécession du Québec.»
  · En 1996, l’Action démocratique du Québec (ADQ) de Mario  Dumont a voté en faveur du serment immigrant. Qu’est-ce que le  serment immigrant? C’est «un contrat social par lequel  l’immigrant s’engage à s’établir, à vivre et à prospérer en  français au Québec et à respecter toutes les mesures  spécifiques à son statut d’immigrant». Le signataire de ce  serment se serait aussi engagé à suivre des cours obligatoires  sur la société québécoise.
  · Lors de la dernière campagne électorale fédérale, en 1997, le  Reform Party a invité les patriotes canadiens à bouter hors  d’Ottawa les politiciens d’origine québécoise, responsables de  tous les maux du pays.
  · Sur les ondes de CJAD, Howard Galganov a décrit les 49,4 % de  Québécois qui ont voté Oui comme des «bâtards».
  · Certes, il y a eu le fameux «l’argent et les votes ethniques»  de Jacques Parizeau. Mais dans le même discours, très peu ont  noté d’autres paroles passablement plus explosives: «Pour un  fois, si vous le voulez, on va arrêter de parler d’anglophones  ou de francophones. On va parler de nous autres: on a voté Oui  à 60 %.»
  · Et tout récemment, le député réformiste albertain Cliff  Breitkreuz exigeait la fin de la retransmission hors Québec de  Radio-Canada. «Le fait francophone hors Québec, c’est comme les  vignes en Alberta, a-t-il expliqué. Ça ne pousse pas, ça ne  sert à rien de s’acharner.»
  · Ex-député conservateur et candidat à la succession de Brian  Mulroney, Garth Turner a dit qu’il y avait «trop de réfugiés au  Canada».
  · Dans son programme, le Parti réformiste prône une réduction  des quotas d’admission des immigrants. Il veut aussi mettre fin  aux services sociaux et médicaux gratuits pour les immigrants  admis au pays sous le
  parrainage de leur famille, de même qu’à la pratique qui  consiste à ce qu’un enfant né ici de parents étrangers obtienne  automatiquement la citoyenneté canadienne.
  · En 1994, Art Hanger, porte-parole officiel en matière  d’immigration du Reform Party, lance: «Vous ne remarquez pas  qu’à Toronto, il y a une augmentation de la criminalité chez  certains groupes – par exemple les Jamaïcains?»
  On critique – avec raison – les propos de Jörg Haider. Mais  qu’en est-il des affirmations de ces vénérables  Canadiens?