Société

L’affaire Cinar, suite : Caillou sort ses bidous

La saga des producteurs se poursuit. À la suite des allégations à l’endroit de la compagnie Cinar, qu’on accusait entre autres d’utiliser des prête-noms canadiens pour avoir droit aux subventions gouvernementales, la GRC a mené sa petite  enquête.

«Venez les enfants, c’est l’heure de votre histoire. Aujourd’hui, Caillou rembourse ses dettes…»
La saga des producteurs se poursuit. À la suite des allégations à l’endroit de la compagnie Cinar (producteurs de Caillou, Paddington, etc.), qu’on accusait entre autres d’utiliser des prête-noms canadiens pour avoir droit aux subventions gouvernementales, la GRC a mené sa petite enquête.
Résultat: Cinar a entrepris de se refaire une virginité et règle la plupart de ses différents hors cour. Mieux encore, elle offre au gouvernement de rembourser les subventions qu’elle a reçues illégalement. Devant tant d’honnêteté, on s’incline.
En fait, la soudaine franchise des dirigeants de Cinar laisse pantois. Dans un communiqué émis vendredi dernier, Cinar reconnaît que les enquêtes internes vont nuire aux résultats financiers de l’entreprise. Cet aveu a fait chuter la valeur de son action de 26 %.
Selon un article paru dans La Presse, les crédits d’impôts provinciaux et fédéraux représentaient 75 % des bénéfices nets de Cinar en 1998. Le grand ménage opéré par la compagnie Cinar a donc un but: s’assurer que les subventions vont continuer. Les actionnaires de Cinar peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles. Les contribuables canadiens ne les laisseront pas tomber.

Canadien de la tête aux pieds
L’avenir du documentaire international produit au Canada est menacé. La semaine dernière, on vous expliquait que les nouvelles règles du Fonds canadien de la télévision, adoptées l’an dernier, ferment la porte aux maisons de production qui s’intéressent à ce qui se passe au-delà de nos frontières.
Cette obligation d’être canadien à tout prix s’applique aussi aux fictions. Pour sa série Fortier, par exemple, la productrice Fabienne Larouche a dû rédiger un paragraphe expliquant que le personnage d’Anne Fortier, interprété par Sophie Lorain, évoluait bel et bien dans un contexte canadien (comme la désinstitutionnalisation et son impact sur la recrudescence de crimes atpiques).
En fait, tous les producteurs doivent se plier au même exercice.
Dans le Guide sur les éléments manifestement canadiens aux fins de la pondération du PDD, on explique aux producteurs ce qu’est une série ou un documentaire canadien.
On dit, entre autres, vouloir «récompenser» (c’est le terme employé) les «projets dont le contenu renferme des éléments manifestement canadiens». Ces projets doivent «améliorer notre compréhension du Canada, et refléter la diversité et l’ampleur de la vie sociale et culturelle au Canada».
Dans le cas d’une fiction: «Des points seront attribués aux projets qui n’ont pas été dépouillés de leur identité canadienne…»
De la même façon «les projets dont l’intrigue est générique ou universelle et qui ne sont pas enracinés dans un contexte canadien spécifique et bien tracé ne mériteront pas ces points».
Dans un tel contexte, Caillou est-il canadien? Où vit-il exactement? Comment se fait-il qu’il ne regarde jamais la télévision? Et sa soeur s’appelle Mousseline; c’est quoi, ce nom-là?
Pour les documentaires, les exigences sont encore plus ridicules. Selon le fameux Guide, des points sont accordés à un sujet canadien (Wilfrid Laurier, Thérèse Casgrain,…); à un événement réel et digne d’intérêt survenu au Canada (la tempête de verglas, par exemple); à un projet qui traite du milieu naturel ou géographique du Canada; ou à un projet qui traite des efforts menés par le Canada dans le domaine des arts, de sciences ou de sciences humaines.
Mais le pire, c’est le paragraphe suivant: «Le sujet réel est basé et porte sur une ou des questions réelles qui touchent le Canada.» On ajoute que «le projet articule, examine ou explore un sujet discuté par les Canadiens et interprète ce sujet en lui donnant une dimension humaine. Les projets qui se limitent à exposer ou relater des incidents, des faits, des comportements ou des gestes ne mériteront pas ces points. Le documentaire peut être centré sur des questions réelles à caractère social, politique, économiue, commercial, etc. qui touchent le Canada. Ces questions doivent avoir une existence réelle comme le démontre leur traitement dans les autres médias.» De qué cé? Traduction, s.v.p.!
En fait, si l’on comprend bien, un documentaire sur la truite mouchetée a plus de chances d’être financé par le fédéral qu’une enquête en profondeur sur la situation des Afghanes sous le régime de terreur des talibans, et ce, peu importe la qualité du documentaire. N’est-ce pas le triomphe du «Me, Myself and I», l’admiration de notre petit nombril érigée en système?
Vous voulez filmer le spleen de Céline Dion à West Palm Beach ou la tournée de Notre-Dame de Paris à Las Vegas? Le gouvernement a de l’argent pour vous. Vous voulez sensibiliser vos concitoyens à la réalité internationale? Allez vous faire voir ailleurs.
«Ton histoire est une épopée-é-e, des plus brillants exploits, tralala…»

Don’t go breaking my heart
Vu à la télévision vendredi soir dernier: un spécial Saint-Valentin de l’excellente revue humoristique This Hour Has 22 Minutes où l’on pouvait voir la ministre des Ressources humaines Jane Stewart en train de chanter Don’t go breaking my heart (d’Elton John), en compagnie de l’humoriste canadien Rick Mercer. Vous avez dit cynique?

Salon TV
L’an dernier, dans cette chronique, on s’entretenait avec Daniel Richler, animateur et concepteur de l’excellente émission Big Life with Daniel Richler, diffusée à l’époque sur CBC Newsworld. L’émission a disparu mais voilà que Richler a rebondi du côté sud de la frontière. Il produira Salon TV, l’émission dérivée de l’incontournable webzine Salon www.salon.com, où l’on parlera politique, arts et société sur ce ton intelligent et unique qui distingue Salon de ses concurrents. L’émission sera diffusée sur la chaîne américaine Bravo. Espérons que notre Bravo! canadien sera preneur.

Coup d’Oeil
Vivre à New York
Les musiciens de la scène alternatie montréalaise n’ont pas tous la chance de Melissa Auf der Maur. Après avoir connu la gloire avec Hole, la bassiste est aujourd’hui membre du goupe Smashin Pumpkins. Pendant ce temps, Gus Coriandoli, ex-leader de Me, Mom and Morgentaler, tire le diable par la queue à New York. Il est l’un des trois personnages rencontrés par l’équipe de Macumba International qui poursuit sa série Vivre en ville avec un regard différent sur la renaissance de New York.
Ne comptez pas sur Raymonde Provencher pour vous parler de la réussite du directeur artistique de Dick Walsh dans le jet-set de la Grosse Pomme. Cette journaliste s’intéresse plutôt au vécu ordinaire des gens ordinaires. C’est un choix, et elle passe parfois pour la casseuse de party. Mais à l’heure où tout le monde met en scène des success stories, la démarche a du bon. Elle remet les choses en perspective sans tomber dans le misérabilisme pour autant.
À voir, jeudi 20 h. Télé-Québec.