Mesdames, messieurs, bienvenue sous les sunlights de l’opéra comique.
Résumé du premier acte:
Attilallier le terrible conquérant aux dents longues a fait sinistre association avec Harel-Langue-de-Bois et Landry-la-Mitraille, deux âmes damnées du roi de Nouvelle-France, afin de s’emparer de La Banlieue au trésor. Cet îlot de richesse dans une mer de pauvreté, sur lequel règne sans conteste la cruelle Dédée-la-Mairesse, dissimule dans ses coffres le lourd tribut en argent sonnant prélevé chaque année sur Place Sainte-Foye et Place Laurier.
Après avoir sans succès croisé le fer au large des côtes de la capitale nationale avec les puissantes forces de la fusion, Dédée-la-Mairesse s’est réfugiée dans l’hostel de ville. Du haut du beffroi elle harangue ses vassaux en des termes qui rappellent autant L’Internationale socialiste que le chef Abraracourcix: «… Oui au combat qui nous mènera à la victoire finale.»
Au début du second acte, une sinistre musique résonne… Tous lèvent la tête au ciel.
Qu’est-ce donc que ce ding-dingue-dong?
Pourquoi la cloche fantôme de l’ancienne cathédrale de la rue de l’Église sonne-t-elle dans la brume près de l’ancien quartier des cours à bois?
Pour marquer la fin des hostilités au Timor Oriental? La panne de micro de Marc Labrèche? Le mariage de la grande fille de Brian Mulroney? La rentrée parlementaire de Stockwell Day?
Non, ding-dingue-dong, c’est la mairesse qui pète un plomb.
«Citoyens de Sainte-Foye, entendez-vous le glas qui sonne… Les fusions forcées vont anéantir votre milieu de vie», clame la mairesse.
Aaaaargh!
À ces mots la foule ne contenant plus son angoisse jette tous ses avoirs sur charettes à bungalow et se précipite sur les routes de Nouvelle-France afin de fuir la dévastation qu’Attilallier laisse dans son sillage.
Résonnez, cloches des villes et villages de banlieue, c’est l’apocalypse! Déjà les plus faibles, de Charlesbourg à Valcartier, sont visés.
En s’engloutissant dans la multitude de la capitale, nos fiers Fidéens vont perdre leur identité, car nul n’en doute, dans le sillage de ses conquêtes économiques, Attilallier s’emparera vite fait du marché aux puces. Et la célèbre sculpture abstraite nommée La Tank à eau ne tardera pas à rejoindre la pinte de lait de Reynaud, Place de Paris, parmi les trophées de guerre des conquérants.
La télévision en circuit fermé du Lustre d’or, les lits d’eau du Motel de l’Oncle Sam, et les décorations rococo du Colibri, relais obligé du motoneigiste, ne seront plus que souvenirs de la gloire perdue de Sainte-Foye, et même les rendez-vous coquins du midi sur la main, dans le coin du motel Habitation, n’auront plus le même charme désuet.
Lorsque le boulevard Hamel sera devenu boulevard Larose, c’est une partie de nous-mêmes qui s’en ira avec le tout à l’égout jusqu’au fleuve, sans passer par l’usine de filtration.
Acte trois, suite et fin.
Malgré toutes ces menaces, Dédée-la-Mairesse refuse de pactiser avec le Diable. Craignant à l’instar de Marie-Antoinette la loi guillotine, Dédée s’exile de l’autre bord du bord du monde chez les fédéralisses d’où, forte de 8 000 signatures, elle poursuivra la longue guerre des registres.
De l’hostel de ville elle fera son bureau de comté à moins que le crime organisé ou Céline ne l’acquière comme résidence secondaire. Enfin la modernité règnera pour 100 ans, jusqu’à ce que la mode soit au défusionnement.
Semer la peur, crier au loup, chercher vengeance, encourager l’orgueil et l’égoïsme, et finalement faire passer affaire d’argent pour histoire de coeur, avant d’abandonner trop peu trop tard des morceaux de son royaume illusoire…
Que conclure de cette histoire? Que la fusion municipale est une faribole bien dérisoire.