Société

Pour en finir avec les rétro-féministes : Solidarité 101

Piquée au vif, notre journaliste réagit ici aux propos de Christina Hoff Sommers. Pour GENEVIÈVE ST-GERMAIN, les hommes passeront par-dessus les bouleversements du féminisme, pour peu qu’ils acceptent de se questionner avec un minimum d’honnêteté. Et qu’ils manifestent le désir de vivre une vie plus épanouissante.

Pôvres ti-gars! Ainsi le mâle pré-pubère d’âge scolaire serait en voie de devenir le paria de la société de demain pour cause de féminisation intempestive. Pire encore, pour cause de grand complot idéologique orchestré par de vicieuses féministes radicales déterminées à moumounifier la planète, à éradiquer la «vraie» nature masculine, cette chose formidable garante des rapports entre les hommes et les femmes pour la suite du monde (sic). Imaginez le carnage!

Non mais. On peut toujours rigoler devant de telles élucubrations mais ce serait sans compter sur le fond crasse de misogynie à la base de nos civilisations et qui ne cesse de ressurgir sous toutes sortes de formes biscornues. Ce, étonnamment depuis les dernières années qui ont vu naître une nouvelle génération de féministes dites réalistes, toutes prêtes à monter aux barricades pour défendre l’homme de base, ce valeureux héros du quotidien, victime des excès d’un féminisme mal compris. Qu’on les appelle réalistes ou rétro-féministes, ces dames sont les plus virulentes à pourfendre ce qu’elles jugent être les aberrations de leurs consoeurs.

Dans le cas qui nous occupe, leurs contre-arguments sont particulièrement tordus: vouloir transformer le gars en fille, c’est le tuer. Ou la virilité n’est pas une maladie. Et encore, tous les hommes ne sont pas des prédateurs sexuels. Qui a dit le contraire? Qui a parlé de changer la nature de ces petites bêtes-là? Ultimement, ce que les féministes visent, c’est une modification des rapports de force et de pouvoir non équitables. Quand cela sera, pour de bon dans les sphères de l’intime et du social, elles ne seront sans doute plus là pour en discuter.

Mais revenons aux idées de base de nos rétro-féministes. Bien fol qui peut croire sérieusement que des siècles de culture dominante seront balayés par 30 petites années de féminisme mainstream. Bien sûr, il se trouvera toujours des radicaux pour promouvoir des idées limites. Mais transformer un épiphénomène en menace pour l’Amérique, voire l’humanité, cela s’appelle de la démagogie. Ce qui tue dans ce genre d’argumentation, c’est ce qui se cache sous les apparences objectives des faits vécus: le petit Jonathan accusé de harcèlement sexuel pour avoir manifesté quelque affection à une copine de classe, les bambins tenus de porter des robes pour régulariser leur niveau de testostérone, etc., etc. Christina Hoff Sommers et sa gang qui prétendent pourfendre les dérapages démagogiques dans l’histoire de Columbine High, par exemple, ne se gênent pas pour débusquer les manifestations les plus extrêmes de cette soi-disant nouvelle réalité pédagogique. Ce qu’on ressent aussi chez ces féminos tendance viragos, c’est un mépris profond envers les qualités dites féminines. Personne – et surtout pas les femmes – ne clame que toutes les femmes sont exemplaires. Les vertus dites féminines ne sont pas nécessairement plus valables que les attributs dits virils. Mais à la fin, on en a marre de se faire constamment resservir cette bouillie pour les chats. Compassion, générosité, combativité, courage, sensibilité sont, inutile de le souligner, des qualités partagées par certains individus des trois sexes.

Ce qui révolte également dans le propos de Hoff Sommers, c’est son acharnement envers la discrimination positive à l’égard des filles qui aurait, semble-t-il, laissé, les pôvres ti-gars sur le carreau: piètres résultats scolaires, décrochage et criminalité à gogo. Ça commence à bien faire. Oui, le féminisme a créé des bouleversements majeurs qui ont altéré la fibre sociale. Oui, beaucoup d’hommes et des pères de surcroît ont été déstabilisés. Mais ils s’en remettront pour peu qu’ils acceptent de se questionner avec un minimum d’honnêteté.

Des femmes se sont bien libérées de chaînes et de handicaps séculaires par la seule force de leur travail, de leur résilience, de leur persévérance, mais surtout par l’intensité de leur désir de vivre une vie plus épanouissante. Quand bien même on leur faciliterait un peu la vie pour quelques années, y a vraiment pas de quoi en faire une thèse.

Ce qui m’écoeure avant tout dans ce type de discours, c’est la condescendance, le mépris, la malhonnêteté de ces pseudo-intellos qui ne trouvent rien de mieux à faire que de se placer au-dessus de la mêlée. Plus révoltant encore, de toujours se placer du côté des hommes – alors que ceux-ci ne leur demandent rien – de manière à acquérir ou conserver quelque pouvoir.

Avant d’alarmer les populations sur le danger d’un système pédagogique en voie de réforme, elles feraient bien de se pencher sur l’apprentissage de la solidarité 101. Un crédit qui visiblement manque à leur cursus universitaire.