Société

Droit de cité : Parlons fric

Le Casino veut déménager près du centre-ville. Et si on érigeait un deuxième mât au Stade olympique? Et si on déménageait Mirabel sur la Rive-Sud? Qui sait, ça marcherait peut-être ce coup-ci? En passant, avec le vieillissement de la population, c’est une très mauvaise idée de garder l’Oratoire en haut d’une côte. Les affaires du frère André seraient sans doute meilleures à côté du nouveau Casino…

Au diable les analyses psychosociales du phénomène du jeu étatisé dans lesquelles marinent les débats autour de la présence des casinos. Parlons fric. Parce que c’est ça, il me semble, la raison d’être du Casino. Du fric, pour et par le fric, qu’on soit du côté du plumeur ou du plumé.

Or, côté fric, rien ne va plus. Le Casino a coûté deux cents millions de dollars jusqu’à maintenant, sans compter les autres millions de dollars dépensés pour creuser une ligne électrique sous-fluviale entre le Casino et la Rive-Sud, afin de le pourvoir en électricité, verglas ou non. Et sans compter les autres millions en frais de toutes sortes qu’il en a coûté à la Ville de Montréal pour «accueillir» la maison de jeu sur l’île Notre-Dame.

Huit ans plus tard: «S’cusez-nous, mais on s’est trompés!» Après deux cents millions de dollars investis dans les anciens pavillons de la France et du Québec, l’immeuble est au bord de la décrépitude. Même que la plomberie éclate de partout. Coudon, on n’a pas une garantie de l’APCHQ, là-dessus?

Le Casino de Montréal est un échec. Contrairement à l’argument de vente utilisé par le gouvernement Bourassa à l’époque, il n’y a pas eu d’arrivées «d’argent neuf», venant de l’étranger pour l’État québécois. Des 5,8 millions de visiteurs au Casino en 1998-1999, à peine 6 % provenaient de l’extérieur du Québec. Plus de huit joueurs sur dix sont originaires de Montréal et de sa région immédiate. Que des Québécois de souche qui y engloutissent chaque année six cents millions de dollars, une moyenne de cent onze dollars par tête de pipe.

«C’est à cause de l’insularité» clame Loto-Québec pour expliquer pourquoi les touristes boudent son casino. Pourtant, le responsable, c’est le Casino lui-même, trop Mickey Mouse pour les vrais high rollers. On vise la clientèle internationale et on programme Les Tannants (moins Joël Denis) au Cabaret! Il n’y a même pas de tables de dés. Or, un casino sans dés, c’est une messe sans hosties, un rave sans smarts drinks. (À la suite de l’abrogation de l’article du code criminel qui interdisait les dés au Canada, le gouvernement du Québec vient d’autoriser les tables de dés au Casino. Enfin!) Voilà pourquoi les touristes boudent le Casino.
En 1992, on nous a vendu un casino de type européen, plus raffiné, plus moral que le type américain, qui attirerait les touristes. Deux ans plus tard, on lui greffait une section «américaine», pour la modique somme de soixante-quinze millions de dollars, qui attirerait enfin les touristes. Huit ans plus tard, il faudrait le déménager au centre-ville, une hypothèse rejetée à l’époque.

À quoi on joue? Au paquet voleur? Au trou-de-cul?

Les crapaudes
Dieu que la vie politique au Village est divertissante. À côté de celui de Québec, notre débat sur la réforme municipale, à Montréal, ressemble à un sommet oecuménique à l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac. «Mes trrrès cherrrs frèrrres…»
À Québec, par contre, c’est la loi de la jungle urbaine: au plus fort la gueule. Et cette semaine, les gens du village ont assisté à l’une de ces chicanes de sacoches – pardon, à des effluves verbaux particulièrement édifiants -, entre la ministre des Affaires municipales Louise Harel et Andrée Boucher, l’acariâtre mairesse de Sainte-Foy qui rejette en bloc la réforme municipale. Madame Boucher a accusé madame Harel d’être «une rusée, une hypocrite et une menteuse». Et madame Harel de répliquer, live à la radio: «Chaque fois que madame Boucher parle, c’est juste des crapauds, pis de la boue pis des couleuvres qui sortent.» Un vrai catfight, je vous dis!

Puis, vingt-quatre heures plus tard, Louise Harel ‘excuse auprès de la Boucher pour ses propos «déplacés», dignes d’un scénario de Cronenberg. «J’ai dit des choses que je ne devais pas dire.» La pax femina s’est conclue quand la mairesse Boucher a remercié Louise Harel «pour me tendre le rameau d’olivier», avant de poursuivre par un examen de conscience: «Je n’en veux pas à madame Harel. Elle est fatiguée et subit beaucoup de pression. Je l’estime pour l’ensemble de son oeuvre, pas pour une parole malheureuse. Elle a eu la grandeur d’âme de s’excuser, la noblesse de reconnaître une erreur. C’est vrai que je joue dur moi aussi.» Encore!

La soupe aux millions
Après la Cité du multimédia, la Cité internationale et Chaussures Cité, voici la Cité du commerce électronique. Un Village des valeurs virtuel, réparti dans neufs tours, coincé entre le Centre de la bonne bière et le boulevard René-Lévesque Ouest. Lara Croft n’a qu’à bien s’armer, la Madame qui était ben contente étendra son empire dans le cyberespace.

Un beau projet comme Bernard Landry les apprécie: du béton, de l’acier et une bonne potée de subventions, sur lequel on a apposé le sceau Qualité Québec, certifiant que ledit projet réponds aux normes du modèle québécois – c’est-à-dire: du béton, de l’acier, et une bonne potée de subventions. La soupe est servie!