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Real Simple : C’est si simple…
Les adeptes de la simplicité volontaire ont maintenant leur magazine de luxe: Real Simple. Le cynisme poussé à son maximum…
Nathalie Collard
C’est le comble de la récupération. Tablant sur l’engouement pour la simplicité, le blanc, le mot zen et le yoga, la compagnie Time Warner (qui publie les hebdos Time et People) a lancé un nouveau magazine: Real Simple, qui pourrait se traduire ainsi: «réellement simple» ou «simplement vrai».
Sur les tablettes depuis environ un mois, cette publication veut nous aider à redécouvrir les petits plaisirs simples de la vie. Comme celui de marcher sous la pluie (trois pages) ou de prendre le thé. Mais attention, on ne se balade pas sous la pluie vêtu n’importe comment: une jupe en soie, une veste Armani, un parapluie qui se vend environ trente-deux dollars US. Même chose pour le thé: on ne vous suggère pas un banal thé Salada mais bien un mélange Todd & Holland. Les petits plaisirs de la vie ne sont pas gratuits…
Le magazine Real Simple s’adresse visiblement aux gens qui traversent une grave crise existentielle: blasés, pour ne pas dire gazés, ils sont à la recherche de sensations «vraies», ils tentent de se redéfinir, de retrouver les VRAIES valeurs.
Comme cette journaliste qui signe un long papier dans lequel elle explique pourquoi elle a quitté Manhattan pour le Nebraska. Parce que ça la tentait? Pas du tout. Plutôt pour se prouver quelque chose. «Pour m’aider à prendre soin de moi-même, écrit-elle. Car quand tu réussis à prendre soin de ta propre misère, ton bonheur t’appartient.» Vous avez dit torturés?
En fait, ce narcissisme rampant est présent dans tout le magazine, qui aurait tout aussi bien pu s’appeler Me, myself and I.
Les pages de Real Simple regorgent de petits conseils judicieux censés nous faciliter l’existence: comment payer ses comptes via Internet, comment faire le ménage dans ses factures, etc. (Et moi qui croyais que lorsqu’on vivait simplement, on dépensait moins.)
Visuellement, Real Simple est, euh…, surprenant. Disons qu’un gros plan de bouchon d’évier, ça nous change des sempiternels clichés de aetitia Casta et Naomi Campbell. Plutôt que de fétichiser l’univers de la beauté, Real Simple fétichise le quotidien: produits nettoyants, pots de verre vides, enveloppes fripées, … Comme l’écrit l’auteur d’un article de deux pages sur le nettoyage de salle de bains (sic): «A clean bathroom is a joy to use and a pleasure to show-off.»
Un peu plus loin, on nous explique comment réduire notre quantité de lessive hebdomadaire. L’article occupe trois pages du magazine! Placer des fleurs dans un pot de verre, redécouvrir le bonheur de manger de la crème glacée, voilà d’autres petits plaisirs supposés ensoleiller notre quotidien.
Personnellement, j’avais hâte de lire l’article sur le nettoyage de la peau. L’industrie de la beauté est l’une des premières sources publicitaires des magazines, ce qui explique pourquoi les publications féminines nous enterrent sous une foule de conseils qui impliquent obligatoirement l’achat de plusieurs produits. Comment concilier simplicité et santé financière d’un magazine? Real Simple s’en sort plutôt bien, du moins pour l’instant, en conseillant des produits simples (savon et crème hydradante), la plupart à prix modiques et vendus en pharmacie. On verra dans les prochains numéros si les exigences publicitaires auront raison de la simplicité à tout prix.
L’expérience de Real Simple n’aurait pas été complète sans les articles, ô combien prévisibles, sur la réduction du stress et la pratique du yoga, deux incontournables de ce début de siècle. Il semble que les rituels soient aussi très à la mode: par rituels, on parle aussi bien des fêtes de Noël que de la tasse du café matinal.
Finalement, s’il faut retenir un message de Real Simple, c’est le suivant: le secret du bonheur est dans la façon dont on nomme les choses.
Ne dites plus: prendre un bain. Dites plutôt: ma séance de soins personnels aquatiques relaxants. Ne dites plus: je paye mes impôts. Parlez plutôt d’un rituel de contribution personnelle au bien-être collectif Enfin, ne sortez plus les ordures. Purifiez votre intérieur par un cérémonial d’élimination du trop-plein matériel. Et voilà, le tour est joué. Votre vie ne sera peut-être pas plus simple, mais elle vous semblera moins banale. A-t-on besoin de débourser 3,95 $ pour ça?
www.realsimple.com
Semaine sans télévision
Comme chaque année, le groupe de pression canadien Adbusters milite pour une semaine sans télévision (du 22 au 28 avril). Vous remarquerez combien les animateurs de radio «adoooorent» cette manifestation. Seraient-ils aussi enthousiastes s’il s’agissait d’une semaine sans radio?
Toujours est-il que la journée «sans achats» me semble beaucoup plus efficace que la semaine sans télé. Les commerçants ressentent concrètement les effets d’un tel geste alors qu’à la télé, c’est plus difficile à évaluer.
Cela dit, si vous avez besoin qu’on vous prenne par la main et qu’on vous fixe un moment en particulier pour éteindre votre poste de télévision, allez-y gaiement.
www.adbusters.org
Coup d’oeil
La fin du monde ne sera plus à sept heures
Ça y est, nous voilà arrivés à la fin d’un moment particulièrement surprenant de l’histoire de la télévision québécoise. On peut dire que pendant trois ans, Marc Labrèche et son équipe auront brassé notre cage médiatique et journalistique. De l’expérience La fin du monde, on retient pêle-mêle le succès imprévisible de la soirée des élections (qui a initié une enquête sur les votes multiples au Québec); le débat sur la véritable nature du journalisme provoqué par le refus de la FPJQ d’accréditer Maréchal, Masbourian et Dufort; la folie de Bruno Blanchet; la campagne de Jean René Dufort en clone de Jean Charest, etc. L’émission termine à un bon moment, juste avant qu’elle ne sente le réchauffé. On retrouvera avec beaucoup de plaisir anticipé Labrèche (et Blanchet) à TVA l’automne prochain. La fn du monde souligne son départ deux fois plutôt qu’une, les mercredi et jeudi 26 et 27 avril, à 22 heures. TQS.
Villeneuve en 58 minutes et trente secondes
La saison de Formule Un suit son cours et le Grand Prix du Canada arrive à grands pas, les 17, 18 et 19 juin prochain. Il est donc temps de raviver la flamme des fans à l’aide d’une entrevue en profondeur avec notre héros national, Jacques Villeneuve. Après Christiane Charette, c’est au tour de Stéphan Bureau d’accompagner le réalisateur-coordonnateur Stéphane Laporte dans cette «glamourous» aventure.
Si l’idée d’une rencontre Bureau-Villeneuve est réjouissante, elle soulève tout de même quelques questions: comment se fait-il qu’un lecteur de nouvelles de Radio-Canada participe à une émission produite par un producteur privé, en l’occurrence Motion International? Ça lance un certain message sur les liens qui unissent Radio-Canada et cette compagnie, non?
Deuxièmement, pourquoi l’entrevue n’a-t-elle pas été confiée au journaliste sportif Daniel Poulin? Le bonhomme couvre la Formule Un depuis plusieurs années et semble avoir tissé, au fil des ans, une relation amicale avec le pilote. Enfin, ces petites questions éthiques (et très chiantes pour certains) ne m’empêcheront pas de regarder l’émission réalisée par Germain Thibault, réalisateur à Enjeux, qui, si les rumeurs sont exactes, se retrouvera aux commandes du Point l’an prochain. Vendredi 21 avril, 20h et dimanche 23 avril, 17h. Radio-Canada.