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Médias : Heure après heure, je m’ennuie…
Nathalie Collard
Heure après heure, je m’ennuie…
J’ai regardé les trois premiers épisodes de Willie, la série réalisée par Jean Beaudin qui a pris l’affiche à TVA jeudi dernier à 21 heures. Au bout de trois heures (la série en totalise cinq), une seule question: pourquoi?
Je n’ai pas connu Willie Lamothe et je ne me souviens que très vaguement du Ranch à Willie, une émission hyper-quétaine diffusée au 10 dans les années soixante-dix. Qu’à cela ne tienne, j’étais très ouverte à l’idée de découvrir un incontournable de notre patrimoine culturel, tout comme je l’avais été pour Alys Robi et Olivier Guimond.
Les deux séries précédentes (produites, elles aussi, par Avanti) n’étaient peut-être pas parfaites mais elles avaient le mérite de nous faire découvrir des personnages plus grands que nature. La série Cher Olivier était particulièrement réussie et le réalisateur André Melançon montrait avec subtilité les motivations d’Olivier, rejeté par son père et boudé par une certaine élite québécoise. On découvrait aussi l’époque, le contexte social, etc.
Au bout de trois heures de Willie, tout ce que je retiens, c’est la chanson du générique, très belle, chantée par Luc Guérin, ainsi que la performance des acteurs, tous très bons. Le reste est d’un ennui mortel. Qui était Willie Lamothe? Un bonhomme égocentrique, irresponsable, qui trompait sa femme, prenait un coup et se foutait de ses enfants. J’ose espérer qu’il était davantage que cela mais, malheureusement, la série ne nous le dit pas. On rate également une belle occasion de nous décrire l’époque. Pourquoi? Parce qu’elle est inachevée, pour ne pas dire "botchée".
Pas sur le plan visuel, car les images de Jean Beaudin sont, comme toujours, superbes.
Mais quel mauvais scénario! Willie et sa femme Jeannette sont en route vers Montréal où l’ADISQ remettra enfin un prix hommage au chanteur western qui, atteint d’un cancer, n’est plus que l’ombre de lui-même. Le voyage en voiture est un prétexte pour se remémorer les moments marquants de la vie du chanteur. Zzzz…
C’est incroyable qu’en l’an 2000, des scénaristes osent encore recourir au vieux truc du flash-back (un procédé également employé dans Chaplin, le long métrage raté de Richard Attenborough)! C’est inacceptable. Le producteur de cette série, Luc Wiseman, n’a visiblement pas fait son travail. Il aurait dû renvoyer les trois scénaristes (Claude Paquette, Marcel Sabourin et Jean Beaudin) à leur table de travail afin qu’ils rédigent un scénario digne de ce nom.
Le premier épisode est presque entièrement consacré à un pique-nique pendant lequel Willie tombera amoureux de sa future femme, Jeannette Lemieux. C’est interminable.
Dans le deuxième épisode, Jeannette et Willie se disputent et Jeannette s’enfuit en autobus Voyageur. Willie et son chauffeur la poursuivent parce que Willie a besoin de prendre sa "pelule". Or, ses médicaments sont dans le sac à main de Jeannette. Quel drame!
Comment tout ça va se terminer? Attendez, ne me le dites pas! Willie va recevoir son prix devant une salle en délire? Il va pleurer? Jeannette va pleurer? Au secours!
Y avait-il une série derrière Willie Lamothe? Si oui, elle est complètement ratée. Si non, on a produit cinq heures de télé rapido presto dans le but de vendre des produits dérivés, des disques et des copies du magazine 7 Jours (avec les confidences de la veuve de Willie à la une). Dans les deux cas, c’est plutôt triste.
Le Procès de Klaus Barbie
Vous l’avez peut-être lu à la une du quotidien Libération le week-end dernier: la chaîne de télé française Histoire va diffuser jusqu’au début décembre le procès du tristement célèbre boucher de Lyon.
Cette série, diffusée en trente-sept épisodes, va montrer soixante-dix des cent quatre-vingt-cinq heures du procès qui a eu lieu en 1987 (Barbie est mort en 1991). Les témoignages n’ont pas été coupés mais on a raccourci quelques plaidoiries. Les réalisateurs ont également choisi de respecter l’ordre chronologique du procès. Inutile de dire que la valeur de ce document est inestimable, autant sur le plan historique que pédagogique.
Pourquoi vous en parler puisque le procès est diffusé en France? Parce que grâce à Internet (www.histoire.fr), on a accès à tout le dossier (et il est volumineux!) avec archives sonores et visuelles, documents, analyses, etc. Des heures de pur plaisir. À titre de comparaison, je suis allée visiter le site d’Une histoire populaire du Canada, la série ronflante présentée depuis deux semaines sur Radio-Canada. Le site de Radio-Canada (www.radio-canada.ca) fournit de courts résumés de chaque épisode, quelques aperçus visuels de la série et du matériel pédagogique. Bref, un complément d’information à l’image de la série: drabe.
Le Business du kidnapping
Ce document construit comme un roman policier va vous renverser. Chaque année, des dizaines d’hommes d’affaires, employés par des multinationales, se font kidnapper. Chaque fois, on demande des rançons astronomiques. L’histoire n’est jamais ébruitée, les entreprises préférant régler en coulisses et en silence. On n’aime pas la mauvaise publicité dans ces milieux-là. Pour régler l’affaire proprement, on embauche des négociateurs de choc (pour la plupart, d’anciens agents du FBI ou de la CIA), spécialistes de l’enlèvement. C’est devenu tellement courant qu’on parle désormais d’un business du kidnapping. Cet excellent document nous fait découvrir ses rouages. Captivant. Jeudi 2 novembre, 20 h, Télé-Québec.
Arte à la Cinémathèque
À compter du 9 novembre, et jusqu’au 30, la Cinémathèque québécoise présente un échantillon des fictions produites par la chaîne franco-allemande Arte. Au programme, la série Gauche/Droite, présentée comme un "état des lieux du politique" sous forme de fiction destinée au petit écran. Six cinéastes (dont Érick Zonka, Tonie Marshall et Claire Devers) ont relevé le défi, et le résultat, si l’on se fie à l’accueil de la presse française lors de la diffusion originale, semble convaincant.
Avec la collection Petites Caméras, on nous présente cette fois des fictions de quatre-vingt-dix minutes tournées à l’aide d’une petite caméra numérique. Au total, sept réalisateurs (dont Claude Miller) se prêteront à l’exercice (il reste trois films à tourner en 2001). Bref, des projets télévisuels audacieux basés sur l’innovation, le risque et la création. Inspirant.
Cinémathèque québécoise, 335 boulevard De Maisonneuve Est.
Reporters sans frontières
Un mot sur le site Internet de l’organisme Reporters sans frontières qui vient d’être revampé. Vous y trouverez un compte rendu quotidien de la situation des journalistes dans le monde, des archives visuelles (entrevues, émissions de télé, etc.), les différentes campagnes et pétitions menées par l’organisme.
La rubrique la plus intéressante demeure "De notre correspondant à Cuba", un espace qui donne la parole aux journalistes indépendants cubains qui ne peuvent exercer leur métier librement (tiens, un sujet qu’aurait pu aborder Paule Robitaille lors de son entretien avec Fidel Castro l’autre jour!).
Cette semaine, le journaliste en question parle du film Buena Vista Social Club, du cinéaste Wim Wenders, pratiquement frappé d’embargo à Cuba. "Les autorités cubaines seraient-elles vexées que des étrangers aient contribué à sortir Compay Segundo et ses acolytes de la misère et de l’anonymat dans lesquels ils étaient retombés il y a des lustres? écrit-il. Le documentaire Buena Vista Social Club du cinéaste allemand Wim Wenders a fait le tour du monde mais peu de Cubains ont pu le voir. Aucune première n’a eu lieu dans l’île et les circuits de distribution locaux continuent de l’ignorer. À La Havane, il n’a été présenté qu’une seule fois dans un cinéma d’art et d’essai, la Cinémathèque de Cuba, au milieu de mystères et d’intrigues. Il fallait avoir une invitation pour entrer, et seuls quelques privilégiés et leurs amis ont donc pu le voir."
Un peu plus loin, le journaliste poursuit: "Beaucoup de Cubains ignorent jusqu’à l’existence de ce documentaire. Sur l’île, si la télévision n’évoque pas un sujet, celui-ci n’existe pas: le petit écran est le média qui possède la plus forte pénétration dans cette société uniforme. La programmation de ce documentaire constituerait à n’en pas douter un grand événement culturel." Bref, juste pour ce texte, le site (www.rsf.fr) vaut le détour.