Droit de cité : Manifestations célestes
Société

Droit de cité : Manifestations célestes

Manifestations célestes

Il y a deux ans très exactement, 45 % des électeurs montréalais qui avaient daigné se rendre aux urnes avaient réélu le régime bourquiste à l’Hôtel de Ville.
En principe, nous en serions donc à l’heure du bulletin de mi-mandat pour Bourque et son équipe. Mais les principes ont la vie dure en ces temps de grands bouleversements politiques dans le monde municipal. Alors, par un étrange alignement des planètes dans la Constellation de Louise, le mi-mandat s’est transformé en lancement d’une année électorale à Montréal.

C’est qu’avec le dépôt possible d’un projet de loi annonçant la fusion des villes de l’île de Montréal dans deux semaines, il y aura une grande élection municipale dans un an, genre le 4 novembre 2001, pour la future ville regroupée.

Une seule certitude à ce stade-ci: Bourque sera en lice. Mais en lice contre qui, et surtout contre quoi?

Le même phénomène astronomique observé en 1998 pourrait alors se reproduire: dans les mois précédants l’élection, une pluie d’étoiles filantes passera dans le ciel montréalais, pour finalement s’écraser bruyamment avant même le jour de l’élection, faute d’organisation structurée. Au terme du phénomène, Bourque trônera seul en monarque au-dessus d’une mêlée réduite en purée d’écrapou. Comme en 1998.

Bref, pour le moment, ça ne sent pas la fin de régime à l’Hôtel de Ville. Ça fleure plutôt la conquête de nouveaux empires pour Bourque et ses ‘tinamis.

Allons-y donc tout de même pour le bilan de mi-mandat. Ce n’est pas parce que les Alouettes mènent 57 à 0 après deux quarts qu’on doit se priver du spectacle de la mi-temps. Cheer leaders, sortez vos froufrous!

Le bilan
Il y a deux ans, les électeurs n’ont voté ni pour une idéologie ni pour un programme politique, pas même pour un projet de société. Ils ont voté pour un état d’esprit: le bourquisme, sorte de populisme nouvelâgeux avec un fort ascendant affairiste.

Au cours de ces deux ans, on a vu de quel bois le bourquisme se chauffait: une administration qui se comporte en matrone, grosse, acariâtre, et vulgaire. Elle a traité ses citoyens comme des fagots dans ses commissions, et comme de vulgaires malfrats le soir des vidanges.

Nos déchets domestiques, auxquels le maire Bourque voue une attention peut-être un peu maladive, ont été l’objet de vifs débats, au terme desquels l’administration Bourque a décrété la mise à mort du sac d’épicerie déguisé en sac-poubelle. Une véritable Inquisition quasi insensée.

Les chats aussi, à cause de leur propension à faire du tourisme, ont reçu la semonce de l’administration municipale, s’ils n’étaient pas tenus en laisse. Pas parce que les chats avaient envahi la ville comme jadis les sauterelles, le Kansas. Non: bêtement parce qu’il y avait "un vide juridique", nous avait-on dit. Et ce n’était même pas une blague. Ce n’est pas parce qu’on rit…

Si la Ville sous l’administration de Vision Montréal aime bien tenir les citoyens en laisse, elle est cependant pas mal plus indulgente envers les développeurs de tout poil.

En 1998, Pierre Bourque s’est fait réélire sous la seule et unique promesse de poursuivre ce qu’il avait entamé pendant les quatre premières années de sa mairie. Enfin un politicien qui tient promesse. Non, mais, de quoi se plaint-on? C’est ainsi que les promoteurs immobiliers vivent l’une de leurs plus glorieuses époques à Montréal. Défense de les déranger, par ordre de la Ville.

Autre preuve que Bourque et son équipe ont tenu promesse: le peu de cas qu’ils font de l’opinion des citoyens, comme dans les quatre premières années. Ç’a été le cas dans les nombreux projets de développement (qui, incidemment, n’ont eu aucun effet sur la population de Montréal, puisqu’elle a diminué depuis deux ans), mais aussi dans l’élaboration du projet de déjudiciarisation de la prostitution, mis à mort par la fronde populaire, la plus rageuse qu’on ait vue depuis des lustres.

Dans tous les projets proposés par l’administration actuelle, on omet un gros détail: le peuple. Elle se fout du peuple comme la Saskatchewan, du bord de mer.

Ah! j’oubliais, la Ville a tenu compte de l’avis des commerçants du Centre-Sud, et chassé les galeux, squeegees et les mendiants, en leur fermant l’accès à l’ancien carré Berri. Un grand coup de balai, question qu’on les perde de vue. Après quelques mois d’errance, les travailleurs sociaux ont fini par les retracer, mais deux fois plus amochés.

Il y eu l’arrivée de Guy Coulombe, le nettoyeur attitré du gouvernement québécois. Comme les choses n’allaient pas très bien dans le protectorat de Montréal, il a fallu moins de temps qu’il n’en faut pour crier "Céline!" pour que l’opposition municipale y voie la preuve ipso facto que Montréal est sous tutelle. Ce que Pierre Bourque, on le comprendra, a nié.

Mais qu’importe, c’est le résultat qui compte. Depuis l’arrivée de Guy Coulombe à la direction générale de la Ville, l’ordre a été remis dans les finances municipales. Et le projet d’une île-une ville a sérieusement pris du galon.

Si derrière Jean Chrétien, il y a Paul Martin; derrière Bourque, il y a Mr. Fix-it.