Société

Droit de cité : Du fakirisme économique

Quarante et un pour cent. Presque un sur deux.

C’est la proportion de ménages montréalais vivant sous le seuil de faible revenu (SFR) selon le Conseil canadien de développement social, à partir de chiffres datant de 1995. Êtes-vous sûr que c’est pas Bogota?

Selon Statistique Canada et le Fraser Institut, le SFR ne mesure pas la pauvreté. Une mère de famille monoparentale avec dix-huit mille dollars de revenu ne souffre pas de pauvreté, voyons! Elle donne un spectacle de fakir économique. «Et ça ne lui fait même pas mal!»

Être un SFR, c’est gagner seize mille dollars ou moins par année pour un célibataire; et trente-deux mille pour une famille de quatre. Pour avoir déjà expérimenté la chose, avec seize mille dollars, on vit avec le strict minimum. Justement, selon Le Petit Robert, la définition de pauvre, c’est: «Qui n’a que le strict nécessaire.»

Pour vous donner une idée de ce que le fameux 41 % du Conseil canadien de développement social peut présenter dans le concret, faites l’exercice suivant: Sortez dans la rue, mettez-vous à marcher, effeuillez les portes à la manière d’une marguerite et comptez. Un pauvre, un pas pauvre, un pauvre, un pas pauvre… Vous verrez, ça fait beaucoup de monde autour de vous.

Mais la situation économique s’est améliorée, nous assure-t-on. Des emplois ont été créés à Montréal. Il y a moins de chômage. Mais l’économie s’est-elle améliorée pour les pauvres? Un salaire minimum ou un chèque de BS, le résultat est le même: vous êtes toujours sous le SFR.

La salope
L’ironie a fait en sorte que ces statistiques tombent au moment où les boursicoteurs ont à peine sourcillé en voyant s’évanouir un billion – un billion!!! – de dollars en une seule petite séance boursière. De l’argent fictif? Peut-être. Mais des centaines de millions de vrais dollars, empruntés pour acquérir des actions de la nouvelle société fourbi.com ou La Toile du cupide, ont été également gaspillés le même jour.

Et l’ironie (encore elle, la salope) a fait en sorte que juste au-dessus de la manchette de La Presse sur l’étude du Conseil, il y avait la photo, deux fois grosse comme le titre de la nouvelle, de la toute récente Land Rover Discovry 2001, une photo qui renvoyait à un article où l’on vantait les mérites de cette 4X4 exceptionnelle, à soixante-quinze mille dollars, taxes comprises.

Quelle ironie aussi. Au moment où le Conseil publiait ses chiffres, l’association des propriétaires d’immeubles à logements était en conférence de presse, pour dénoncer les 8 % d’assistés sociaux qui ne paient pas leur loyer. Un chiffre qui justifie la saisie du chèque des fautifs par le gouvernement, selon les proprios.

Toujours l’ironie: les propriétaires se plaignent pendant que des milliers d’assistés sociaux se cherchent un nouveau logement, qui sont de plus en plus rares, pas juste sur le Plateau mais dans tout le centre de l’île, ce qui crée… une flambée des loyers!

Enfin, la montagne est venue à nous

Pour une fois, Pierre Bourque n’est pas allé à l’étranger. C’est l’étranger qui est venu à lui.

Philippe Séguin a fait un croche par l’hôtel de ville, afin de rencontrer le maire Bourque la semaine dernière, à la veille de sa campagne électorale pour la mairie de Paris. Non, non, Bourque ne se présente pas à Paris! C’est Séguin. Malheureusement.

Une rencontre au sommet où le maire Bourque et le candidat parisien ont causé de choses et d’autres.

Puis, ils se sont déplacés au balcon. Avec un Français, c’était comme en 67, quand tout était beau, quand c’était l’année de l’Expo. Alors, on attendait la déclaration. «Come on, say the line!» se disait le journaliste anglophone. Eh bien non, le monsieur ne s’est prononcé sur rien. Même pas sur le projet d’une île-une ville. «Non-ingérence et non-indifférence», répondra-t-il à la blague, en riant généreusement.

Est plate, la joke.

Puis monsieur Séguin s’est dit impressionné par la gestion Bourque du caca de chien. Une politique qui, à son avis, fonctionne, contrairement à celle de Paris.De quoi parle-t-il? Quelle politique? Il n’y en a pas, de politique de la crotte à Montréal. Si, à ce chapitre, Montréal est plus propre que Paris, c’est qu’il y a cent fois moins de cabots ici. Au moins, on sait maintenant à quel niveau se déroulent les rencontres du maire avec ses hôtes à l’étranger.

Il était une fois dans l’Ouest Philippe Séguin sur la souveraineté. Philippe Séguin sur une offre au Canada. Philippe Séguin sur le Clarity Bill. Philippe Séguin sur la proposition Lisée. Philippe Séguin sur le concept d’une île-une ville. Philippe Séguin sur l’enlèvement de la dernière neige. Philippe Séguin sur la crotte de chien montréalaise. Phillipe Séguin à l’UQAM, Philippe Séguin à l’hôtel de ville. Philippe Séguin avec Lucien Bouchard, Philippe Séguin à la radio, à la télé, à la une des journaux…

Mais qu’est-ce qu’il nous veut, ce gars-là, le Joe Clark des Français? Pour paraphraser Peter Fonda dans Il était une fois dans l’Ouest: «Que me veux-tu, l’Harmonica?»