François Saillant : Debout!
Société

François Saillant : Debout!

Vous trouvez que le monde ne tourne pas rond? Participez à son redressement! Toutes les deux semaines, afin de vous inspirer, nous vous présenterons un activiste qui remue ciel et terre pour changer les choses et améliorer la vie.

François Saillant
48 ans
Coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), qui regroupe plus de soixante organismes anti-pauvreté au Québec.

Sa cause: le logement social
Depuis vingt et un ans, François Saillant plante le même clou et tient le même discours. Amnésique? Plutôt tenace. C’est que ce militant lutte à temps plein pour la reconnaissance du droit au logement des personnes pauvres – une cause qui a autant d’échos favorables auprès du gouvernement que le discours de Daniel Pinard auprès des humoristes.
«Beaucoup de locataires peu nantis sont victimes de discrimination, dit-il. Nous combattons ces injustices, en plus de militer pour le développement du logement social, un loyer à coût modique pour les plus démunis. Actuellement, au Québec, 518 000 ménages locataires consacrent plus de 30 % de leurs revenus à leur loyer (un seuil extrêmement problématique); et à Montréal, le quart des ménages locataires dépensent plus de la moitié de leurs revenus pour se loger. Ces chiffres alarmants grimpent au fil des ans. Pourtant, le Québec ne compte que 120 000 logements sociaux, à peine 10 % des logements offerts aux locataires.»
De plus, le montant accordé au logement social fond comme neige au soleil. «Au début des années quatre-vingt, les gouvernements finançaient la construction de 8000 logements sociaux par année. En 1999, ce nombre a chuté à 1325. Pour améliorer la situation, nous revendiquons un "Grand chantier". Grâce à des fonds gouvernementaux, ce projet permettrait d’atteindre à nouveau 8000 logements sociaux bâtis par année – un minimum, selon nous.»

Sa vision du militantisme
D’après Saillant, qui lutte contre la pauvreté depuis la fin de son adolescence, la gauche québécoise est passée du militantisme de pancartes à un militantisme de «techno-lobbying». «En plus d’organiser des manifs, les groupes comme le FRAPRU créent des sites Internet, effectuent des recherches poussées et renconrent des politiciens, souligne-t-il. Les militants s’organisent parce que les marches et les pétitions ne suffisent plus.»
L’an dernier, les militants du FRAPRU ont érigé un toit de fortune pour les sans-abri en face du Salon de l’habitation, et lancé des chemises à des parlementaires à la sortie de l’Assemblée nationale. «Nous devons jouer le jeu médiatique pour rejoindre le public. Nous n’aurions pas besoin d’aller aussi loin si nous étions capables de rassembler 100 000 personnes dans la rue.»
Mais ce n’est pas le cas. «Militer, ça ne sert à rien», réplique-t-on souvent à Saillant. Il en fait une vraie maladie. «La grande majorité de la population reste passive dans son confort et ferme les yeux sur la pauvreté. Les gens se contentent de verser de l’argent à la Guignolée une fois par année pour se donner bonne conscience. Ce nombrilisme est frustrant!»
Pour Saillant, les militants sont des chiens de garde combatifs. «Nous aboyons quand le gouvernement va trop loin.» Par exemple, l’automne dernier, le gouvernement voulait saisir les chèques d’aide sociale des bénéficiaires qui connaissaient des défauts de paiement de leur loyer. Saillant a grogné, et le gouvernement a reculé. «Ce fait illustre un changement. À l’époque de l’État providence, les groupes se battaient pour gagner du terrain. Aujourd’hui, on se bat pour garder ce qu’on a et pour éviter le pire! Si les militants n’étaient pas là, je n’ose imaginer jusqu’où le gouvernement se permettrait d’aller.»
Mais selon lui, la gauche est… gauche. Trop fragmentée, pas assez solidaire. «\Nous n’offrons pas une solution de rechange très forte. La gauche est divisée en divers intérêts. La règle du "chacun pour soi" domine. Il faudrait que les groupes qui subissent la déresponsabilisation du gouvernement unissent leurs efforts pour pouvoir renverser cette tendance.»
Mais pas question de jeter l’éponge – sauf pour la lancer à la figure d’un politicien. «Militer, c’est ne pas avoir peur de ses idées. Et prendre un plaisir fou à les exprimer!» Demain matin, 7 avril, François Saillant sera interviewé par Marie-France Bazzo dans le cadre de l’émission Indicatif Présent, diffusée à la Première Chaîne de Radio-Canada, (95,1 FM), dès 9 h 10.