Spécial Halloween : La grande citrouille
Société

Spécial Halloween : La grande citrouille

De Cendrillon à Jack-O-Lantern, elle a alimenté l’imaginaire de plusieurs générations. De la compote au potage, elle a alimenté bien des repas. Mais quelle est la vraie nature de la citrouille? Nous avons enquêté.

Un coeur de velours dans un gant de fer. Voilà comment on peut décrire la citrouille, ce fruit mal aimé, dépecé à outrance en cette période de la fête des morts. C’est que, sous des dehors bourrus, la citrouille cache une âme tendre et une santé fragile. Lucien Marcoux, de l’exploitation Légumier Marcoux inc. de Saint-Nicolas, en sait quelque chose. En contact avec l’étrange fruit depuis plus de 20 ans, M. Marcoux en élève environ de 35 000 à 40 000 annuellement. "Tout ce travail doit se faire manuellement. Il n’y a aucune machine pour ça, explique-t-il. C’est planté, cerclé et récolté à la main."

Particulièrement frileuse, la citrouille aime voir sa graine semée après les gelées du printemps, à la fin de mai. Rarement solitaire, elle naît habituellement avec une ou deux soeurettes dans chacun de ses plans, passe son adolescence en ronchonnant contre les mauvaises herbes tout l’été et atteint l’âge adulte en septembre.

Si on veut la voir quitter son champ natal, il faut savoir la convaincre avec délicatesse et subtilité. En effet, la rumeur veut que plusieurs citrouilles supportent mal l’idée de quitter la quiétude de la campagne et la vie grégaire pour partir en solitaire dans la jungle urbaine. Certaines n’hésitent donc pas à se laisser mourir au moindre prétexte, surtout celui d’avoir été malmenée durant le voyage: "\On les ramasse à la fin de septembre et on les vend à la fin d’octobre, alors elles sont un mois à attendre, explique M. Marcoux. Si elles sont blessées, elles vont pourrir; c’est une source d’infection pour les microbes. Ça a l’air assez résistant, mais c’est assez fragile."

Malgré sa fragilité, la citrouille, fruit affectueux, peut s’attacher à vous et vouloir célébrer Noël à vos côtés. Si vous désirez qu’il en soit ainsi, vous n’avez qu’à la traiter avec soin et vous assurer qu’elle conserve son pédoncule. Ainsi, elle pourra être des festivités hivernales et peut-être même donner à votre bûche un goût inédit.

Pop Citrouille
Après des années difficiles, où elle devait se défendre d’un public qui ne voyait en elle qu’un fruit-objet, la citrouille voit enfin toutes ses vertus reconnues. "Il y a une quarantaine d’années, c’était entièrement pour la manger [qu’on la cultivait]. Il y a 20 ans, ce n’était que pour la décorer et là, elle revient sur la table, note M. Marcoux. Les cuisiniers ont développé de nouvelles recettes et les gens trouvent des moyens de décorer leur citrouille sans la briser pour pouvoir la manger après; il y a vraiment un effort de fait du côté alimentaire."

Cet intérêt se traduit par une hausse constante de la production de citrouilles. Selon Statistiques Canada, en 1993, on comptait 778 acres ensemencées de citrouilles au Québec pour un total de 7 800 tonnes de récolte, le tout ayant une valeur de 670 000 $, valeur à la ferme. En 1999, ces chiffres ont grippé sensiblement pour totaliser 1 085 acres ensemencées, 16 050 tonnes de récolte, pour une valeur de 1 420 000 $ à la ferme. Au Canada, c’est en Ontario qu’on en produit le plus, un peu plus du double de ce que l’on produit au Québec. La Belle Province quant à elle arrive au second rang avec, en 1997, 327 exploitations pour des superficies de 555,6 hectares.

La citrouille qui voulait se faire
plus grosse que le boeuf
Il existe maintes variétés de citrouilles, toutes avec des caractères différents. Vous retrouverez les coquettes, qui ne servent qu’à la décoration, les rondelettes, dont le contenu sucré leur vaut de belles qualités alimentaires, et d’autres beaucoup plus ambitieuses, qui tiennent à se faire énormes et à courir les concours.

Au Québec, elles visent tantôt les petits concours régionaux, tantôt d’autres plus importants comme le concours d’Ottawa, reconnu par le Great Pumpkin Commonwealth ou encore le Potirothon de Gentilly qui, à sa 10e édition, se distingue par ses multiples volets et son concours de catapultes où l’on propulse de petites citrouilles.

Rock Rivard a été le grand gagnant du l’édition 2000 du Potirothon avec une citrouille de 617 livres (le record mondial est de 1 140 livres). Pour lui, les citrouilles géantes, c’est une véritable passion. "Mon été est entièrement consacré à ça, explique-t-il. En moyenne, durant la période forte, ça me prend 15 heures de soins: arroser, tailler, enlever les mauvaises herbes, les abriter du froid, etc." Pas question de leur injecter quoi que ce soit, cependant. "Ce ne sont que des mythes, ça ne se fait pas. Il n’y a pas de secret, sinon de l’entretien et beaucoup de chance."

Pour l’année 2001, M. Rivard sera à la tête de l’organisation du Potirothon. Déjà, de nouveaux projets semblent poindre à l’horizon, notamment des régates de citrouilles géantes où les fruits, une fois vidés, serviront de bateaux: "Ça pourrait se faire. Ça fait plusieurs années que ça existe aux États-Unis. Il y en a même qui mettent des moteurs dessus!"