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Aux chevets de Trudeau : Le camping des Pins
Mourra-t-il, mourra-t-il pas? Des journalistes campent littéralement devant la demeure de l’ex-premier ministre, attendant son dernier souffle. L’info continue dans toute sa splendeur…
Nathalie Collard
Les vacances sont bel et bien terminées, mais il semble que les journalistes ne les aient pas trouvées assez longues. Ils les ont donc étirées en allant camper avenue des Pins, devant la résidence de l’ancien premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau. Cette petite escapade improvisée avait toutefois un but: s’inquiéter de la santé chancelante de notre PET national qui, entouré de ses deux fils et de son ex-femme Margaret, vit des moments difficiles. Les fils ont publié un premier communiqué confirmant que leur père ne se portait pas très bien. Pourquoi? Parce que le téléphone avait déjà commencé à sonner et que la pression des médias devenait insistante.
Pendant les vingt-quatre heures qui ont suivi la publication de ce communiqué laconique, les animateurs, les lecteurs de nouvelles et les journalistes ont lu et relu ce bref texte sans se lasser. Ce qui a donné lieu à des conversations surréalistes, de ce genre: un lecteur de nouvelles lit le communiqué en ondes puis joint en direct un journaliste posté devant la résidence de Trudeau. "Alors, machin (je ne nomme personne car la situation était la même à chaque réseau), que se passe-t-il?
– Ben… euh… Comme vous l’avez lu sur le communiqué, les enfants ne feront pas d’autres déclarations.
– Ont-ils fait d’autres déclarations?
– Non.
– Bon, ben, vous restez là au cas où il se passerait quelque chose?
– Euh oui, je reste là au cas où…"
Le lendemain matin, le lecteur de nouvelles a commencé son bulletin ainsi: "Des journalistes ont passé la nuit devant la résidence de Pierre Elliott Trudeau!!!"
Les journalistes étaient eux-mêmes devenus la nouvelle. Sauf que leur présence ne nous a absolument rien appris, si ce n’est que monsieur Trudeau semble avoir des voisins charmants.
Tôt samedi matin, Margaret a fait ses valises et a tenté de s’échapper de la résidence Trudeau. Aah! Aaahhh! Pas si vite. Un reporter de TVA est sur place. Employant la technique de l’embuscade, il braque le micro et la caméra sous le nez de la pauvre femme qui, à moins d’être très impolie, n’avait pas d’autre choix que de répondre aux questions du journaliste. Ses réponses étaient évasives, mais on a compris que PET n’était pas encore mort et que ses fils étaient vraiment des garçons formidables. Quelques minutes plus tard, LCN annonçait son "entrevue exclusive" avec l’ex-femme du premier ministre. Il faut croire que nous ne donnons pas tous le même sens au mot "entrevue".
Pendant que Margaret Sinclair quittait Montréal, Stéphan Bureau, lui, y revenait. Craignant de manquer le bateau, Radio-Canada a fait revenir son chef d’antenne qui venait tout juste de poser le gros orteil sur le sol australien (car pendant que nous retenons notre souffle, le monde, lui, continue à tourner et se prépare aux prochains J.O. de Sydney). Trente heures d’avion pour se rendre en Australie. Trente heures pour revenir. Décidément, on y tenait…
Et moi qui croyais que Bernard Derome pouvait assumer l’animation d’émissions spéciales. En cas de décès, n’aurait-il pas pu prendre la relève de Bureau? Au pire, Bureau aurait pu annoncer la mort de PET en direct de l’Australie. Eh bien, il semble que non. En télévision, la logique et le gros bon sens ne sont plus des critères qui guident les décisions des dirigeants.
Toute cette affaire m’a donné une idée. Je fais ma demande auprès du CRTC pour un canal spécialisé. Il s’appellera La mort en direct. On y verra le mourant sur son lit de mort entouré des siens. Dans le bas de l’écran, un graphique nous informera de ses signes vitaux et un nouveau bulletin de santé sera diffusé à toutes les quinze minutes. Des spécialistes viendront commenter son état et on présentera des entrevues avec des personnes qui l’ont bien connu.
Le canal aura son site Web (www.lamort.com) où les gens pourront envoyer leurs mots d’encouragement et/ou de sympathie. Des hyperliens mèneront les internautes vers des sites décrivant le contexte historico-politico-économique dans lequel la personnalité en question a évolué. E-commerce oblige, on vendra des t-shirts et des tasses à son effigie. En ondes très bientôt, vous verrez.
Les fusions
Ils étaient une douzaine à camper devant la résidence de Pierre Elliott Trudeau. Dans quelques années, ils seront beaucoup moins: un journaliste de Radio-Canada, quelques scribes de la presse écrite et un représentant de Quebecor Média qui recueillera l’information pour Le Journal de Montréal, TVA, Canoë, Le Journal de Québec, Dernière Heure, 7 Jours, etc., etc.
Si George Orwell publiait 1984 aujourd’hui, c’est sans doute le visage de Pierre-Karl Péladeau qui ornerait la couverture du roman. Il y a quelques mois, John Miller, directeur du programme de presse écrite à l’Université Ryerson, déclarait dans le Globe and Mail qu’il serait peut-être temps de permettre la propriété étrangère des médias au Canada. "Après tout, remarquait-il, l’éditeur du New York Times est-il un plus mauvais éditeur que Conrad Black ou Pierre-Karl Péladeau?" Une saga qui est loin d’être terminée.
L’Emploi du temps
Un employeur doit-il être loyal envers ses employés? Peut-on traiter des êtres humains comme de la marchandise? Faut-il croire nos chefs d’entreprises lorsqu’ils justifient leurs gestes en invoquant la concurrence? À quel montant peut-on dire que quelqu’un a fait assez d’argent? Qu’est-ce que le travail? Voilà des questions qu’on ne posera jamais à Who Wants to Be a Millionnaire? mais qui valent la peine d’être débattues.
Avec L’Emploi du temps, la réalisatrice Carole Poliquin poursuit sa réflexion sur les transformations de notre système économique et les nouvelles valeurs de notre société.
Ses intervenants sont tous intéressants. Dominique Meda, auteure d’un livre sur la richesse, croit qu’un groupe de personnes (un conseil d’administration, des actionnaires) n’a pas le droit de déterminer les conditions de vie d’un ensemble de personnes. Cela va à l’encontre des règles de la démocratie.
Yves Michaud (notre Robin des banques) affirme que c’est un conseil d’administration dans un "état d’ébriété économique avancé" qui a voté un salaire de dix-sept millions de dollars à Jean Monty, président de BCE. Le même Jean Monty qui a vendu ses téléphonistes à une compagnie américaine.
La thèse n’est pas nouvelle mais elle est plus que jamais d’actualité et fournira de belles pistes de réflexion, en particulier pour les employés de TQS, TVA et Vidéotron, qui risquent de traverser une zone de turbulences au cours des prochaines semaines. À voir, jeudi 14 septembre, à 20 h. Télé-Québec.
L’Effet Dussault
Depuis la semaine dernière, à 22 h 30, je laisse Le Téléjournal pour aller voir ailleurs… À Télé-Québec, pour voir quels sont les sujets discutés à L’Effet Dussault. Chaque fois que je l’ai fait, j’y suis restée. La première semaine de l’émission quotidienne animée par Anne-Marie Dussault a été très convaincante. Parmi les bonnes entrevues réalisées par l’animatrice: la discussion passionnante sur les pédophiles avec le psychiatre Jocelyn Aubut; les propos d’un sociologue sur les motards, et le regard très critique d’un pédopsychiatre de l’hôpital Sainte-Justine sur les garderies ouvertes toute la nuit.
Voilà une façon intéressante de traiter l’actualité sans pour autant être collé sur la nouvelle. L’Effet Dussault va-t-il secouer les puces de l’équipe du Point? C’est à surveiller. Du lundi au jeudi, 22 h 30. Télé-Québec.