M’as-tu vu?
Après la vie des gens riches et célèbres, c’est au tour du petit train-train de monsieur et madame Tout-le-monde de monopoliser le petit écran.
C’est la nouvelle recette miracle de la télévision, et elle s’inspire d’un des travers les plus détestables de la race humaine: le voyeurisme.
Au cours des prochains mois, les réseaux de télévision vous proposeront une multitude d’émissions basées sur le même concept: regarder vivre des gens comme vous et moi dans des conditions particulières, un peu comme des rats de laboratoire.
Dans Big Brother (début cet été sur CBS), dix personnes vont vivre entassées dans la même maison avec une quantité d’eau chaude limitée et juste assez de vivres pour subsister. Ils devront faire leur pain, partager la même toilette et s’endurer pendant trois mois, tout ça sous l’oeil scrutateur de vingt-huit caméras. Les téléspectateurs seront appelés à voter pour éliminer un à un les concurrents et le gagnant empochera 500 000 $.
Le concept est hollandais mais a été acheté par plusieurs télévisions européennes. L’expérience vient de prendre fin en Allemagne et a suscité des critiques mitigées. Il semble que ce soient les aventures amoureuses et sexuelles des concurrents (eh oui, les caméras à infrarouge filment dans le noir) qui excitent le plus les téléspectateurs. What’s new?
Ce n’est pas la seule émission du genre. Lundi soir dernier (21 h), The 1900 House débutait sur le réseau PBS. Diffusé en Angleterre l’an dernier sur Channel 4, ce feuilleton-vérité met en vedette une famille londonienne ordinaire ayant accepté de vivre trois mois dans une maison victorienne. Attention, on ne parle pas de la décoration mais bien de l’état de la demeure qui a été restaurée en respectant toutes les conditions de l’époque: chauffage au charbon, pas d’eau chaude, pas d’électricité. Le seul gadget électronique: les caméras, of course. Les filles de la famille ont même revêtu le corset, question de vivre pleinement l’expérience.
La famille Boler a été choisie parmi quatre cents familles concurrentes et, si l’on se fie au compte rendu des journaux, elle n’a pas trouvé l’expérience particulièrement jojo. C’est long, trois mois sans télévision!
Une expérience semblable se prépare dans l’Ouest canadien où deux couples s’apprêtent à vivre un an dans une cabine en bois rond pour le compte du canal History. Au moment d’écrire ces lignes, le projet était toutefois suspendu car un des concurrents a été accusé d’agression sexuelle.
Le Québec n’est pas en reste puisque, à compter de la prochaine saison, Télé-Québec va présenter Une famille comme les autres. Calquée sur Pignon sur rue, l’émission va nous inviter à regarder vivre une famille québécoise ordinaire.
Que diront les sociologues dans deux cents ans lorsqu’ils se pencheront sur notre époque? Sommes-nous tous des voyeurs et/ou des exhibitionnistes en puissance? Faut-il voir dans cette multiplication d’émissions-vérité l’influence de la webcam et des sites Internet où l’on peut voir Jessie, Linda ou Cindy évoluer 24 heures sur 24? Une chose est sûre, la télé s’intéresse de moins en moins à ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières, et de plus en plus à ce qui se passe à l’intérieur de nos nombrils. Déprimant.
L’agneau sacrifié
Scully gagnera-t-il un prix Gémeaux pour avoir contribué à faire connaître davantage le Réseau de l’information auprès du public canadien? Ou remportera-t-il un Masque pour sa performance de jeudi dernier alors qu’il annonçait son départ de la profession journalistique?
L’annonce de Scully, diffusée en direct sur RDI (rien de moins), n’était pas seulement exagérée. Elle était ridicule. Qu’est-il arrivé au bon vieux communiqué de presse? Sans doute trop banal pour Scully et son stratège en relations publiques, Luc Lavoie, de National, qui devrait penser sérieusement à une carrière de metteur en scène.
Et puis, qui savait que Robert-Guy Scully était considéré comme un journaliste par Radio-Canada? En quoi ses émisions étaient-elles plus journalistiques que les entrevues menées par Denise Bombardier, qui relèvent du secteur des variétés?
Toujours est-il que cette démission-spectacle n’en était pas une puisque Scully a bien précisé qu’il allait continuer à interviewer Laetitia Casta, Naomi Campbell et Cindy Crawford, car c’était son métier. Cherchez l’erreur.
La démission de Scully a permis à Radio-Canada de souffler un peu après une semaine riche en rebondissements dont l’autre événement marquant (pour ne pas dire surréaliste) fut l’entrevue de Stéphan Bureau avec son collègue Normand Lester et son patron Jean Pelletier.
Lester avait découvert que Les Minutes du Patrimoine de Scully étaient secrètement financées par Patrimoine Canada. Radio-Canada a fortement suggéré à son as reporter de lâcher l’os, ce qui n’a pas plu à Lester, qui n’a toujours pas digéré de s’être fait affecter aux nouvelles internationales de la fin de semaine. (Voici d’ailleurs ce qu’il a déclaré en entrevue à un journaliste de Voir Québec: «Selon ce que M. Pelletier dit, c’est une promotion que j’ai, alors à partir de maintenant je vais couvrir des choses intéressantes et très importantes sur le plan international comme faire des voix hors-champ lorsqu’un panda va naître au zoo de Pékin ou quand des girafes vont donner naissance à des quintuplés au zoo de Nairobi.»)
Ce qui est ressorti de l’entrevue? La frustration de Lester et le malaise de Jean Pelletier, directeur de la salle des nouvelles de Radio-Canada, qui n’a pas convaincu en affirmant que Les Minutes du Patrimoine étaient considérées comme de la publicité.
Depuis quelques jours, le Syndicat des journalistes de communications de Radio-Canada exige une enquête publique sur l’affaire Scully et ses ramifications. Y a-t-il des sujets sur lesquels les journalistes de Radio-Canada ne peuvent pas enquêter? demande entre autres le syndicat.
Si jamais cette enquête a lieu, il serait intéressant qu’elle aille un peu plus loin et qu’elle étudie éalement l’attitude des nombreux patrons de cette boîte, à qui on pourrait reprocher d’agir comme si Radio-Canada leur appartenait. Disons que la transparence ne semble pas être leur point fort. De l’extérieur, Radio-Canada donne souvent l’impression d’être le royaume de la cachotterie et du petit complot. Il serait temps qu’une enquête approfondie vienne dissiper cette perception. Ou la confirmer, sait-on jamais.
275-ALLO, 275-ADO
Je n’ai pas d’enfants en âge d’écouter la radio et pourtant, j’écoute 275-ALLO presque tous les jours. Vous connaissez peut-être le concept: les enfants (et les ados en deuxième demi-heure) téléphonent à l’animatrice Dominique Payette et posent des questions souvent délicieuses du genre: Comment devient-on intelligent? C’est toujours intéressant, et l’animatrice a cette grande qualité de ne pas être téteuse et condescendante avec les enfants (Michel Mongeau, un de ses prédécesseurs, était lui aussi excellent). Et il en faut du tact pour ne pas éclater de rire quand une petite fille de la Gaspésie vous dit qu’elle aime passer ses vacances à Montréal pour aller se promener au Club Price. Bref, c’est sans doute l’une des meilleures émissions de la Première Chaîne, et les deux dernières de la saison seront diffusées en direct d’iSci, le nouveau centre consacré aux sciences, et situé dans le Vieux-Montréal. À ne pas manquer, jeudi et vendredi soir de 19 h à 20 h. 95,1 FM.
Coup d’oeil
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Il n’y a pas que des reprises plattes à la télé cet été. Radio-Canada, qui ne diffuse pas de base-ball cette année (snif! snif!), consacre une heure par semaine aux documentaires canadiens. Cette semaine: Le Héros parfait, une enquête amusante sur l’industrie du roman Harlequin où l’on pourra voir une des dernières entrevues accordées par la reine du roman à l’eau de rose, Barbara Cartland, peu avant sa mort. Mercredi 21 juin à 21 h.