Société

Droit de cité : Vivement l’éclipse

Ce devait être l’événement du jour, celui qui aurait alimenté la machine pour le reste de la semaine: la réplique du maire Bourque au véritable coup de lessive que son administration a essuyé devant la Commission municipale.
Dix cadres faussement accusés dans l’affaire des vignettes de stationnement y avaient contesté leur congédiement. La Commission leur a donné raison. Et de façon cinglante (c’est un euphémisme. Le maire se devait donc de répondre.
Tout le petit monde de la presse municipale était sur place. Même Pierre Bruneau y était. Quand le chef d’antenne se déplace, c’est que c’est grave (demandez-le à Stéphan Bureau!).
Pierre Bourque ne se défendait pas très bien. Le crounch-crounch qu’on entendait était le bruit que faisaient les os du maire sous les dents acérées des journalistes affamés. "Au moins, le scandale est terminé, plaidait-il.

-Mais ça aura coûté deux millions de dollars aux contribuables, et dix carrières ont été brisées, non?

-Ça aurait coûté beaucoup plus cher si le système avait continué.

-Êtes-vous en train de dire que c’était le prix à payer?

-Non, non, ce n’est pas ce que j’ai dit.

-Allez-vous vous excuser officiellement auprès des dix cadres?

-Bien… euh… Ne pas contester la décision de la Commission est déjà une forme d’excuse.

-Mais les décisions de la Commission sont sans appel!"

À la même heure, cependant, Michel Auger était abattu dans le stationnement du Journal de Montréal. Un plus gros événement a aspiré toute l’attention des médias. Éclipse totale sur Pierre Bourque. Voilà que le crime organisé se faisait l’allié objectif du maire.

En plus de réengager les dix déchus, la Ville devra leur verser 1,8 million de dollars en salaire perdu et en frais d’avocats.

La Commission municipale parle de décision précipitée, non motivée, déraisonnable et abusive. Selon elle, aucune preuve n’a permis de relier les cadres au système frauduleux. On évoque une preuve montée sur du ouï-dire… Elle doute même de l’existence dudit système.
Pour la Commission, l’enquête menée par les hauts fonctionnaires et proches du maire Bourque, Johanne Falcon et Michel Brosseau, sur laquelle la Ville s’est appuyée pour congédier les cadres, rappelait ni plus ni moins l’Inquisition.

Malgré tout, ces deux fonctionnaires ne seront pas congédiés. "On ne congédie pas quelqu’un sur un épisode de sa carrière", nous a confié le directeur général de la Ville, Guy Coulombe.

C’est pourtant ce qui est arrivé aux dix cadres aux dossiers jusque-là irréprochables. Pour assouvir l’instinct de survie du régime, on leur a fait vivre, en temps réel, l’anthologie de Kafka: Le Château, Le Procès, La Colonie pénitentiaire, quasiment La Métamorphose.
Tout ça pour pas grand-chose. Le scandale des vignettes était un péché mignon: des petits privilèges de parking dans une ville anarchique de toute façon dans ce domaine. Il n’était pas question de l’Irangate, même pas du Zippergate.

La motivation derrière le scandale est cependant plus troublante, à savoir que les représentants de la loi, voire le législateur lui-même (des conseillers municipaux en ont profité), pouvaient se placer au-dessus des lois.

Pendant ce temps, ceux qui sont vraisemblablement responsables de tout le système, des policiers du SPCUM, n’ont subi aucune sanction.

La procédure suit son cours, nous assure la police. C’est ce qui nous inquiète.

Tous à Disneyworld!Voilà, depuis mardi, toutes les cartes sont sur la table. Il y a quelques semaines, le comité Bernard, mandaté par Québec sur la réorganisation administrative de la région montréalaise, suggérait la création d’une structure à la parisienne, c’est-à-dire une ville avec des mairies d’arrondissements.
Lundi, la banlieue suggérait plutôt une île et trente-huit villes, sous l’égide d’une puissante communauté urbaine. Et mardi après-midi, le maire Bourque a étayé son projet: une, une ville, divisée en neuf arrondissements. La finale débute.

Alors, que feront les Montréalais après le match? Ils iront tous à Disneyworld! C’est la promesse de chacun des clans.

Pour les maires de la banlieue, nous irons tous à Disneyworld, chacun dans son auto (avec des possibilités de covoiturage) et, une fois là-bas, chacun aura son billet. Les riches feront le tour des manèges, alors que les pauvres se contenteront de manger de la barbe à papa.
Pour le maire Bourque, nous irons tous à Disneyworld, tout le monde dans le même bus, et là-bas, on fera tout en groupe, chansons de ralliement incluses.

Et pour la solution du comité Bernard, on part ensemble dans l’autocar, on achète nos billets en groupe, et après, c’est chacun pour soi.

R.I.P.>
Lors du dépôt du nouveau rôle d’évaluation, la semaine dernière, on apprenait que la valeur des résidences du Plateau avait bondi de 30 %, pendant qu’ailleurs sur l’île, elle diminuait en général.

Avec une hausse de plus de 30 % de la valeur de ses maisons, c’est ni plus ni moins la vraie fin du Plateau, celle qu’on appréhendait, avec les hausses du prix des maisons, des taxes, et, par conséquent, de ses loyers.

Depuis la semaine dernière, l’idée d’un Plateau pluriel, qu’on a souvent défendue bec et ongles dans ces pages, est morte. Snif.