Guérilla médiatique : Le malheur est dans la télé
Société

Guérilla médiatique : Le malheur est dans la télé

Invité du Symfolium, la foire politico-burlesque de François Gourd, l’activiste français PATRICK FARBIAZ encourage les citoyens à lutter contre le quatrième pouvoir. Vive la révolution médiatique!

«Les médias se jouent de vous. Alors jouez-vous d’eux!» Soulevé par son slogan revanchard, l’activiste français Patrick Farbiaz vient de lancer un pavé dans la mare médiatique. Avec son premier livre Comment manipuler les médias (Denoël), il met à la disposition du simple citoyen le kit-du-parfait-petit-emmerdeur-médiatique. Souvent provocant, parfois gauchisant, Farbiaz n’a qu’une intention: «Montrer aux citoyens les différentes façons de résister à l’emprise incessante des médias et les inciter à faire entendre leur voix.» Parviendra-t-il à persuader le couch potato de troquer sa télécommande contre une pancarte?
«101 recettes subversives». Le sous-titre du bouquin dévoile sa nature: il s’agit d’un livre de cuisine. Au lieu d’y exposer les secrets du rôti de porc, Farbiaz s’amuse à apprêter les médias comme des steaks. Bien cuits ou saignants, c’est selon. «Les médias sont abêtissants et ne donnent plus la parole aux citoyens. Le téléspectateur, l’auditeur et le lecteur n’ont qu’un seul droit: se taire. Avec la création de géants comme AOL-Time Warner, nous devons nous inquiéter. Il faut dénoncer le quatrième pouvoir. Dans les hôpitaux, les patients se plaignent de leur traitement. Pourquoi les citoyens ne feraient pas la même chose avec les médias, qui sont autant une question sociale que la santé et l’éducation?»
Utopiste, ce Farbiaz? Son curriculum vitæ prouve du moins son audace. En 1979, François Mitterrand (!) et lui sont inculpés pour avoir créé une radio alternative, Radio Risposte, en direct du local du Parti socialiste. Plus tard, il fonde avec des partenaires l’association Les Pieds dans le PAF, qui défend les droits des téléspectateurs en France. Aujourd’hui, il se dit écologiste et occupe le poste d’attaché parlementaire d’un député vert de l’Assemblée nationale française. «J’avais quatorze ans en mai 68. Je ne m’en suis jamais remis.» Un militant de nature.
Avec sa missive de 445 pages, l’activiste propose une sorte de How to dopé à la subversion. Comment deenir un webmestre anti-Microsoft. Comment pirater le câble. Comment monter sa propre station de radio. Comment lancer de faux scoops. Comment prendre d’assaut un plateau de télévision en direct… «Le but est d’outiller le citoyen. J’ai voulu faire l’inventaire des moyens possibles pour déjouer les médias. Ça donne un mélange explosif susceptible d’inspirer des militants qui cherchent à se faire voir dans les médias ou qui veulent partir leur propre média alternatif.»

Médialcooliques anonymes
Souffrez-vous de nervosité maladive, d’une baisse de libido, de perte de sommeil, d’appétit, de notion du temps et du sens de la réalité? Si oui, vous êtes, selon Farbiaz, des webalcooliques ou des télémaniaques victimes d’une médiadépendance grave. Sans blague. «Le premier problème de santé mentale en Amérique du Nord, c’est l’accoutumance à la télévision.» Une seule thérapie vient à bout des accros: «Il faut se rendre d’urgence dans un centre de désintoxication médiatique. Devant ce problème grandissant, il s’en crée de plus en plus à travers le monde.»
Ceux qui ne sont pas encore télécomateux, réjouissez-vous! Farbiaz vous propose un petit jeu: la guérilla médiatique. Une lutte qui tire sur tout ce qui diffuse, autant la télévision et la radio qu’Internet et les journaux. L’objectif? «Dépolluer l’univers social.» Les moyens? «Ça peut être simple comme la distribution de tracts ou aller jusqu’à boycotter la télévision et même détourner des publicités de McDonald au profit d’une cause.» Tous les coups sont permis – sauf les violents. «La résistance actuelle ne veut pas prendre le pouvoir par la violence, mais le désorganiser par la folie. Par exemple, l’entartage n’est pas agressif. Il représente plutôt un moyen pacifique de se venger d’une personnalité publique. Et d’en rire!»

Cyberrévolte
Du cyberpunk qui pirate les réseaux informatiques des grandes compagnies aux activistes vidéo qui filment la brutalité policière, Farbiaz fait l’apologie des flibustiers des médias. Mais d’après lui,une résistance montante se distingue sur Internet, où des comités virtuels de citoyens et des cybersyndicats tissent peu- à peu une Toile libertaire. «Il est très important qu’existe un Internet non marchand. Après tout, il n’a pas été créé pour être un outil de vente, mais bien un outil de communication! Et c’est pour cette raison que j’appuie les hackers qui ont attaqué Amazon.com, Yahoo! et AOL il y a un mois. Le hacking est un magnifique moyen de révolte.»
Plus pratiques que théoriques, moins rigides qu’éclatées, les idées de Farbiaz vont plus loin que le discours «anti-média» quasi éculé. «Les livres théoriques soulignent que les médias sont les maîtres du monde et concluent que nous ne pouvons rien y faire. C’est faux. Les seuls combats que les citoyens n’ont pas gagnés sont ceux qui n’ont pas été menés. Je crois qu’il est possible de supprimer le pouvoir des médias, la concentration de la presse et l’insignifiance du contenu. Au Québec, vous avez fait la Révolution tranquille contre l’Église il y a quarante ans. Aujourd’hui, le problème n’est plus la religion catholique, mais la religion cathodique.» Le carême médiatique, voilà sa solution!
Pour Farbiaz, la passivité, connais pas. L’impuissance non plus. «Comme un fou, j’ai toujours cru qu’on pouvait changer le monde. La vraie vie, c’est la lutte. Et la lutte, c’est la vraie vie!»