En politique, l’exagération est omniprésente. Surtout avec la télévision, où le clip de cinq secondes est pratiquement le seul moyen de communication entre les politiciens et la masse.
La phrase-choc doit avoir un effet-choc, sinon les propos des politiciens se confondent dans le verbiage télévisuel, et deviennent des cliquetis de vaisselle dans la cuisine d’un restaurant.
Cela dit, les opposants aux fusions municipales commencent à en beurrer pas mal épais. On croirait entendre un hommage à Betty Crocker. Ajoutez une tasse d’eau, mélangez bien et mettez-en, c’est pas de l’onguent.
"C’est un génocide municipal", disait Frank Zampino, maire de Saint-Léonard. Un autre parlait d’urbanicide.
Et quoi encore? Guy Bertrand suggère ni plus ni moins que ceux qui ont le sang anglais ont un droit inaliénable à la République rhodésienne, en se portant à la défense de la municipalité de Baie-d’Urfé, presque exclusivement anglophone. Un trait de caractère qui l’autorise à croire que ces municipalités doivent se faire accorder le statut de "réserves" d’Anglais par la Cour suprême! Sinon, il s’adressera aux Nations unies.
Avant ou après les Palestiniens des Territoires occupés?
"Tout ce qui est exagéré est insignifiant", disait Talleyrand.
Tautologie de la banane jaune
On les avait avertis il y a deux semaines. Le dépôt de ce projet de loi par Québec allait inévitablement permettre aux adversaires du Bloc québécois de faire du kilométrage politique dans la présente campagne fédérale.
Le PQ est souverainiste, le PQ force les fusions; le Bloc est souverainiste, donc le Bloc est en faveur des fusions forcées. Votez contre le Bloc!
À la limite, cette tautologie aurait pu se tolérer si elle n’avait émané que de quelconques candidats à l’arrière-banc. Mais provenant de Stéphane Dion, c’en est presque grotesque.
Stéphane Dion, ministre des Affaires intergouvernementales, brillant constitutionnaliste, auteur de la loi C-20 visant à faire respecter la constitution canadienne, celui qui a pour mission de s’assurer du respect des compétences provinciales et fédérales dans le gouvernement canadien, s’immisce dans une affaire on ne peut plus provinciale.
"Quand je fais mon travail de député, c’est plus facile pour moi de faire affaire avec Ville Saint-Laurent qu’avec la Ville de Montréal", a dit Stéphane Dion, pour justifier son intervention.
C’est sûr! Ce serait plus facile aussi pour Pierre Bourque de faire son boulot si le gouvernement Chrétien n’avait pas sabré dans l’assurance-emploi, avec toutes les cohortes d’exclus que ces coupures ont créé dans sa ville.
L’an dernier, quand le gouvernement de l’Ontario a forcé la fusion de toutes les villes du grand Ottawa, sans appui populaire, personne n’a levé le petit doigt à la Chambre des communes, même si l’opération rayait de la carte les droits des Franco-Ontariens dans la capitale nationale.
Aujourd’hui, à Montréal, les libéraux fédéraux font de l’opposition aux fusions forcées une opération de sauvetage de la démocratie.
Je lance donc moi aussi mon appel au vote de protestation. Le gouvernement fédéraliste de l’Ontario veut forcer tous les assistés sociaux à passer un test de dépistage de drogue, l’une des plus grosses violations des droits de la personne depuis les emprisonnements arbitraires de la Crise d’octobre. Je demande donc à tous mes concitoyens qui s’opposent à une telle mesure d’envoyer un message clair au gouvernement fédéraliste de l’Ontario en ne votant pas pour des partis fédéralistes lors de la prochaine élection fédérale.
Ridicule? En effet. Et ça va dans les deux sens.
Trop de convives
Les libéraux de Jean Charest (provinciaux ceux-là) croient que le gouvernement aurait dû adopter le modèle de la fiscalité d’agglomération, où toutes les villes paient une quote-part à une communauté métropolitaine, comme à Boston.
Or, c’est exactement le modèle qu’a adopté le gouvernement, en créant, le printemps dernier, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Elle couvre toute la région, de Mirabel à Chambly, de Repentigny à Vaudreuil. À l’exception de la police et de l’évaluation foncière, elle aura le même mandat que la Communauté urbaine (CUM) qu’on connaît déjà sur l’île et qu’elle remplacera.
La différence entre le grand Montréal actuel et le grand Boston, c’est que dans ce dernier, il y a 46 municipalités, pour une population de cinq millions d’habitants. À Montréal, il y a plus d’une centaine de municipalités, pour trois millions de personnes.
Cent vingt à une table régionale, ça ne marche pas. La preuve: l’État a été obligé de forcer la création de la Communauté métropolitaine, parce que les 120 et quelques maires ne s’entendaient pas.
En adoptant le principe d’une grande région métropolitaine pour Montréal, le gouvernement québécois n’avait pas le choix de réduire le nombre de convives à la table. Le plus naturel, c’était sur l’île de Montréal, où il y avait déjà trop d’intégration entre les villes: la police, les égouts, l’aqueduc, l’évaluation foncière… Avec la disparition de la CUM, on aurait vu apparaître une quantité insensée de régies intermunicipales de ceci et de cela, pour gérer les restes de la CUM.