Liberté d'expression : Mort aux Medelinots!
Société

Liberté d’expression : Mort aux Medelinots!

La semaine dernière, le procureur général de l’Ontario a tenté d’utiliser la loi sur la propagande haineuse pour interdire l’entrée au Canada au rappeur Eminem. La liberté d’expression ne serait-elle réservée qu’à une catégorie  d’artistes?

Citoyens, citoyennes, le Québec est en péril. Une sous-race d’hommes et de femmes s’est infiltrée dans notre société. Je vous parle des vils consanguins originaires d’îles arriérées où l’on vit encore d’agriculture primaire et de pêche, comme à l’aube du Moyen-Âge. Non content d’accorder à ces êtres inférieurs les pleins droits de citoyenneté de notre chère patrie du Québec, notre gouvernement les soutient artificiellement à coups de millions de dollars… qui proviennent de nos impôts!
Citoyens, citoyennes, résistons aux Madelinots!

Qui décide?
Selon l’article 319 du Code criminel du Canada, le paragraphe qui précède me rend coupable de propagande haineuse, donc passible de deux ans d’emprisonnement.

Mort aux Madelinots!
Maintenant, c’est cinq ans pour "encouragement au génocide". Toujours le Code criminel, paragraphe 318.
Dois-je m’attendre à ce que la police vienne cogner à ma porte? Va-t-on saisir mon portable, mes disquettes et ma bibliothèque? Analyser tout ce que j’ai déjà écrit, depuis les articles dans le Globe & Mail jusqu’aux notes illisibles que je griffonne en plein milieu de la nuit, pour démontrer que je mène une campagne haineuse contre les habitants des îles de la Madeleine?
Probablement pas. Mon attaque contre les Madelinots était seulement une farce, de la satire, de l’ironie. Ou l’était-ce vraiment? Qui va décider? Jim Flaherty, le procureur général de l’Ontario, peut-être?

Haro sur le rappeur
Mercredi dernier, monsieur Flaherty a demandé au Service de l’immigration du Canada de refuser l’entrée au Canada au rappeur Eminem en vertu des lois canadiennes sur la propagande haineuse. La logique du procureur est que les paroles des chansons d’Eminem font la promotion de la haine contre les femmes. Malheureusement pour monsieur Flaherty, le Code criminel interdit l’incitation à la haine contre un "groupe identifiable de par la couleur, la race, la religion ou l’origine ethnique". Rien sur le sexe… Résultat: Eminem a pu entrer au pays.

Les Madelinots sont majoritairement blancs, catholiques et d’origine française, comme moi. Si je les attaque parce qu’ils sont madelinots, et non parce qu’ils sont blancs, catholiques ou d’origine française, ce que j’ai écrit est tout à fait légal.

Mort aux Madelinots! Mort aux Madelinots!
Et si j’étais un juif noir? Ce que j’ai écrit serait-il légal? Sur ma copie de l’album d’Eminem, Snoop Dog, Nate Dog et Dr. Dre, des rappeurs noirs, utilisent le mot "nigger" au moins huit fois. Eminem, un Blanc, l’utilise une fois. (En fait, on devine qu’il l’utilise, car le mot a été effacé de la chanson…)

Le silence de Stockwell Day
Qui décide de qui a le droit de dire quoi? Jim Flaherty? Stockwell Day?

Le leader de l’Alliance canadienne a donné son appui à l’initiative de monsieur Flaherty. Stockwell Day n’aime pas la façon dont Eminem parle des femmes. Monsieur Day, par contre, n’a pas commenté ce qu’Eminem dit sur les gais. Les paroles d’Eminem sont pourtant tout aussi homophobes qu’elles sont misogynes. Monsieur Day reste-t-il silencieux parce qu’il a lui-même une position désapprobatrice vis-à-vis de ce mode de vie? De toute façon, ce qu’Eminem dit sur les gais n’a pas d’importance car l’orientation sexuelle n’est pas protégée par la loi sur la propagande haineuse.

Mort aux tapettes des Îles!
Il y a un vice caché dans la loi sur la propagande haineuse. Quelle est la logique d’une loi qui permet d’inciter la haine contre un groupe de citoyens et non contre un autre? Comment justifier une loi qui permet à certains citoyens de dire des choses que d’autres n’ont pas le droit de dire?

La solution évidente est d’élargir la portée de la loi pour protéger un plus grand nombre de concitoyens contre les méchants qui disent de vilaines paroles qui font de la peine. Il faut élargir la définition de "groupe identifiable" dans la loi pour inclure les snobs, les fumeurs, les enfants, les tatoués, les chauves, les quétaines, les avocats, les skaters et même les racistes. Il faut que tous les sous-groupes de citoyens soient également protégés contre la haine, jusqu’au jour où le simple fait d’écrire "mort aux cons" soit passible de cinq ans d’emprisonnement.

L’autre solution, c’est d’accepter la liberté d’expression dans toute sa formidable puissance. De reconnaître qu’on ne peut pas séparer la liberté de haïr de la liberté de dire ce qu’on pense. De reconnaître qu’on ne peut pas donner la liberté d’expression aux éditorialistes polis et cultivés et la retirer aux morons ignorants. La liberté d’expression balisée n’est plus une liberté, c’est une permission d’expression.

J’ai changé d’idée. Il n’y a pas que les Madelinots qui soient une sous-race méprisable. Tous les hommes blancs, catholiques, d’origine française sont des êtres inférieurs envers lesquels la discrimination est non seulement justifiée, mais nécessaire. Moi, Georges Boulanger, sain de corps et d’esprit, parfaitement conscient que ce qui précède est un écrit illégal en vertu de l’article 319 du Code criminel du Canada, persiste et signe.
Venez me chercher. Je vais porter plainte moi-même.