Spécial Halloween : Amuseurs en série
Société

Spécial Halloween : Amuseurs en série

Samhain , nom celtique original de l’Halloween, signifiait "dernière moisson". La fin des beaux jours, moment de contact entre les vivants et les morts et de réflexion sur la mort, est aussi un prétexte parmi d’autres pour faire vendre des oeuvres de divertissement associées à des meurtres spectaculaires.

Crime et divertissement

Selon le poète André Breton, l’acte surréaliste par excellence aurait consisté à descendre dans la rue puis tirer au hasard dans la foule à coups de revolver. Peu soucieux de métaphores, de nombreux psychotiques ont pris les paroles de l’écrivain à la lettre et utilisé l’homicide délibéré pour s’affranchir du réel. En cours de route, le meurtre en série est devenu un fait divers indissociable de notre compréhension de la société depuis la fin de la Deuxième Guerre.

Pas très tabou, le tueur en série a fait excellent ménage avec le divertissement, industrie friande de crimes et de disjoncte. Aujourd’hui, actualité et fiction sont entrées dans une vertigineuse compétition pour générer des symboles de notre angoisse.

L’Halloween, fête propice à la sublimation des instincts morbides, est un autre thème chéri des marchands de frissons. Pas pour rien qu’on l’associe fréquemment, au cinéma comme dans les livres ou la musique, à des récits de carnage. Plantée entre le début d’une période propice aux dépressions et le mois des morts, l’Halloween nous rappelle la drôle de relation qui unit la violence et sa représentation: en effet, comment dire si l’image du terrible soulage les pulsions de mort plus qu’elle n’encourage leur progression? Comme tout ce qui est lié de près ou de loin à la religion, il faut avouer que le pire et le meilleur cohabitent ici dans un même duplex.

Meurtres et mystères
Dans un classique de l’horreur indissociable de la traditionnelle citrouille, John Carpenter créait en 1978 Michael Myers, dont le couteau de cuisine allait sévir sur les écrans dans six des sept films de la série Halloween. Hanté par la Samhain un 31 octobre, Myers tue dès son jeune âge une de ses soeurs, dissimulé dans un déguisement de clown. Quinze ans plus tard à la même date, il réactive l’abattoir et devient ce spectre muet dont le masque en caoutchouc marquera des générations d’ados.

En filiation avec ce prototype du croque-mitaine, ce sont Jason, Freddy, Pinhead, Toxic "le ravageur" et Chucky la poupée tueuse qui veilleront à ce que films et meurtres s’effectuent en séries colorées. La recette est efficace et payante, mais cette mascarade de tueurs épuise généralement ses effets dès que les épisodes se succèdent, si bien qu’on est retourné aux vampires d’antan plus d’une fois.

Fais-moi mal, Johnny
Côté musique, la liste est longue des artistes endossant le personnage du meurtrier. À commencer par Charles Manson qui, sans attendre qu’on recycle son nom, élabora plusieurs chansons inspirées des Beatles. C’est durant son célèbre procès que fut lancé l’album Lie, depuis lors réédité en série sans qu’il en touche un sou.

Alors que les androgynes maquillés de Marilyn Manson se sont mis à utiliser les attributs de la violence dans un cadre plus théâtral, d’autres punk-rockeurs, tel le funeste GG Allin, ont largement versé dans le délire. Reconnu pour ses performances où il se mutilait de façon très judéo-chrétienne avant d’assaillir son public avec ses excréments, Allin a longtemps promis de se castrer à froid puis de commettre le suicide sur scène un soir d’Halloween. Malheureusement pour ses fans, il fut souvent détenu pour divers désordres autour de cette date, avant de mourir d’une banale overdose en avril 1993, après une émeute mémorable. Lors de ses périodes d’enfermement, Allin eut comme correspondant John Wayne Gacy, meurtrier de 33 jeunes hommes, qui se déguisait en clown lors d’activités de bienfaisance. Avant d’être exécuté, il fraya aussi avec le marché de l’art en vendant des autoportraits en costume, dont plusieurs furent brûlés par un acheteur lors d’un récent encan.

Helloween, Ozzy Osbourne, Kiss, Alice Cooper, Hallow’s Eve, on ne saurait citer tous les artistes métal fascinés par la Toussaint et les rituels sanguinolents. Certains vont cependant plus loin dans l’évocation du morbide. Au sommet de l’humour noir figure le groupe américain Macabre, qui se spécialise dans les albums-concepts autour de tueurs célèbres. Gacy, Ted Bundy, le Unabomber, Ronald Gene Simmons, Marc Lépine, tous possèdent leur hymne dans ce palmarès cauchemardesque. Macabre se prépare d’ailleurs à publier un disque illustrant la vie du cannibale Jeffrey Dahmer, qui inspira aussi le groupe death-métal Dahmer, de Montréal.

L’automne étant la saison idéale pour les lectures d’épouvante, ne boudez pas votre plaisir et retrouvez Bret Easton Ellis (American Psycho), Thomas Harry (Le Silence des agneaux, Hannibal – dont Ridley Scott prépare l’adaptation filmique), sinon Stephen King ou mieux, Lovecraft. Mais, entre les organes déchiquetés et les rivières de sang de la fiction, rappelez-vous que, dans ce domaine, il n’y a qu’un pas vite franchi entre l’exorcisme du spectateur et sa complaisance devant le réel. Les vampires, rappelons-le, existent vraiment.