Médias : Tag: coeurs sensibles, s'abstenir
Société

Médias : Tag: coeurs sensibles, s’abstenir

Les Olympiques achèvent (ce n’est pas trop tôt) et la programmation régulière de Radio-Canada va enfin prendre l’antenne. Parmi les émissions que vous devez absolument regarder cette année, il y a Tag, la dernière oeuvre du tandem Pierre Houle-Francine Forest, le réalisateur et la productrice d’Omertà .

Tag arrive après la série 2 frères (dont on verra la suite sur TVA dans quelques semaines) qui décrivait avec beaucoup de justesse les débuts de la délinquance et ce qui pouvait pousser un jeune à joindre un gang.

Tag est différent, encore plus dur. La série plonge au coeur du problème des gangs de rue et raconte l’histoire de jeunes qui sont déjà pris jusqu’au cou dans l’engrenage de la violence.

Tag, c’est Eduardo Lasquez, un jeune Latino de dix-sept ans, chef des Perros Locos. Avec sa bande, il commet des vols de voiture et des vols de dépanneur mais, au fond, il rêve de porter une arme et de passer dans les ligues majeures aux côtés de son cousin, un vrai bandit.

Tag n’est pas unidimensionnel. Il a des sentiments comme tous les adolescents de son âge. Il est amoureux de Stéphanie, une jeune fille issue d’un milieu aisé qui souffre du mal de vivre et qui s’enfuit sans cesse du centre d’accueil où ses parents, à bout de ressources, l’ont placée.

Tag est aussi le grand frère spirituel du jeune Kevin, un beau cas de DPJ. Kevin vit dans un petit appartement avec sa mère, sa soeur et son frère. C’est sur ses jeunes épaules que repose la sécurité de la famille car sa mère est une irresponsable de première qui ne veut toutefois pas se séparer de ses enfants. Autour d’eux gravite une bande de jeunes squatteurs tout droit sortis de la place Émilie-Gamelin. Des jeunes attachants et extra lucides dont les observations font parfois sourire. Et, croyez-moi, on ne sourit pas souvent en regardant cette série.

Dans les trois premiers épisodes de Tag, le téléspectateur est invité à pénétrer l’univers de ces jeunes. Puis, à la suite d’un événement dramatique, la série bascule dans la réalité crue et glauque des cours de justice avec sa brochette de travailleurs sociaux, d’éducateurs, de juges et d’avocats qui essaient tant bien que mal de faire leur travail.

Il y a aussi une part de rêve dans Tag. Le jeune Kevin, dans des situations critiques, s’enfuit dans un monde imaginaire et voit apparaître des troupeaux d’éléphants. Un pédopsychiatre vous dirait que Kevin est un enfant borderline, et que ses hallucinations le réconfortent. Transposé à la télévision, c’est un peu déroutant. On embarque ou pas. Personnellement, j’ai trouvé que c’était plutôt bien fait.

L’auteure de Tag, la scénariste Joanne Arseneau, a consacré deux mois à la recherche avant d’écrire une seule ligne. "Je suis allée m’asseoir au Tribunal de la Jeunesse et je dois dire que la réalité que j’ai vue est assez cruelle. Il y a des cas épouvantables que je n’aurais même pas pu raconter à la télévision."

Joanne Arseneau a également passé du temps dans les métros et dans la rue, à la rencontre de jeunes qui lui ont parfois raconté leur histoire. La scénariste en a vu de toutes les couleurs. "J’ai rencontré des gars très agressifs, mais ce sont surtout les filles qui m’ont bouleversée. Elles brisent le coeur. Il y a d’autres jeunes qui font peur et on se demande s’ils sont réhabilitables tellement ils sont pockés."

L’équipe de Tag (qui compte également Luc Dionne à titre de collaborateur au scénario) dit ne pas avoir voulu porter de jugement sur les personnages et les situations. "Ce n’est pas une série moralisatrice", ont déclaré ses créateurs en conférence de presse. Il reste que les adultes sont loin d’avoir le beau rôle et qu’on porte un certain jugement de valeur sur les parents: la bénéficiaire de la sécurité sociale ne veut pas se séparer de ses trois enfants alors que les parents aisés, eux, placent leur fille dans un centre d’accueil. Mais bon, c’est un détail. Car pour le reste, Tag est une série magistrale, interprétée par d’excellents comédiens.

Mais Tag est avant tout une série engagée, un terme très employé ces temps-ci. On ne peut plus rester indifférent face à certaines situations dans notre société et voici que la télévision, à son tour, prend position par le biais d’une fiction. Alors qu’Omertà nous décrivait l’univers un peu lointain et inaccessible de la mafia et du crime organisé, Tag dépeint une réalité très proche de nous.

La façon dont nous traitons les jeunes au Québec est honteuse. Je ne sais quelle sera la réaction des téléspectateurs mais il est impensable de croire qu’une société puisse regarder un portrait aussi dur sans réagir. Tag est une sonnette d’alarme qui ne peut que susciter débats et discussions.

Mexico: à la vie comme à la mort
On décrit Mexico comme étant une ville monstrueuse, exubérante et dynamique. Elle est sur le même continent que nous mais nous la connaissons très peu malgré le fait que ce soit la plus grande ville du monde (vingt-cinq millions d’habitants!). Inutile de dire que les problèmes auxquels font face ses habitants (les chilangos) sont démesurés à côté de l’angoisse de certains Montréalais face au projet "une île, une ville".

Au-delà des statistiques effroyables sur la criminalité, Mexico, comme toutes les villes visitées par l’équipe de cinéastes de Macumba International, est d’abord habitée par des personnages. Et ce sont ces gens fascinants qui nous font découvrir les différentes facettes de cette ville qui a rencontré son véritable destin au lendemain d’un terrible tremblement de terre. Parmi les Mexicains interviewés par la journaliste Raymonde Provencher, Angel Sanchez est sans doute le plus touchant. Il raconte qu’un jour, son père l’a battu puis lui a offert ce choix: "Si tu souffres trop, je te tue." Sanchez dit: "J’ai été lâche, j’aurais dû accepter, car vivre dans la rue, c’est pire que la mort…" Sanchez s’en est miraculeusement sorti et aujourd’hui, il est ingénieur. Son histoire est un peu à l’image de l’évolution de Mexico qui, malgré ses blessures, affiche tout de même un certain optimisme.

Jeudi 28 septembre, 20 h. Télé-Québec.

Nouvelles américaines
* Pendant qu’au Canada on coupe l’herbe sous le pied de la relève en fermant le studio Culture et expérimentations de l’ONF, aux États-Unis, on se creuse les méninges pour attirer de nouveaux talents.

* Vue récemment dans le magazine Entertainment Weekly, une page de publicité annonçant le plus récent projet du tandem chéri de Hollywood, Ben Affleck et Matt Damon: www.projectgreenlight.com.

Greenlight (un concours réservé aux citoyens américains) permettra à un scénariste en herbe de faire partie des ligues majeures, SANS passer par un agent ni être obligé de lécher les bottes d’un gros producteur. Les règles sont simples: on envoie son scénario par courrier électronique (il faut une certaine dose de confiance) et on espère être choisi. Le gagnant (ou la gagnante) pourra réaliser un long métrage qui sera produit par Affleck et Damon et sera distribué par Miramax. Reality TV oblige, la chaîne câblée HBO tournera une série sur toute l’expérience. Qui dit mieux?

Selon le tabloïd new-yorkais New York Post, les producteurs de l’excellente série Law and Order auraient rencontré des représentants du magazine Entertainment Weekly et de Time Warner afin de discuter de la publication éventuelle d’un magazine qui porterait également le nom Law and Order. Il s’agirait d’un mensuel qui traiterait de crimes réels et de procès, à la manière de la série, c’est-à-dire sans embellir ou encenser la violence et les criminels. On a eu des sitcoms qui ont accouché de films, et des films qui ont accouché de sitcoms: voici la première série qui accouchera d’un magazine. On n’arrête pas le progrès.