Société

Droit de Cité : Brasse-kamarade

Comme disait Schopenhaueur: «Il va y avoir du schproum.»
Enfin, le chef de guerre des cols bleus de Montréal, Jean Lapierre, n’a pas dit ça comme ça, mais dans le vocabulaire propre à son personnage, c’est ce que ça voulait dire. Du brassage de m… cet automne dans le monde municipal.

Dimanche à Trois-Rivières, au Conseil national du PQ, ce n’était pas du schproum. C’était une manifestation pour la paix dans le monde et, au passage, pour vous sensibiliser, vous, le contribuable et bénéficiaire des bons et loyaux services des prolétaires du balai mécanique et du râteau, aux manoeuvres répugnantes de dé-syndicalisation de la crasse bourgeoisie. Et s’il y a eu du grabuge, il a été provoqué par la garde rapprochée (et armée de cocardes) du Kapital, probablement des sous-traitants non syndiqués, ou pire, des bénévoles.
Le schproum, c’est pour bientôt, septembre ou octobre, si le Kapital ne modifie pas la loi 124 et s’il modifie l’article 45 du code du travail. En attendant, attachez votre capine, préparez les sacs de sable et faites des provisions.

Pour le puissant syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal, et ses satellites de la banlieue, ces deux éléments sont une «atteinte à la démocratie (…) un contournement des commissions parlementaires, (…) l’équivalent du régime de Duplessis, de la loi du cadenas et de Stéphane Dion». C’est écrit en toutes lettres sur le tract qu’on leur a empêché de distribuer aux délégués du PQ.
Sacrament! Le goulag?

C.Q.F.D.
Malgré l’amusant discours marxoïde (peut-être même plus colbertiste: toi, le secteur privé, tu me donnes tous tes sacs d’or, ou bedon je te sacre la volée), il ne faut pas pour autant rejeter du revers du 2X4 les inquiétudes des syndiqués.

Car la réforme municipale, sous ses preux objectifs d’équité, de justice et de destin commun, cache un ardent désir d’en profiter au passage pour couper dans les dépenses. Rappelez-vous le virage ambulatoire.
Prenez la loi 124, tant honnie par les syndicats de cls bleus. Adoptée en toute fin de cession parlementaire au début de l’été, elle prévoit, en cas de regroupement de municipalités, la nomination d’un arbitre qui décrétera les conditions de travail de la nouvelle municipalité créée. Sans que cela n’augmente la masse salariale. Des conditions gelées pour les trois à cinq années qui suivront.

Et les modifications à l’article 45 du code du travail évoqué vaguement par la ministre Diane Lemieux permettraient plus facilement aux villes de sous-traiter avec le privé, et ses salariés non syndiqués, pas seulement sous-payés par rapport aux cols bleus, mais sous-payés, point.
Mais pour le moment, il ne s’agit que d’évocations. C’est-à-dire qu’on n’a pas encore vu le quart du bout de l’ombre d’une idée de ce que pourraient être ces modifications. S’il y a modifications.

D’aucuns considèrent les conditions de travail des cols bleus de Montréal comme des privilèges. En fait, c’est avec l’air ahuri de Béotiens découvrant la Rome antique qu’on prend connaissance de leurs conventions collectives: semaine de quatre jours payée pour cinq, des salaires de 30 % plus élevés que ceux d’emplois équivalents dans le privé, régime de pension robuste, sécurité d’emploi absolue.
Et puis après? Est-ce une tare dans notre société que d’avoir des conditions exemplaires. Pourquoi abolir ces avantages? Depuis quand le progrès passe-t-il par la régression?

C’est quoi le modèle? Tout le monde au salaire minimum?

Une île, un Lapierre
Est-ce que les événements de Trois-Rivières sont le présage de ce qui pourrait se produire dans «une île une ville»? Oui. Sans aucun doute.

C’est qu’en fusionnant toutes les villes de l’île, on fusionne aussi Jean Lapierre à toute l’île. Des vingt-neuf syndicats de cols bleus de l’île de Montréal, celui de la Ville de Montréal est le plus gros, le plus puissant. Ce ne sera pas celui de Sainte-Geneviève qui prendra le contrôle de la nouvelle unité syndicale, si vous voyez ce que je veux dire.

Des grèves sauvaes, un petit matin de verglas, comme il y a deux ans (une coïncidence, au dire de Jean Lapierre, qui s’en était tout de même bourré comme un glouton: «On a la nature de notre bord!» avait-il scandé, joyeusement), il va y en avoir. Et à la grandeur de l’île, désormais: de Sainte-Anne-de-Bellevue à Pointe-aux-Trembles.
Et cela, même si Jean Lapierre oublie que de déglacer les routes menant à nos bureaux et à nos usines nous permet de générer les impôts et taxes qui paieront son salaire.

Varation sur le thème de Yogi
Si vous vous réjouissez que ça sente la fin pour les Expos, pour de vrai cette fois-ci, rabrouez vos élans de joie. «Ce n’est pas fini tant que les hymnes nationaux ne sont pas chantés», a répondu le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Jean Fortier, au sujet de l’avenir des Expos à Montréal.

Sapristi! C’est Yogi qui se doit se retourner dans sa loge du Yankees Stadium, jaloux de ne pas y avoir pensé avant: non seulement ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini, mais ça ne peut pas l’être si ça n’a pas commencé!