Droit de cité : Brother, can you spare a vote?
Société

Droit de cité : Brother, can you spare a vote?

L’annonce d’Élections Canada, à l’effet que les itinérants auraient enfin le droit de vote pour autant qu’ils s’inscrivent à leur soupe populaire préférée, a entraîné dans son sillage l’à-côté le plus jouissif de cette présente campagne électorale fédérale.
Imaginez: un bougre qui n’a pas les moyens de se payer ne serait-ce qu’une chambre, de manger trois repas par jour et de se procurer une bonne tuque pour l’hiver, et dont le carnet de contacts est aussi garni qu’un buffet chinois après le passage du Grand Antonio, dégote les 100 signatures et les 1000 dollars requis pour s’amuser dans la cour des pleins. Pour manger à la même table que Paul Martin. Pour jouer du coude avec Pierre Pettigrew.
Car qui a droit de vote a droit de candidature itou. C’est ce que la Chorale de l’Accueil Bonneau, vite sur ses refrains, a compris. Au départ, la chorale souhaitait placer un candidat dans la circonscription de Laurier/Sainte-Marie.
J’allais les appeler pour leur prodiguer un conseil: tant qu’à faire comme les vrais, aussi bien aller jusqu’au bout, et parachuter votre candidat dans une autre circonscription.
Intuitivement, et allez savoir pourquoi, je leur aurais suggéré de le parachuter dans un comté genre Westmount/Ville-Marie, Mont-Royal ou Outremont. Outremont, le siège de Martin Cauchon, ministre du Revenu.
Imaginez: un sans-abri (par le fait même, sans revenu) débattant de baisses d’impôts avec le ministre du Revenu, qui tenterait sans doute de nous convaincre des meilleures raisons qui ont poussé son ministère à ne pas contester le transfert de la fiducie familiale de deux milliards des Bronfman sans que ceux-ci aient eu à payer un seul sou d’impôt. Jouissif…
J’allais les appeler, mais, faut-il mettre ça sur le dos de la télépathie, la Chorale nous annonçait un peu plus tard que c’était finalement dans Westmount/Ville-Marie que leur candidat – Michel Laporte, membre de la chorale, 52 ans et possédant une formation en sciences pures – déposait sa candidature.
C’est le porte-à-porte qui va être exquis. Ding dong!
"Monsieur et madame Mulroney, s’il vous plaît?"
– Madame, il y a un drôle de monsieur à la porte. Dois-je alerter la sécurité?"

La rue, l’hospice et la prison
J’allais vous dire que c’est quand même formidable qu’on accorde enfin le droit de vote aux plus pauvres des citoyens, et que c’est encore plus formidable qu’on le leur accorde après l’avoir donné aux braqueurs, aux pushers et autres repris de justice qui croupissent en prison. Ce qui, d’un point de vue légaliste, s’expliquait assez aisément, puisque, contrairement aux sans-abri, les prisonniers avaient une adresse permanente.
Mais voilà, dans mon Devoir du samedi, le chroniqueur aux avocasseries nous apprenait que les prisonniers n’avaient pas le droit de vote, à cause de la modification de l’alinéa 51e) de la Loi électorale du Canada, alinéa précédemment jugé inconstitutionnel dans l’arrêt Belczowski de 1992, qui a été jugé recevable plus tard dans l’arrêt Sauvé de 1999 de la Cour fédérale, et ce, même si l’arrêt Driskell de la même année de la Cour d’appel du Manitoba avait statué qu’une disposition de la loi provinciale locale empêchant les prisonniers de sentence de plus de cinq ans de voter était inconstitutionnelle… Vous m’avez compris?
Bref, tout ça pour vous dire que je me suis trompé: les résidents des pénitenciers fédéraux n’ont pas le droit de vote. Ce sont les handicapés mentaux qui ont obtenu le droit de vote avant les itinérants. C’était en 1988. C’est bien pour dire.

Un effet bloc
Toujours au sujet des élections, c’est dans une semaine, soit le 15, que la campagne du Bloc québécois va (peut-être) dérailler.
Dérailler dans le sens où la locomotive du Bloc, le vote souverainiste, pourrait s’emballer à la renverse, provoquant une petite hécatombe derrière elle. Tout ça, à cause des fusions municipales.
En effet, si, depuis le début de la campagne, les bloquistes craignent comme la peste l’apathie des électeurs souverainistes, comptez sur Louise Harel pour les sortir de leur torpeur.
Le dépôt la semaine prochaine des projets de lois sur les fusions municipales pourrait être fort mal accueilli sur la Rive-Sud. Dans l’Ouest de l’île aussi, mais là-bas, toute initiative des souverainistes est de toute façon mal reçue. Ils y annonceraient le retour à l’Éden que les suburbans trouveraient le moyen de bougonner encore.
Mais sur la Rive-Sud de Montréal, qui compte quelques députés bloquistes, les banlieusards pourraient être tentés de se venger du gouvernement québécois en frappant le Bloc, leurs tinamis à Ottawa. Comme on dit: à suire…

Un char de seconde main
Pour terminer, parlons du Livre rouge. The Red Book.
Le Livre Rouge des libéraux porte un bien drôle de nom. Je ne sais pas si les libéraux ont bien mesuré toute la portée de ce choix de nom pour leur programme politique. Car le vrai Livre rouge, dans mon dictionnaire à moi, c’est le catalogue sur lequel les vendeurs de chars usagés au Québec se fient pour déterminer le prix des minounes.
Tiens, ici, une Nissan Sentra 91. Valeur au Livre rouge: 3500 $. C’est ben pour dire.