Vous êtes apprenti juriste. Vous enfilez votre cape et, à la lueur de votre lanterne, vous vous lancez dans un périple nocturne qui vous fera découvrir les subtilités des lois des régimes français et anglais ainsi que des anecdotes et des faits historiques, grâce à des personnages qui vous servent de guides. Vous apprendrez ainsi que le commerce des esclaves était légal jusqu’en 1833, que les duels étaient chose courante, que le crime organisé existait déjà et surtout que l’on faisait régner l’ordre de façon cruelle.
Québec a longtemps été la seule ville comptant sur les services d’un bourreau et s’est donc avérée le théâtre de maintes exécutions. Pendaisons spectaculaires comme celle de la Corriveau ou exemplaires comme celles de mannequins quand les coupables étaient évadés, châtiments corporels de tout genre allant du fouet aux tortures les plus immondes, le bourreau faisait son oeuvre. C’est ainsi qu’à la lueur de votre lanterne, la Vieille Capitale prend une toute autre allure, surtout lorsque vous localisez certains lieux telles la maison dudit bourreau et les prisons où les détenus mourraient de froid. Et pour vous mettre dans l’ambiance jusqu’à la fin, on vous invite à terminer votre aventure avec un verre de brandy, le verre que l’on réservait aux condamnés.
Divertissement historique
Cette nouvelle façon d’interpréter l’histoire, à moitié théâtrale, à moitié didactique, on la doit à la Compagnie des six associés, dont le nom renvoie bien sûr à l’historique Compagnie des 100 associés. Les promoteurs ont donné naissance à ce type d’activité au tout début de l’année 2000 avec Glace et Glisse, qui faisait l’histoire des sports d’hiver. Un second circuit du même acabit a rapidement suivi, Luxure et Ivrognerie, s’attardant à l’histoire de la vie nocturne dans la ville de Québec au XIXe siècle, puis un troisième, Colère et Tragédies, relatant l’histoire des fléaux et des tensions sociales dans les faubourgs Saint-Jean-Baptiste et Saint-Roch, et, enfin, celui qui nous intéresse, Crimes et Châtiments, arrivant bien sûr à point nommé en pleine période de l’Halloween.
"Nous sommes tous des gens d’histoire et d’interprétation de l’histoire et nous n’avions pas de travail, explique Stéphane Roy, l’un des concepteurs et animateurs. Le but, au départ, c’était de se trouver du travail et ça a plutôt bien fonctionné." Si bien, en fait, que même si trois des associés du début ont quitté pour un emploi plus stable, les trois associés restants ont poursuivi leurs communications à caractère historique et ont rapidement été récompensés, gagnant le premier prix au Concours québécois en entrepreneurship de juin dernier.
L’histoire en pleine expansion
"On ne s’est pas inspiré des ghost walks qui ont lieu en Angleterre, précise Stéphane Roy. C’est quand on a monté Crimes et Châtiments que des gens nous ont appris que des activités similaires aux nôtres existaient ailleurs. Il faut croire que c’est quelque chose qui manquait à Québec parce que c’est la ville qui est la plus riche sur ce plan-là. On ne pourrait jamais faire ça à Trois-Rivières, peut-être à Montréal à la rigueur, mais il reste que c’est Québec qui a été la ville la plus importante jusqu’en 1850."
Encore à leurs premiers balbutiements, les parcours thématiques de la Compagnie prennent peu à peu leur forme, consistant généralement en une marche de près de deux heures dans les lieux historiques les moins fréquentés de la ville, misant sur la théâtralité, mais jamais au détriment de la rigueur historique, et s’achevant toujours derrière un verre qui, soit par son contenu, soit par le lieu où il est consommé, a une saveur historique et prolonge l’activité en faisant naître les discussions.
Chez la petite entreprise qui a le vent dans les voiles, les projets se bousculent. En plus d’offrir des ateliers-conférences sur divers sujets comme la traite des fourrures, la Compagnie s’apprête à lancer une nouvelle activité, Légendes et miracles sur la côte de Beaupré, un parcours historique qui se fera en autobus et qui sera, lui aussi, unique en son genre. "On veut offrir quelque chose qui sort de l’ordinaire, explique Stéphane Roy. Les gens l’apprécient car ils n’ont jamais été confrontés à l’histoire de cette façon."