

Debout! : Laurent McCutcheon
Vous trouvez que le monde ne tourne pas rond? Participez à son redressement! Toutes les deux semaines, afin de vous inspirer, nous vous présentons un activiste qui remue ciel et terre pour changer les choses et améliorer la vie.
Luc Boulanger
Photo : Benoit Aquin
Laurent McCutcheon
57 ans
Président de la Fondation de Gai Écoute, responsable de l’action sociopolitique à la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec.
Sa cause: la lutte pour les droits et libertés des gais et des lesbiennes
Parallèlement à une carrière en éducation et dans la haute fonction publique, Laurent McCutcheon est devenu un ardent défenseur de la cause homosexuelle. Depuis 20 ans, il s’implique activement dans plusieurs organismes: Gai Écoute (un service d’aide téléphonique anonyme et confidentiel), la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et des conjointes de même sexe, la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec, etc. Le président de la Fondation Émergence vit avec le même homme depuis 28 ans, un miltant également, «mais plus discret», dit-il.
D’où lui vient sa fibre militante? «J’ai été élevé à Thetford Mines dans les années 50-60. À l’époque, l’homosexualité était considérée comme un acte criminel au Canada. J’ai donc beaucoup souffert de solitude et d’isolement. Plus tard, en arrivant à Montréal, j’ai constaté que je n’étais pas seul au monde. Je me suis alors dit que si je pouvais faciliter la découverte de leur homosexualité à des jeunes des générations après la mienne, je rachèterais un peu le désarroi de ma jeunesse.»
Si, maintenant, il est plus facile de sortir du placard, curieusement, plusieurs gais et lesbiennes, même au centre-ville de Montréal, craignent encore de le faire. «Je ne pense pas que tout le monde doive vivre ouvertement son homosexualité. C’est un libre choix. Par contre, il me semble impossible de pouvoir s’épanouir totalement dans la vie en cachant son orientation sexuelle à sa famille, à ses amis et à ses collègues de travail. Cela signifie jouer la comédie ou mentir à des personnes très signifiantes dans notre vie.»
Trente ans après Stonewall, le coming-out est-il le nouveau cheval de bataille du militantisme gai? «Il reste encore quelques questionsreliées aux droits et à l’égalité. Mais le grand défi actuel, en effet, c’est de conscientiser les gais et les lesbiennes quant à l’importance de vivre ouvertement leur homosexualité. La deuxième priorité, c’est de sensibiliser le monde de l’éducation à la réalité homosexuelle. Car le milieu scolaire québécois n’a pas évolué au même rythme que le reste de la société. Cette réticence vient de la crainte de la réaction des parents; de l’inconfort par rapport à la "transmission" de l’homosexualité à leurs enfants – ce qui est de la pure science-fiction. Par conséquent, tout le milieu de l’éducation, du ministère aux écoles, n’ose pas bouger de peur de choquer les parents…»
Sa vision du militantisme
«Je pense que le militantisme gai ne doit pas s’identifier aux partis politiques ou à une idéologie de gauche ou de droite. Les militants gais doivent défendre leurs intérêts avant de s’associer à un parti ou d’essayer d’influencer le vote. L’idée, c’est de travailler en concertation avec les autres groupes sociaux et communautaires: le mouvement des femmes, les syndicats, les comités de défense des citoyens, etc. Ce n’est pas toujours facile. Il faut trouver des points communs entre nos intérêts et leurs causes. Mais des gais et des lesbiennes, il y en a dans toutes les sphères de la société. On ne doit donc pas se marginaliser ou s’isoler dans son petit coin, mais prendre la place qui nous revient dans la société.»
Les choses évoluent rapidement depuis dix ans. Êtes-vous optimiste? «J’ai commencé à militer avec l’ADGQ, un groupe de militants qui organisait des marches dans la rue Stanley qui attiraient à peine 200 personnes… L’été dernier, pendant la marche de la Fierté gaie, j’étais au square Berri avec le maire Pierre Bourque. Nous regardions la marée humaine qui avançait vers nous. J’avais la chair de poule et des larmes aux yeux…»
Centre d’écoute téléphonique et de renseignements des gais et des lesbiennes du Québec, Gai-Écoute: (Montréal) 866-0103,
(Régions) 1 888 505-1010,