Société

Droit de cité : Manque de panache

Les cerfs ont besoin de flair pour survivre. Toujours le nez dans le vent, pour voir (façon de parler) ce qui s’en vient vers eux. C’est leur manière de prévenir la menace, et de rester en vie.

C’est un peu la même chose avec les politiciens. Mais si l’administration du maire Bourque était un chevreuil, elle aurait fini en rôti, ou en grosse tache d’écrapou au milieu d’une autoroute, il y a une semaine, avec son projet d’alternative à la judiciarisation (sic) de la prostitution de rue, dans le Centre-Sud. Manquer de flair plus que ça, tu meurs (du moins politiquement). Ou tu finis en terrine.

C’est Claire Saint-Arnaud, conseillère de Vision Montréal et présidente du Comité sur la prostitution, qui s’est retrouvée sur la broche au nom des siens. Dommage, parce qu’elle figure parmi les moins cons du groupe, une exception dans la famille de Pierre Bourque. Mais c’est elle que l’on a sacrifiée sur l’autel de l’arrogance et de la vanité.

Jeudi dernier déjà, au début de la seconde et dernière séance de vente sous pression du projet, quelques coups de pique-feu sur le méchoui avaient permis de constater que la bête était sur le point d’être cuite. Cinq minutes à broil, puis l’affaire était ketchup.

Maintenant que le tout a été dévoré et bien digéré, une question demeure: comment diable une administration qui se targue d’être près du peuple n’a-t-elle pu prévoir la fronde populaire?

D’autant plus que le projet avait du mérite. Dans certains milieux – étonnamment les moins touchés, donc les plus éloignés des putes -, on l’a qualifié de dément, sur le ton condescendant propre aux gens de meilleure volonté.

Le projet avait au moins l’avantage de reconnaître que ça ne sert à rien d’emprisonner les putes de fin de mois pour trois, quatre ou cinq jours. Il enlevait des mains de la moralité ce qui est avant tout un problème social. Contrairement à ce que plusieurs ont écrit, ce projet ne transformait pas le quartier en zone franche du sexe. La loi y aurait été appliquée comme ailleurs, mais avec une diligence nouvelle, inspirée par les travailleurs sociaux. Faire du Centre-Sud un Reno, Nevada? Soyons sérieux! Près de 60 % des filles qui font le trottoir travaillent déjà dans ce quartier…

Trois ans de travail acharné, d’investissement de temps et de deniers publics – tout ça pour rien. Pourquoi? Parce que, comme dans tous les projets proposés par la Ville de Montréal, on néglige un gros détail: le peuple. On ne lui demande jamais son avis. Une omission qui relève davantage de l’arrogance que de la bonne foi.

Or, partout et sans exception, les gouvernements marchent sur des oeufs dès qu’une politique touche de près ou de loin le bas de la ceinture. Avant de donner le feu vert à un projet de loi sur la moralité, ils se posent toujours la question dix fois.

Alors, imaginez quand des élus municipaux, dont la compétence a déjà fait cruellement défaut dans une foule de domaines plus simples, s’adonnent à jouer les apprentis sorciers avec la prostitution! Vous avez trois enfants d’âge scolaire, et un petit commerce que vous avez bâti à la sueur de votre front: feriez-vous confiance à ces gens? Bien sûr que non.

Vingt-quatre heures après la mise à mort du projet, la Ville avait encore le culot de prétendre qu’elle avait associé les résidants du quartier à l’élaboration de son projet. De quels résidants parle-t-on? D’originaux croisés dans des épluchettes de blé d’Inde destinées à financer Vision Montréal?

Bref, cette histoire est une bonne leçon de démocratie. À répéter plusieurs fois par mandat.

Des idées de fou pour l’an 2000

Parlant de cervidés… Vous pensez que Pierre Bourque a des idées de fou, parfois? Consolez-vous en regardant ce que fait le maire de Toronto, Mel Lastman. À titre d’information, Mel Lastman est un croisement patenté au Bureau des brevets du Canada (no 4 775 964) de Pierre Bourque, Jean Chrétien et le père de George Costenza, dans Seinfeld. Bref, toute une bête.

Monsieur Lastman, las de constater que sa ville – qui porte le surnom de Hog Town, la ville des porcs – persiste à ne pas figurer sur la carte touristique, a eu un éclair de génie: désormais, on l’appellera Moose Town. Ainsi, on plantera, un peu partout au centre-ville, deux cents orignaux grandeur nature en résine de synthèse. Il estime pouvoir attirer deux millions de touristes avec cette exposition étonnante!

Finalement, un biodôme dans un ancien vélodrome, ce n’est pas bête du tout…