Droit de cité : Bourque fait son cinéma
Société

Droit de cité : Bourque fait son cinéma

L’oeuvre s’intitule Une île, une ville. Mais le titre de ce moyen métrage sur bande vidéo aurait tout aussi bien pu être L’Erreur municipale, si l’on se fie au message que tente de véhiculer la personne qui l’a inspiré: Pierre Bourque, vidéaste.

À la manière de Richard Desjardins et de Robert Monderie, qui ont survolé la forêt boréale pour que l’on puisse enfin constater ce qu’on ne voyait pas au ras du sol, Pierre Bourque flotte au-dessus de Montréal pour nous prouver, panorama aérien à l’appui, que nous sommes tous des Montréalais, à Dorval comme à Anjou. Et que les frontières arbitrairement dessinées sur des cartes sont invisibles dans le monde réel.
Si vous avez manqué la diffusion sur la télé communautaire de ce document promotionnel pour les projets de fusion avancés par Bourque, eh bien, dites-vous que vous n’avez justement rien manqué. Dans le genre, je préfère encore me faire chanter: "Bonjour Toto, bonjour Toto!" Au moins, comme on le dit dans la pub, si vous ne l’aimez pas, vous n’avez pas à payer.

Or, dans ce cas-ci, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, on a payé pour ce film. Vingt-cinq mille tomates. Du foin mal placé, puisque le document, qui était censé convaincre les réfractaires aux fusions, rate complètement sa cible. Plutôt que d’éveiller les consciences, à la manière de Desjardins, le film de Bourque sème la terreur dans les banlieues à la manière de La Guerre des mondes.
Aux abris, banlieusards, les bourquiens ont pris le contrôle de la planète…

Le retour
Loin de nous l’idée de contester à Pierre Bourque le droit de promouvoir ses idées. Mais en ce domaine (la promotion), comme dans l’apport du saindoux au mélange de pâte à tarte, tout est question de mesure. Trop, c’est indigeste. Et pas assez, ça ne lève pas.

Déjà que le coût de ce document en fait sourciller plus d’un, il a fallu que le maire en rajoute. Une île, une ville, dit-il c’est bien, mais il ajoute en filigrane qu’avec Pierre Bourque, c’est encore mieux. Bref, le message est grand, parce que le messager est grandiose. Il a réalisé de grandes oeuvres. Il est primé, honoré, presque couronné.

Ce qu’on voit poindre dans cette publicité "préélectorale" du maire, c’est le retour de la tentation du potentat. C’est le spectre de l’ancien Bourque qui revient nous hanter, celui de l’orgueil de la volonté. Le Bourque d’avant le poing sur la table de Québec. Avant que Guy Coulombe, l’envoyé de Québec pour administrer la plus grosse ville de la province, n’attache notre maire gonflé à l’hélium après une patte de chaise.

Le Bourque du temps où il était lâché lousse dans la ville, déferlant dans l’administration de la Ville et dans ses finances, sa démocratie et ses institutions comme les sauterelles dans les récoltes. Celui qui faisait dans l’allégorie biblique sur la lutte du Bien contre le Mal, conviant les agneaux à un idéal mystique, ce qui cadrait plutôt mal avec les réalités considérablement plus terre-à-terre de la vie municipale.

Ça nous ramène à l’époque où le conseil municipal était devenu la Salle des Convocations du Palais magistral (quoique ça n’ait pas tellement changé de ce côté…). Bref, l’époque du Lumineux Maire, de l’Invincible Horticulteur, du Génie du Jardin botanique, de Son Admiration Pierre Bourque.
À Pierrefonds, on se barricade. Et l’on serait tenté de leur donner raison.

La gaffe
Samedi dernier, Terrebonne s’est donnée des airs de Palerme dans les années quatre-vingt. Des milliers de citoyens ont défié ouvertement le règne macabre du crime organisé.

C’est la deuxième marche du genre en autant de mois dans la région. Pour Michel Auger en septembre, pour Francis Laforêt ce mois-ci. Ce tenancier de bar de Terrebonne a été rossé à mort la semaine dernière, à coups de bâton de baseball, pour avoir refusé que son bar devienne la succursale d’une multinationale de la drogue. Quand on parle de victimes innocentes du crime organisé, c’en est une.
Selon les proprios de bars, un club sur deux est infiltré par les motards et les autres organisations criminelles, les trous comme les zincs chics. Autant d’autres victimes innocentes, qui vivent leur statut de victimes dans une discrétion totale.

Parmi les marcheurs de samedi, il y avait le député bloquiste Michel Belhumeur, venu cabaler en faveur de l’un des points forts du programme politique du Bloc québécois: une loi antigang. La campagne électorale commençait en même temps. Ben, dis donc, quelle coïncidence.

Cynique, le Bloc? Opportuniste? Peut-être, mais la situation est suffisamment explosive pour qu’on passe l’éponge. Mieux: profitons de la campagne électorale pour exiger la présence de nos élus à nos côtés. Car malgré toute la volonté du peuple, les politiciens détiennent les principales clés de la solution, que ce soit la loi antigang ou toute autre avenue.

Le silence des libéraux sur le sujet est particulièrement lourd. Ce silence laisse supposer qu’une loi antigang est l’unique solution – ce qui est loin d’être le cas -, et que les libéraux n’entendent pas y donner suite.

Entre l’opportunisme de bon aloi du Bloc et l’attitude de non-recevoir des libéraux, il y a une urgence d’agir qui se perd. Dommage.