Les Blood Sisters : Ceci est mon sang
Société

Les Blood Sisters : Ceci est mon sang

Selon les Blood Sisters, un groupe féministe qui lutte contre l’utilisation des serviettes sanitaires, les grandes compagnies se sont approprié le corps des femmes. «Il faut cesser d’acheter des Tampax», disent-elles. Leur proposition? Des serviettes en coton et des éponges de mer… Quand l’hygiène personnelle devient un cheval de bataille.

Connaissez-vous l’histoire des deux petits garçons qui se parlent de leurs cadeaux de Noël?
«Moi, pour Noël, j’ai demandé une voiture téléguidée. Et toi?
– Moi, j’ai demandé un Tampax.
– Un Tampax? Qu’est-ce que c’est?
Je ne sais pas, mais ils disent qu’avec ça, tu peux faire de l’équitation, de la nage, du vélo…»

Quand les publicitaires utilisent le rêve, et montrent un petit liquide bleu pour symboliser le sang dans les annonces de serviettes sanitaires et de tampons, les Blood Sisters voient rouge. Pour elles, ce réflexe pudique et politically correct témoigne d’un malaise que nous éprouvons face aux rejets du corps en général, et face au sang en particulier.

«Le message qu’on nous envoie, c’est que notre sang menstruel est quelque chose de sale, qu’il ne faut pas le voir, et encore moins y toucher», explique Véronique, des Blood Sisters, un groupe composé de femmes révoltées par le monopole des produits menstruels commerciaux. «Les menstruations sont tabou! Les tampons doivent être petits, discrets: certains sont étudiés pour ressembler à un bâton de rouge à lèvres quand on les déballe!»

Créé en 1996, les Blood Sisters (qui regroupe de deux à quarante participantes, selon les différents événements) veulent sensibiliser et éduquer les femmes aux risques reliés à l’utilisation de serviettes sanitaires et de tampons, tout en leur proposant des solutions de rechange. «Au premier abord, c’est un sujet qui peut sembler anodin, explique Véronique. Mais il touche en fait à plusieurs aspects de la vie des femmes et de la société en général, comme la surconsommation, le fait de remettre le bien-être de notre corps entre les mains des grandes corporations, etc.»

L’évangile selon saint Tampax
Les Blood Sisters soulignent que les tampons présentent des risques pour la santé. Par exemple, les femmes qui utilisent des tampons exposent leur corps à la dioxine, une substance chimique présente en très faible quantité qui provient du traitement au hlore qu’ont subi les cartons applicateurs. «Les parois du vagin sont très absorbantes lors des menstruations. La dioxine peut pénétrer dans le corps des femmes, ce qui peut être potentiellement cancérigène. De plus, les tampons ne sont pas stérilisés, et ce n’est pas parce qu’ils sont blancs qu’ils sont forcément propres…»
Le syndrome du choc toxique (SCT) est un autre problème qui, quoique extrêmement rare, pourrait être lié à l’utilisation des tampons. «Environ 15 % des femmes possèdent une bactérie qui les rend à risque de subir un choc toxique, mais il est très rare que cette bactérie se développe, lance Véronique. L’utilisation de tampons, et notamment des tampons super-absorbants, peut permettre à la bactérie de se développer. Résultat: en 1980, des tampons trop absorbants ont provoqué la mort de quarante femmes, et plus de neuf cents cas non mortels ont été répertoriés aux États-Unis.» Depuis, la Food and Drug Administration (FDA) et Santé Canada ont obligé les compagnies qui fabriquent des tampons à uniformiser les descriptions du pouvoir absorbant de leurs produits sur l’emballage. En 1997, seulement cinq cas de STC (non mortels) ont été répertoriés par la FDA.

Autres conséquences néfastes des tampons: ils polluent. Au cours de sa vie, une femme emploiera entre dix mille et quinze mille tampons et serviettes sanitaires. «Et 50 % de ces dispositifs finissent dans les toilettes, ce qui crée une masse de déchets considérable dans de système d’égouts. Sans compter les emballages, qui vont directement à la poubelle…»

Ce que les Blood Sisters déplorent, c’est qu’aucune méthode alternative aux tampons ou aux serviettes sanitaires n’est connue du grand public. Une situation qu’entretiennent les compagnies qui fabriquent les produits menstruels commerciaux. «À elle seule, la compagnie Procter & Gamble possède 50 % du marché des tampons, explique Véronique. Et les moyens dont elle dispose pour recruter de nouvelles consommatrices sont énormes. Par exemple, la compagnie organise des tournéesdans les écoles secondaires dans le but de "sensibiliser" les adolescentes aux produits menstruels. Elle embauche des infirmières au chômage pour aller "informer" les filles le plus tôt possible, car il est prouvé que la première marque qu’adoptent les consommatrices au début de l’adolescence sera celle qu’elles utiliseront tout au long de leur vie.»

Aux produits commerciaux, les Blood Sisters préfèrent les produits naturels, comme les tampons de coton bio, les serviettes réutilisables faites en coton, les éponges de mer (un dispositif utilisé depuis des siècles); ou encore le Keeper, un petit entonnoir flexible en caoutchouc naturel muni d’un sac qui sert à recueillir le sang menstruel… Bref, plusieurs moyens viables existent: le tout, dit Véronique, est d’apprendre à les connaître.

«Il est certain que chacune de ces méthodes ne convient pas à l’ensemble des femmes, et c’est pourquoi nous les expliquons toutes lors de nos ateliers. Une fois mises au courant, les femmes auront véritablement le choix de faire ce qu’elles veulent avec leur corps, et pas seulement de se limiter à aller à la pharmacie du coin…»

Les Blood Sisters donneront un atelier dans le cadre du Salon du livre anarchiste de Montréal, le samedi 6 mai, de 16 h à 17 h 30. Renseignements: 526-8946, ou www.bloodsisters.org