Compétitions de radios d'auto : Le mur du son
Société

Compétitions de radios d’auto : Le mur du son

Passionnés d’automobiles et de son, ils transforment leurs véhicules en de véritables juke-box. Certains installent même 80 amplis dans leur bagnole! Le son est tellement fort que leur auto prend feu. Grosse Corvette…

Il n’y a pas si longtemps, la radio n’était qu’un accessoire de luxe que l’on retrouvait dans certaines automobiles, offrant rarement plus qu’un AM grésillant et un FM instable. Aujourd’hui, elle apparaît une nécessité, même que pour certains, elle est devenue une véritable drogue, une composante essentielle au même titre que le moteur. Ces junkies des décibels se font de plus en plus nombreux au Québec. On les retrouve dans diverses associations automobiles, telle X-Team. Là, ils discutent des meilleures techniques pour avoir l’ultime combinaison sonore et échangent des conseils en vue des compétitions. Car pour eux, la sono, c’est du sérieux. Ils travaillent continuellement à améliorer leur appareillage en vue de faire partie de l’élite provinciale, nationale et même internationale.

Plus bruyants qu’un show rock!
Le monde des décibels est celui de tous les excès. Les compétitions SPL (pour sound pressure level), où les concurrents se disputent le titre du véhicule le plus puissant en termes de décibels, l’illustrent bien. Ici, les automobiles n’ont de véhicule que le nom. On les ampute de leurs sièges et d’une bonne partie de leur équipement traditionnel pour les emplir d’amplificateurs et de haut-parleurs performant dans les basses fréquences – les hautes fréquences n’ayant qu’un maigre impact au-delà de 120 décibels.

"Quand tu as un gros système, le problème, c’est l’alimentation, explique Frédéric Bernier de Auto Hi-fi Bouvier, instigateur de compétitions, juge et, bien sûr, mordu de systèmes de son. T’as beau avoir plusieurs batteries, il faut que tu les recharges. J’ai déjà vu un participant qui avait sept alternateurs sur sa voiture!"

Des excès, Frédéric en voit continuellement. Des participants avec 78 amplis pour un total de 80 000 dollars et des batteries totalisant 12 000 dollars, des voitures équipées d’amplis fonctionnant au liquide refroidissant, d’autres, encore, avec une remorque sur laquelle reposent 12 alternateurs reliés en série, voilà autant d’histoires qui paraissent inimaginables et qui sont le fruit de longues aventures dans le domaine de l’audio. "Les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est du travail, commente Frédéric. Certains peuvent passer trois ans avant d’être prêts pour les compétitions et ils investissent beaucoup d’argent, quoique selon moi, le particulier qui en met pour plus de 30 000 dollars est un fou!"

Après tant d’efforts, on veut que la compétition se déroule sans anicroche, d’autant plus que les concours SPL sont très brefs: 30 secondes. Alors rien n’est laissé au hasard, surtout pas les fuites d’air qui peuvent faire perdre une quantité appréciable de décibels. Pare-brise remplacés par des plexiglas d’une grande épaisseur, jalonnés de barres de fer, plafonds renforcés par des feuilles de métal, portes factices recouvrant de véritables portes de type coffre-fort, les concurrents tentent l’impossible pour combattre les fuites d’air. Certains mettent même du cordage autour des portes ou font appel à une équipe qui pousse sur les portes durant les 30 secondes déterminantes!

C’est ainsi que les véhicules défilent sous les tentes où ils sont évalués par un ordinateur. L’appareil analyse la courbe de fréquence et la puissance du système. De chaque côté du véhicule, deux grandes colonnes de lumière indiquent la puissance qu’atteindra le véhicule au terme des 30 secondes de basse fréquence qu’il vomira. Un micro installé à l’intérieur prend note du signal; personne n’oserait se faire éclater la tête dans l’habitacle. Dernier record en date? 174 dB. Pour vous donner une idée de la puissance, un gros show rock oscille autour de 135 dB et le seuil de la douleur est de 128 dB.

Malgré toutes les précautions prises, certains participants voient leurs installations éclater. "Ils ouvrent la porte et la boucane sort!" raconte Frédéric en riant. Ils lancent alors les cartons fumants des haut-parleurs dans la foule. Quant aux chanceux qui auront gagné, ils iront chercher leur récompense des mains de charmantes donzelles, défilant en légères tenues, omniprésentes lors de ces événements. "À la remise des prix, il y a toujours des filles sexy, ça fait partie de la game. Mais on n’en a pas tellement dans nos compétitions au Québec, ça va avec les budgets", explique Frédéric.

Le top du top
Il n’y a pas que les compétitions de SPL dans le milieu. Les amateurs de qualité sonore disposent d’une trentaine de compétitions SQ (pour sound quality) provinciales et nationales pour se mesurer à leurs pairs. Ici, chacun soumet son véhicule à l’inspection rigoureuse de juges qui s’attardent à la courbe de fréquence, à l’évolution du son, à l’équilibre sonore, aux bruits de fond, à la force du système ainsi qu’à la qualité et à l’originalité de l’installation.

"N’importe qui peut se pointer à une compétition avec quatre petits haut-parleurs ordinaires, explique Frédéric. Il ne fera pas long feu, mais c’est comme dans n’importe quoi, il apprendra et il progressera."

C’est le parcours qu’a suivi Gordon Low, un habitant de Charlesbourg. Au début, Gordon se contentait d’installer de petits ensembles d’environ 500 à 800 dollars dans sa voiture, mais il s’est vite retrouvé dans la cour des grands. Bon premier dans la majorité des concours provinciaux, il a terminé quatrième cette année à la prestigieuse compétition Audiothunder de Toronto à titre de professionnel dans la catégorie 620 W et plus.

Aujourd’hui, il estime que sa Mazda MX6 compte pas moins de 25 000 dollars uniquement en équipement sonore. Loin d’être satisfait, Gordon, qui est chef mécanicien, démonte tout chaque année depuis trois ans pour recommencer quasiment à zéro. "Dans le professionnel, c’est pas évident, explique-t-il. Il faut toujours avoir le top du top, si tu arrives à une compétition où tu es déjà allé et que tu n’as rien changé, tu perds des chances de gagner."

La Hi-Fi mobile
Mario Rousseau est un autre mordu de système de son. Après avoir fait maintes compétitions d’esthétique automobile avec sa Honda Del Sol qu’il n’a de cesse de modifier depuis 1993, il s’est aperçu qu’il manquait quelque chose à son véhicule: un système de son hyper-performant.

Il est donc allé chercher conseil auprès de ses potes du X-Team pour bien s’équiper. Il a ensuite appliqué la minutie qui lui a fait rafler maints concours d’esthétique automobile à son installation sonore, n’hésitant pas à démonter sa voiture au grand complet pour réaliser ses idées. Sa Del Sol est devenue une véritable chaîne hi-fi mobile, originale de plus, avec son égalisateur de bandes au plancher, sa batterie digitale, son amplificateur moulé dans le coffre, mis en valeur par un néon, ou encore ses potentiomètres sous son frein à main.

Ses efforts ont porté fruits: cette année il a remporté les honneurs du plus gros concours du genre, le NOPI, qui avait lieu à Atlanta. La récompense (un trophée et une bourse de 400 dollars) paraît toutefois bien maigre au regard du temps et de l’argent qu’il a investis. "Je ne compte plus le nombre d’heures et l’argent non plus, confie-t-il. Des fois j’y pense et je me dis que je suis niaiseux en sacrament! Ma maison serait peut-être déjà payée! Mais c’est une passion incontrôlable et chaque jour je découvre de nouvelles choses. Comme je disais à ma blonde, c’est encore mieux que d’avoir le nez dans la poudre!"

Le véhicule de Mario déserte de plus en plus les routes au profit des compétitions – n’en déplaise aux policiers qui l’ont pris en grippe sans raison apparente. Il sera d’ailleurs présent à l’événement Sport compact qui aura lieu au Stade olympique à la mi-novembre. Mais en dehors des compétitions, que devient la fameuse Del Sol de 50 000 dollars? " Il m’arrive souvent d’aller m’asseoir dedans pour écouter de la musique de toutes sortes. Je me prépare à la modifier aussi, je veux y mettre un écran et un DVD…"