Société

MP3

connaît la chanson?

‘industrie du disque nage en pleine tempête numérique. C’est que le phénomène mp3 ramène la musique à son état de nature: sans pochette, sans disque sur lequel l’imprimer, elle circule désormais librement, et à la vitesse de l’éclair, sur le réseau Internet. Et les membres de l’ADISQ, réunis le week-end dernier à Montréal dans le cadre de leurs Rencontres professionnelles, se posent de sérieuses questions quant à leur avenir.

Bien sûr, le piratage était à l’ordre du jour. Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l’ADISQ, n’est pas contre la technologie mp3. "Mais nous en avons contre l’utilisation qu’en font les gens, une utilisation qui mène directement au piratage, dit-elle. C’est vrai, il y aura toujours du piratage. Cependant, je ne suis pas prête à baisser les bras en ce qui concerne de nouvelles techniques de contrôle, parce qu’il y a des gens un peu partout dans le monde qui travaillent là-dessus."

Pourtant, ils sont nombreux à croire que la solution au piratage ne réside pas dans de nouvelles techniques de contrôle, mais plutôt dans de nouveaux modèles économiques qui feront en sorte d’éliminer l’attrait du piratage. C’est le point de vue de Mario Cantin, conseiller senior chez UUNET, une entreprise du géant MCI WorldCom. UUNET est un fournisseur d’accès Internet de premier niveau, c’est à dire qu’il fournit l’accès Internet à Sympatico, de Bell, par exemple. Nous avons rencontré Mario Cantin dans le cadre des Rencontres professionnelles de l’ADISQ.

Quelles sont les statistiques concernant l’utilisation des mp3 au Canada?

La firme Angus Reid a divulgé les résultats d’une enquête la semaine dernière sur le sujet. On s’aperçoit que les trois quarts des Canadiens utilisant Internet à la maison ont déjà entendu parler des technologies mp3. Quatre ménages branchés sur dix ont téléchargé des fichiers mp3 au cours des six derniers mois. Là où c’est intéressant, c’est que 67 % des Canadiens de dix-huit à vingt-quatre ans branchés sur Internet – le segment d’âge qui intéresse généralement les maisons de disques – ont téléchargé des mp3 au cours des six derniers mois. Le génie est sorti de la bouteille et il sera fort difficile de l’y faire retourner!

L’industrie du disque explore différentes approches face aux mp3. Quel est votre point de vue sur le sujet?

Il y a des approches irréalistes, comme la politique de l’autruche. Il y a de vaines approches coercitives, comme celles qui consistent à essayer de contrôler la technologie mp3 ou encore à mettre un baume sur la plaie en développant des systèmes de cryptage ou de chiffrement. Pour moi, le meilleur moyen de véritablement contrôler les mp3, c’est de développer des nouveaux modèles économiques qui rendent caduc l’intérêt de voler de la musique sur le Net. On ne réussira pas à contrôler les mp3 en tentant de remplacer la technologie par une autre, mais plutôt en tentant de faire disparaître les motivations derrière le piratage.

Plusieurs modèles vont être testés sur le Net au cours des prochains mois, particulièrement par America Online (AOL). Il faut savoir qu’AOL s’est procuré toutes les technologies nécessaires pour diffuser les mp3, entre autres par l’acquisition de Winamp, le lecteur mp3 le plus répandu sur le Net. AOL a aussi acheté Netscape, et la dernière version de Netscape peut jouer des mp3 grâce à l’intégration des technologies Winamp. AOL s’est non seulement procuré les méthodes de distribution, mais aussi une masse critique de contenus avec l’achat de Time Warner (incluant EMI, la plus grosse boîte de disques et WEA, la deuxième plus grosse boîte de disques).

Alors, il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir qu’AOL a maintenant toutes les cartes dans son jeu pour faire du mp3 une technologie utile pour les compagnies de disques, une technologie qui devrait produire des revenus.

Mais comment l’industrie de la musique pourra-t-elle générer des revenus avec les mp3 sur le Net?

Mon approche préférée serait de développer les micro-paiements. Comme la plupart des gens, je comprends que c’est illusoire de penser que tout est gratuit sur Internet. Par contre, je serais prêt à mettre la main dans ma poche pour payer pour un certain contenu. Ça ne me dérangerait pas, par exemple, de payer un tiers de sou pour écouter une pièce musicale, ou pour aller chercher une image de qualité. Ce tiers ou ce quart de sou, pour un commerçant sur le Net qui a un million de visiteurs par jour, ça commence à être intéressant. Cela dit, le micro-paiement n’est toujours pas une réalité parce que la mécanique derrière est encore très lourde.

Il y a aussi le modèle de la publicité. Qu’est-ce qui empêche AOL, avec la masse critique d’utilisateurs et avec les contenus qu’ils contrôlent, de développer un modèle de Juke Box où l’on trouve deux mille chansons par mois? Chaque fois qu’on écoute une chanson, l’utilisateur est soumis soit à des bannières publicitaires, soit à des publicités audio placées au début et à la fin de la chanson. Un troisième modèle, c’est de développer des abonnements mensuels ou annuels de dix ou vingt dollars pour avoir accès au catalogue d’Emi et de WEA, par exemple. C’est un modèle intéressant quand tu as un ou deux millions d’utilisateurs.

Cependant, le Québec n’a ni le pouvoir d’achat ni le catalogue de ces multinationales. Comment l’industrie de la musique québécoise peut-elle tirer profit de ce phénomène?

En ce qui concerne l’idée de monnayer l’utilisation de chansons à travers la technologie mp3, le Québec ne peut qu’être à la remorque des expériences, valables ou non, qui vont être réalisées particulièrement par le géant AOL. Cependant, il y a d’autres manières par lesquelles l’industrie du disque québécoise peut tirer parti des technologies comme le mp3.

Par exemple, des gens de compagnies de disques d’ici ont le projet de développer des moyens alternatifs pour distribuer des mp3 à des stations de radio par des lignes Internet. On diminuerait ainsi les coûts de marketing, du transport, etc.. C’est quelque chose que l’ADISQ peut facilement mettre sur pied, et ce, à des coûts abordables.

Vous savez, il y a deux manières de faire de l’argent. Vendre plus ou diminuer les coûts de production. Et le Québec est capable d’exploiter les nouvelles technologies pour diminuer leurs coûts de production.

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