Médias : La Belle Province
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Médias : La Belle Province

Attachez votre ceinture! Après Canada by Night et Mourir en France, les documentaristes Carl Leblanc et Luc Cyr (Ad Hoc Films) sont de retour avec un sujet on ne peut plus brûlant d’actualité: la mort de Pierre Laporte.

Trois semaines après le décès de l’ancien premier ministre du Canada, un événement hyper médiatisé au cours duquel les hommages ont presque toujours omis d’aborder les moments moins glorieux de la carrière de PET, les deux documentaristes s’attaquent à ce qu’ils décrivent eux-mêmes comme "l’un des secrets les mieux gardés de l’histoire du Québec".

À partir d’archives sonores et visuelles et de nombreuses entrevues, Leblanc et Cyr revisitent la journée du 17 octobre 1970, et tentent de démonter la mécanique mise en marche à l’époque pour sauver la vie du ministre du Travail sous le gouvernement Bourassa.

Au moment d’écrire ces lignes, je n’ai pas encore vu La Belle Province, qui est toujours en salle de montage. Je me suis donc entretenue avec Carl Leblanc afin qu’il me parle du film et de sa méthode de travail.

Cyr et Leblanc ont la réputation d’être des minutieux, des maniaques de l’exactitude. Si vous avez vu leurs films, vous connaissez sans doute leur approche qui consiste à prendre un événement et à le décortiquer jusqu’à sa plus simple expression. "Nous voulons clarifier les choses", explique Leblanc.

Pour La Belle Province (un titre très ironique, pour ne pas dire cynique, qui évoque entre autres la plaque d’immatriculation de la voiture devenue le tombeau de Laporte), Leblanc et Cyr ont travaillé durant un an avec leur petite équipe composée du recherchiste Alain Charbonneau, du monteur Stanley Brown ("qui sera sans doute canonisé à la fin de ce projet") et de l’infographiste Bashir Bensadek. Une équipe réduite, donc, qui a fouillé des centaines de documents d’archives à la recherche de la précision et de l’exactitude. "Nous avions du matériel pour faire deux heures et il y aura sans doute un director’s cut et, qui sait, un récit du tournage tellement ce fut une aventure extraordinaire."

Dans leur film, Leblanc et Cyr déboulonnent plusieurs mythes dont celui, persistant, qui voudrait que Trudeau se soit fait une joie de promulguer la Loi des mesures de guerre. Qu’est-ce qui se cachait derrière le "Just watch me" frondeur du premier ministre ? "Les procès-verbaux montrent bien que Trudeau et son cabinet ont longtemps hésité avant de prendre leur décision, explique Leblanc. On a surestimé Trudeau dans cette affaire. Au fond, Bourassa était un dirigeant beaucoup plus machiavélique qui savait davantage ce qu’il faisait."

Deuxième mythe: le lien immédiat que la majorité des Québécois établissent entre l’armée et la Loi des mesures de guerre. "Trente ans plus tard, les gens ne savent toujours pas que cette loi donne les pleins pouvoirs à la police et au gouvernement provincial. Ce n’est pas l’armée qui arrêtait les gens, c’était la police…"

Parmi les archives inédites ou peu connues du public, on verra Pierre Laporte jouant au ballon devant sa résidence de la rue Robitaille à Saint-Lambert; et on verra Michel Chartrand déclarant à la foule que là où il est, "le ministre du chômage et de l’assimilation ne fait de mal à personne…" Quant à la mort même du ministre, il planera toujours un mystère autour de l’événement. "Si c’est un accident, la mort de Laporte perd toute signification politique. Les protagonistes préfèrent donc laisser croire à un meurtre. Mais la réalité est beaucoup plus nuancée que cela. Il peut s’agir d’un meurtre non prémédité exécuté par un kidnappeur à bout de nerfs…", lance Leblanc.

Il semble que les témoignages de nombreux protagonistes reliés à l’affaire confirment cette thèse. Francis Simard, lui, a refusé d’être interviewé par Cyr et Leblanc, mais des extraits sonores d’une entrevue accordée à TVA en 1990 ont été insérés dans le film. Deus sources différentes ont également résumé à Leblanc une conversation ayant eu lieu en prison entre Jacques Rose et son avocat Robert Lemieux. Rose aurait été dans tous ses états, visiblement en colère contre Laporte, hors de lui face à la tournure des événements. Comme Leblanc n’a pas réussi à mettre la main sur l’enregistrement, il a préféré ne pas y faire allusion dans le film. "On ne veut pas évoquer quelque chose qu’on n’a pas. Ça demanderait que les gens nous croient sur parole alors que notre travail consiste à montrer, à expliquer les choses."

Autre trouvaille des deux cinéastes: des extraits sonores du reportage de Michel St-Louis, actuel patron de RDI alors journaliste à CKAC, qui décrit l’ouverture du coffre de l’auto dans lequel on a retrouvé Laporte.

Le film se termine sur un extrait de bulletin de nouvelles de la CBC dans lequel un lecteur annonce… la mort de James Cross! "Ce fut le pire moment de toute ma captivité", témoigne Cross, qui a regardé, impuissant, le bulletin de nouvelles.

Au total, Cyr et Leblanc ont interviewé vingt-quatre personnes, dont Jean-René Gagnon, chef de cabinet de Laporte, qui était présent aux côtés de madame Laporte lorsqu’elle apprit la mort de son mari. On entendra aussi Jacques Lanctôt, Robert Lemieux, avocat du FLQ, et Robert Demers, négociateur en chef du gouvernement Bourassa, qui accepte pour la première fois de parler publiquement des événements.

"Nous voulons donner aux gens le matériau de leur histoire, explique Leblanc. À eux de construire leur propre jugement. Nous ne voulons pas les prendre par la main."

La Belle Province est sans aucun doute un document à voir, à revoir, à conserver et à discuter. Étant donné la richesse des archives, on pourrait également le présenter dans les écoles plutôt que de montrer Octobre aux élèves du secondaire. Le film de Pierre Falardeau est une belle fiction qui a sans doute sa place dans les cours de cinéma, pas dans les cours d’histoire. La Belle Province, mercredi 18 octobre à 20 h à Télé-Québec.

La fin de (Stéphane) Laporte?
"L’effet Laporte n’existe plus." Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Pierre Arthur, de la firme Optimédia. L’homme serait-il un devin? En effet, cette déclaration remonte à l’été dernier. On pouvait la lire dans le numéro de juillet d’Infopresse, alors que le magazine demandait à plusieurs spécialistes en médias d’évaluer la nouvelle grille télé 2000-2001. Aujourd’hui, la planète Laporte traverse une grosse dépression. Paul Houde a quitté Les Gingras-Gonzales, une des grandes merdes de la saison (qui, soit dit en passant, serait regardée par 400 000 téléspectateurs en moyenne chaque soir – ça va mal au Québec…); et Radio-Canada a reporté à la semaine des quatre jeudis On fait ça seulement le samedi soir, un autre concept de Laporte élaboré avec Bruno Blanchet.

Il reste Infoman (début vendredi 13 octobre à 19 h), un regard alternatif sur l’actualité animé par Jean-René Dufort, autre rejeton de La fin du monde

Le concept d’Infoman fait fortement penser à TV Nation, l’émission de Michael Moore (Roger and Me). Ce n’est pas la première fois que Stéphane Laporte s’inspire de nos voisins du sud. Les premières émissions de La fin du monde… ressemblaient beaucoup à l’émission The Daily Show with Craig Kilborne (aujourd’hui animé par Jon Stewart). J’ai des cassettes à la maison pour les sceptiques. Les archives du Musée Juste pour rire possèdent également des épisodes du Daily Show.

Les ennuis de Laporte auront été un prétexte pour mettre en marche la superbe machine de relations publiques de Quebecor. La synergie à son meilleur. À la une du Journal de Montréal de dimanche, une photo de Stéphane Laporte. Re-photo en page trois, un cliché qui occupe les trois quarts de la page. Il reste juste assez d’espace au journaliste pour résumer les faits (que nous connaissions déjà) et donner le crachoir à Laporte qui lance deux trois blagues plates pour essayer de détourner l’attention. Qu’est-ce qu’on apprenait? Absolument rien. Si: on apprenait que TQS (le diffuseur des Gingras-Gonzales) et Le Journal de Montréal marchent définitivement main dans la main.

Une évidence qui frappera peut-être madame Bertrand et ses sages du CRTC au moment de décider de l’avenir de TVA, inclus dans la transaction entre Quebecor et Vidéotron.

La Nuit de la pub
Vous avez vu les lions de Cannes et vous en voulez encore? La Nuit de la pub devrait combler les plus publivores d’entre vous. Du 12 au 15 octobre, au cinéma Impérial, on vous présente une sélection de 619 films en provenance de 34 pays, regroupés autour de cinq thèmes. Le public est appelé à choisir entre différentes sélections où le sexe, à la demande générale semble-t-il, est omniprésent. Parmi les autres thèmes: l’humour cruel, les secrets de la pub, l’humour français, ainsi qu’une sélection des meilleures pubs suédoises (une des plus remarquables selon les experts). Bref, quatre nuits jouissives qui, année après année, se transforment toujours en véritable happening. Le 12 octobre de 20 h à 1 h, les 13 et 14 octobre de 22 h à 3 h, et le 15 octobre de 18 h à 23 h, pour les couche-tôt.

En vrac
Deux émissions à ne pas manquer cette semaine. Traître ou patriote, le documentaire de Jacques Godbout sur son grand-oncle Adélard, grand oublié de l’histoire du Québec, présenté sur Télé-Québec le dimanche 15 octobre à 21 h 3 0.

Et Les Premiers Temps de la télévision, télédiffusée dans le cadre de la série Le futur en marche, qui montre des extraits des onze premières émissions de télé britanniques enregistrées dans les années trente. Lundi 16 octobre à 19 h 30 au Canal Z.