

Maurice Dantec : La peine de mort? Oui!
La peine de mort a-t-elle encore des partisans? Oui. L’écrivain MAURICE DANTEC prône sans gêne le recours à ce châtiment ultime, afin d’arracher les racines du Mal.
					
											Tommy Chouinard
																Photo : Benoit Aquin
																
																				
				
			Être en faveur de la peine de mort, c’est bien souvent se faire voir comme un extrémiste de droite fasciste ou un maniaque néonazi. Et pourtant… Maurice Dantec se fout des sobriquets acerbes et s’affiche ouvertement comme un partisan du châtiment ultime. Auteur des polars La Sirène rouge (1993), Les Racines du mal (1995) et Babylon Babies (1999), cet écrivain français dans la jeune quarantaine, installé à Montréal depuis trois ans, vient de publier Le Théâtre des opérations (Gallimard), un journal «métaphysique et polémique» dans lequel il écorche Voir («Petite crise d’eczéma, comme presque toujours, en lisant le Voir de cette semaine») et louange les bienfaits de la peine de mort. Pour cet auteur, cette peine semble… capitale.
  Selon vous, comment doit être appliquée la peine de  mort?
  La peine de mort devrait être employée pour punir les criminels  qui ont commis des fautes graves, des crimes que je dirais à  part des autres. Bien des criminels entrent dans cette  catégorie: les détracteurs qui ont réalisé des crimes contre  l’humanité et des crimes de guerre; les tueurs en série  sociopathes; les gangsters organisateurs d’assassinats et les  violeurs à répétition. Par exemple, d’après moi, les généraux  serbes qui ont ordonné la mort de centaines de Bosniaques et  les chefs de milice hutus responsables du génocide rwandais  devraient avoir droit à la potence.
  Au lieu d’être un geste humanitaire, l’abolition de la peine de  mort est un crime, un crime contre l’humanité : parce qu’elle  permet justement à des crimes contre l’humanité de s’exercer,  et à leurs auteurs de ne pas être punis à la hauteur de leurs  crimes.
  Pourquoi favorisez-vous la peine de mort alors qu’elle  est de plus en plus décriée?
  C’est une question de justice. Actuellement, ni ceux qui sont  pour ni ceux qui sont contre ont une bonne idée de ce qu’est la  justice. Selon la logique abolitionniste où se retrouvent les  gens opposés à la peine de mort, un individu qui a tué une  personne et un autre qui en a tué deux cents ont droit, à peu  de chose près, à la même peine d’emprisonnement. Visiblement,  ce n’est pas juste.
Dans la position maximaliste défendue par partisans de la peine de mort, George W. Bush en tête, il n’y a qu’une solution à l’homicide : la peine de mort. Ici encore, un individu qui a tué une personne et l’autre qui en a tué deux cents ont tous deux droit au même châtiment. Dans ces deux positions, il n’y a pas d’échelle de valeurs. On ne distingue pas le petit du gros criminel.
On ne peut plus admettre que le chef d’une organisation criminelle qui a deux cents morts sur la conscience soit mis sur un pied d’égalité et écope de la même peine que le criminel qui va tuer sa femme dans un moment de dinguerie. Je ne dis pas que ce dernier ne devrait pas être puni. Je dis qu’entre ce crime passionnel prémédité, mais unique, et l’assassinat en série parfaitement planifié, il y a des nuances à faire que la peine de mort pourrait clairement établir.
  Plusieurs considèrent toutefois que les peines  d’emprisonnement à vie suffisent…
  Je suis en partie d’accord. Toutefois, dans certains pays, ces  peines ne sont plus accordées. Mais même avec les peines  d’emprisonnement à vie, on ne parviendrait pas réellement à  faire la différence entre un tueur de deux personnes et celui  de deux cent mille lors d’une guerre. La seule façon de  rétablir une échelle de valeurs juste reste selon moi la peine  de mort. Quand tu commets des crimes horribles en série, tu  dois le payer de ta vie. C’est une bonne application de la loi  du talion, et j’y crois.
  Les partisans de la peine de mort sont souvent taxés  d’inhumanité et traités d’extrémistes de droite. Est-ce que  cette situation vous dérange?
  Je m’en contrefiche. Mais il est vrai qu’on ne peut plus  aujourd’hui défendre la peine de mort sans être traité de  redneck pro-fondamentaliste à tendance néonazie.  Arrêtons de dire que la peine de mort est inhumaine. Il s’agit  d’un meurtre légal que la société commet lorsqu’une personne  est allée beaucoup trop loin. Voilà.
  Les gens qui défendent le plus fort la peine de mort,  c’est-à-dire l’Alliance canadienne, le Front national, la  droite chrétienne américaine et les Républicains, n’aident pas  à faire accepter l’idée de la peine de mort. Ces icônes  projettent une image extrémiste. Il reste cependant que des  gens sains d’esprit sont en faveur de la peine de mort.
  Au Texas, c’est bien connu, on fait griller des  criminels comme on fait griller du steak. Ou presque. Il y a  des exécutions à la petite semaine, surtout de Noirs et de  pauvres. Et c’est sans compter les erreurs judiciaires qui ont  entraîné la condamnation à mort d’innocents. Ne trouvez-vous  pas que la peine de mort connaît trop de ratés pour être  acceptable?
  Oui, il y a trop de condamnations à mort au Texas, surtout chez  les Noirs. Et oui, il y a des erreurs, car l’application de la  peine de mort y est trop systématique. Cependant, cette façon  de faire à l’américaine est ridicule. Il est possible de créer  un système plus juste.
Par ailleurs, si la peine de mort était appliquée à de puissants criminels, comme je le prône, les preuves ne seraient jamais difficiles à établir et aucun innocent ne serait condamné. Les erreurs seraient en fait presque impossibles, car le massacre de plusieurs personnes laisse bien des preuves, non? Aujourd’hui, les tests d’ADN favorisent aussi l’application juste de la peine de mort.
  Pensez-vous qu’un discours comme le vôtre pourrait  vraiment renverser la tendance actuelle contre la peine de  mort?
  Je ne le sais pas, mais je l’espère. Il est toutefois difficile  de la faire accepter. Le problème actuellement, c’est que je  suis déchiré entre, d’un côté, dénoncer les condamnations à  mort faites par erreur et, de l’autre, prôner la peine capitale  juste et bien organisée. Et puis, les gens n’ont que le mauvais  exemple du Texas à l’esprit. C’est désolant.