La semaine dernière, dans cette chronique, je soulignais le fait que la multiplication des chaînes spécialisées, et la demande croissante de documentaires qui en résulte avait fait baisser les budgets consacrés à chaque production.
L’Étude sur la production documentaire au Québec et au Canada commandée par les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, un document qui devrait être rendu public sous peu, vient confirmer cette observation. On parle d’une diminution de budget de 20 % dans le cas des productions de langue française.
Réalisée par Michel Houle, consultant dans le secteur des industries culturelles et des communications, cette étude se penche sur la production documentaire des huit dernières années. Les données colligées viennent confirmer les craintes ressenties par les auteurs et producteurs de documentaires, à savoir que la production de documentaires d’auteurs est à la baisse, que les séries et les mini-séries documentaires sont plus populaires que jamais, et que les nouvelles exigences du fédéral en matière de contenu canadien menacent sérieusement l’avenir et la santé de notre production nationale.
L’étude porte sur l’ensemble de la production documentaire au pays de 1991 à 1999, à l’exception des documentaires produits à l’interne par les télédiffuseurs (on pense aux longs reportages de l’émission Zone libre, par exemple).
Les auteurs notent tout d’abord que le volume de production documentaire au Québec a augmenté de 303 % au cours des huit dernières années. Le phénomène s’explique par plusieurs facteurs comme la création du Fonds canadien de télévision ainsi que l’adoption de mesures fiscales incitatives (crédits d’impôt). Bien entendu, l’apparition des chaînes spécialisées a contribué à stimuler la demande.
L’étude nous révèle aussi que la diversification régionale est à la hausse, ce qui devrait fermer le clapet à ceux qui se plaignent toujours qu’il n’y en a que pour les métropoles. On remarque une hausse des productions en provenance des provinces autres que l’Ontario et le Québec, ainsi qu’une augmentation des productions provenant de l’extérieur de Montréal et de Toronto.
Toutefois, les auteurs notent que l’industrie de la production documentaire canadienne est fragile car elle repose sur les épaules d’un très grand nombre de joueurs. Résultat: un faible volume de production annuelle accompagné d’une absence de continuité et de constance. Faudrait-il songer à une sorte de consolidation ou de regroupement dans ce secteur?
Revenons maintenant à la diminution des budgets horaires de production, un phénomène qui se détaille ainsi: pour les séries documentaires financées par Téléfilm Canada, le budget horaire est passé de 255 000 à 165 000 dollars au cours des huit dernières années. Le budget horaire des émissions uniques est passé pour sa part de 359 000 à 299 000 dollars. Les mini-séries sont les moins touchées: leur budget a baissé de 306 000 à 299 000 dollars pendant la même période.
Par contre, pour ce qui est des documentaires soutenus par le Fonds canadien de télévision, le budget horaire moyen des séries a augmenté de 96 000 à 131 000 dollars. Mais il a diminué de 13 % pour les mini-séries et de 5 % pour les émissions uniques.
Une autre donnée intéressante concerne la contribution des télédiffuseurs. Chez les généralistes publics (pensez Radio-Canada), la contribution a chuté de 60 à 22 %; et chez les privés (pensez TVA), elle est passée de 14 à 10 %. Dans le cas de Radio-Canada, cette diminution s’explique en partie par le fait qu’on produit davantage à l’interne. Personne ne sera surpris de constater que la part du financement provenant des chaînes spécialisées est passée de 7 à 34 %.
Michel Houle et ses coauteurs, qui ont passé au peigne fin l’ensemble de la production documentaire nationale, prédisent «que la demande va continuer de croître à un rythme relativement soutenu au cours des trois à cinq prochaines années». Ils se basent entre autres sur le phénomène de multiplication des chaînes spécialisées ainsi que sur l’engaement de Radio-Canada (lors du renouvellement de sa licence) à accroître sa diffusion de documentaires indépendants canadiens.
Les auteurs notent aussi que la très faible contribution des distributeurs-exportateurs canadiens au financement a pour résultat de limiter le rayonnement et la possibilité d’exploitation de nos documentaires à l’extérieur de la télé (salles de cinéma, festivals, etc.).
Enfin, concluent les auteurs, les nouvelles règles sur le contenu canadien restreignent la liberté de création et réduisent le potentiel de rayonnement international de nos documentaires. Pire encore, cette obligation d’explorer des sujets «canadiens» risquent d’éloigner les Canadiens eux-mêmes qui se tourneront vers les productions étrangères afin d’assouvir leur soif de découverte.
Patrimoine Canada est au nombre des commanditaires de cette étude, aux côtés de Téléfilm Canada, la SODEC, Alliance Atlantis, et des chaînes télé Astral, Discovery Channel, RDI, Télé-Québec et TV5 Québec Canada. Espérons que les conclusions de cette étude ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd.
L’actualité: suite et fin
La semaine dernière, je déplorais le puritanisme exacerbé de certains lecteurs du magazine L’actualité qui étaient montés aux barricades à la suite de la publication d’une photo montrant une femme au torse nu. C’était pour illustrer un dossier sur le corps de demain.
Rassurez-vous, l’honneur du magazine est sauf. En fait, après avoir publié un échantillon des commentaires de lecteurs outrés par cette une pornographique (sic), l’équipe de L’actualité a été inondée de lettres (on parle d’une quarantaine) pourfendant ces lecteurs puritains. Cet abondant courrier, en réponse au premier, sera publié dans le prochain numéro. «Après, on ferme le dossier et on passe à autre chose», assure le rédacteur en chef par intérim, Luc Chartrand.
Coup d’oeil
Musicographie: Diane Dufresne
Les fans de la diva seront comblés par cette Musicographie retraçant la carrièe de ce monument du showbiz québécois. Ne vous attendez pas à un regard critique sur la chanteuse: le point de vue est on ne peut plus favorable et les gens interviewés (François Cousineau, Luc Plamondon, André Gagnon, Lise Payette, Clémence DesRochers, etc.) ont tous un mot gentil ou une anecdote charmante à propos de Dufresne.
Un grand absent: Germain Gauthier, le compositeur de quelques-unes des plus belles chansons de l’artiste, dont J’ai douze ans et Le Parc Belmont.
Le document, produit par MusiMax, nous permet aussi de faire la rencontre de Richard Langevin, le mari-gérant, un personnage intelligent et sympathique qui pose un regard lucide sur sa compagne. Quant à Diane Dufresne, elle semble très paisible et se confie librement. Bref, on regarde cette Musicographie surtout pour les propos et les images d’archives car la réalisation est très ordinaire et la narration, d’une banalité navrante.
Dimanche 16 avril, 20 h. MusiMax.