Debout! : Claire Thiboutot
Société

Debout! : Claire Thiboutot

Vous trouvez que le monde ne tourne pas rond? Participez à son redressement! Toutes les deux semaines, afin de vous inspirer, nous vous présentons un activiste qui remue ciel et terre pour changer les choses et améliorer la vie.

Claire Thiboutot, 34 ans
Directrice de Stella

Sa cause: défendre les droits des travailleuses du sexe
Claire Thiboutot fait le trottoir. Mais pas dans le sens commun du terme. En fait, cette militante parcourt les rues de Montréal pour venir en aide aux travailleuses du sexe, qu’elles soient téléphonistes roses, escortes, prostituées ou danseuses. Après s’être elle-même prêtée au jeu de l’effeuilleuse pendant sept ans, elle a fondé Stella en 1995, un organisme par et pour celles qui pratiquent le plus vieux métier du monde.

«\Nous avons développé différents services pour que les femmes vivent dans la dignité et travaillent en toute sécurité. Nous offrons du soutien psychologique, distribuons des condoms, des seringues et des listes de mauvais clients.» Par ailleurs, Claire Thiboutot consacre une bonne partie de son temps à la sensibilisation. Une lourde tâche. «Pour bien des gens, le travail du sexe, c’est la une du Allô-Police et l’image de la junkie finie. Nous travaillons pour abattre ces préjugés très ancrés dans l’esprit des gens. Car les filles qui vivent du sexe sont ordinaires et ne réclament que des conditions de travail normales. Par exemple, ça fait douze ans que les danses sont à cinq ou à dix dollars. Il faudrait peut-être y voir…»

Il y a quelques semaines, Claire Thiboutot a connu un échec cuisant avec le rejet du projet-pilote de déjudiciarisation de la prostitution dans le quartier Centre-Sud. «Personne n’a voulu entendre parler de notre projet. Cet événement a fait monter d’un cran l’intolérance face au travail du sexe, probablement un des derniers tabous de notre société.» Autre nouvelle qui a fait les manchettes: en décembre dernier, la Cour suprême a jugé que les danses à dix dollars ne représentaient pas un acte indécent. «D’un côté, les danseuses n’ont plus à craindre la répression policière. Mais de l’autre, elles sont souvent obligées par la force du marché de faire des danses à dix contre leur gré. Toute cette question est bien discutable.»
BR>Le cheval de bataille de Claire Thiboutot est la décriminalisation du travail du sexe. «Les travailleuses du sexe pourraient offrir leurs services dans des agences d’escortes ou des maisons closes sans craindre de recevoir des contraventions, d’être arrêtées, emprisonnées ou poursuivies en justice. Elles pourraient aussi accéder aux mêmes protections que les autres travailleurs.»

Sa vision du militantisme
Pas facile de militer par les temps qui courent, estime Claire Thiboutot. «Il y a une intolérance face à l’ensemble des marginaux qui entraîne une exclusion sociale. De plus, par son désengagement, l’État pellette les problèmes dans la cour des groupes communautaires qui en ont plein les bras.» Conséquence? Tout en épaulant les désoeuvrés, les groupes doivent sans relâche faire pression sur le gouvernement. «Nous devons nous battre sur tous les fronts pour l’emporter.»

Révolue, l’époque des idéalistes qui refaisaient le monde entre les quatre murs de leur bureau. Claire Thiboutot associe davantage le militantisme au travail de terrain. «Défendre une cause, c’est la voir, la sentir, la toucher et la vivre pour en connaître toutes les facettes.» D’après la militante, le gouvernement est déconnecté de la réalité. «Souvent, l’État prend des décisions qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe dans la rue. Il devrait écouter davantage les groupes communautaires…»

Le militantisme doit aussi être porteur d’idées nouvelles. «Un des principaux objectifs des groupes communautaires est de changer les mentalités. Nous engageons des débats sociaux. C’est très important. Avec le projet-pilote de déjudiciarisation, nous avons touché une corde sensible. Même s’ils l’ont rejeté, les citoyens ne peuvent plus se fermer les yeux. Ils doivent réagir.»

D’après Claire Thiboutot, militer pour le travail du sexe n’est pas étranger à la lutte féministe. «Le travail du sexe a toujours été la figure emblématique de l’oppression des femmes. Il demeure un domaine où leurs droits ne sont pratiquement pas oservés. Si c’était réglé, les conditions de toutes les femmes en seraient grandement améliorées.»

Stella: 285-1599

Demain matin, 21 avril, Claire Thiboutot sera interviewée par Marie-France Bazzo dans le cadre de l’émission Indicatif Présent, diffusée à la Première Chaîne de Radio-Canada (95,1 FM), dès 9 h 10.