Lorsque j’ai vu la convocation sortir sur le fil de presse, j’ai protesté: "Ah! non, pas de ça ici!" Elle nous conviait à faire "le point sur les plus récentes incendies: Monsieur Gerry Weiner, membre du comité exécutif et responsable du Service des incendies fera part des orientations de ce service en regard des récentes tragiques incendies" (sic).
J’ai imprimé la convocation, et lu le texte dans un miroir, et là j’ai fini par tout saisir: il y a un fin connaisseur de l’oeuvre d’Uderzo au cabinet du comité exécutif, et qui était, au moment où il a écrit ces lignes, largement inspiré par Astérix chez les Bretons: "Oh! Un romaine légion…"
Mais j’ai surtout compris qu’on allait nous servir de la dramatisation-spectacle à des fins bassement politiques, de la véritable chiure d’intrigant.
Les "récentes tragiques incendies" dont nous parlait la convocation n’étaient pas du ressort de la Ville de Montréal ou des orientations du Service des incendies de la Ville.
L’un s’est produit à LaSalle le week-end de la Fête du travail, l’autre à Anjou, dimanche dernier. Le premier a mis à la rue une population de trois cents personnes. Plus d’une centaine de familles ont tout perdu, à ce point que les premiers effets offerts par les organisations de secours aux sinistrés étaient des brosses à dents. Quand on ne vaut même plus le prix d’une brosse à dents dans une société mue par les miracles de la vertisserie de Marie-Josée Mondoux, on est l’exclu parmi les exclus. Le second incendie, la fin de semaine dernière à Anjou, était tout aussi dévastateur et a jeté sur le pavé une soixantaine de personnes.
Dans les deux cas, les équipes d’urgence et les pompiers ont fait ce qu’ils avaient à faire, avec les moyens dont ils disposaient: sauver les gens d’abord. Le reste, c’est-à-dire combattre le feu, est venu après. De toute façon, tout avait déjà flambé.
Les deux drames ont eu lieu en dehors des limites de la ville; les pompiers de Montréal n’ont servi qu’en appui technique aux pompiers des deux villes respectives.
Alors, pourquoi nous le claironner? On l’a entendu venir comme un camion de pompiers dans un monastère. L’administration Bourque, dans toute son inélégance habituelle, a choisi de tirer profit des braises encore fumantes et de la commotion encore palpable dans les deux communautés pour promouvoir son île dans une ville. "Ah! Si vous étiez croyants, mes pauvres païens, disait-on aux banlieusards éprouvés, le Ciel de Montréal vous aurait protégés des flammes de l’Enfer."
L’administration du maire Bourque n’a pas tort dans son argumentation. C’est même vérifié scientifiquement: avec des services de protection contre les incendies plus imposants et mieux équipés, comme ceux dont jouissent les Montréalais, on sauve à la fois les gens et les biens. Pas de dilemme entre la bourse ou la vie comme à LaSalle ou à Anjou. Et c’est tout aussi convenu que c’est le fouillis dans le système de protection contre les incendies de l’île. Par exemple, les pompiers de la caserne de la ville de Côte-Saint-Luc, boulevard Cavendish, sont réduits à faire les badauds quand un incendie se déclare de l’autre côté de la rue, situé dans les limites de la ville de Montréal.
Mais quand même, capitaliser sur la misère des victimes pour mousser son dogme, quand on sait qu’une très grande majorité des résidants des villes concernées s’objectent vivement à toute forme de fusion avec Montréal, donc forcément certaines des victimes… c’est jouer les lutins.
Le rappel était d’autant plus inutile que tout le monde le sait qu’on s’en va inévitablement vers un seul service de pompiers pour toute l’île, la volonté politique à ce sujet ayant déjà été exprimée avec conviction. L’unification des services de pompiers sera chose faite dans moins d’un an, j’y mettrais ma main au feu, si j’ose dire. Personne n’a à être convaincu de ce gros bon sens. Sauf quelques maires qui ne pèsent plus très lourd dans la balance de toute façon.
Ce n’était pas le moment de servir une leçon. Seulement de démontrer de la compassion.
Dégel de l’automne
Les villes tirent le gros de leurs revenus des taxes sur les immeubles. Or, sur l’île de Montréal, leur valeur est surévaluée en moyenne de 15 % depuis une dizaine d’années. Moins pour les propriétés résidentielles, et un peu plus pour les immeubles commerciaux et industriels.
Un jour, il faudra bien que l’évaluateur enlève ses verres grossissants, et qu’il retranche ce trop-plein de valeur. Le dégel de l’évaluation foncière aura pour résultat de créer un manque à gagner de peut-être cent cinquante millions de dollars, seulement pour la Ville de Montréal. Un cratère!
Ce jour, il est venu. Au moment de la tombée du journal, mardi, le dépôt du nouveau rôle d’évaluation, pour les trois prochaines années, n’avait pas encore eu lieu. Mais on dit déjà que ce sera une révolution.
À suivre. Et ce sera passionnant comme un combat de gladiateurs. Je vous le jure!